Polarisant, détesté par un grand nombre de propriétaires en quête de la pelouse parfaite, le pissenlit est de plus en plus toléré, notamment en raison du mouvement No Mow May, ou Dandelion Challenge au Québec. Dans un essai publié en mars (Pissenlit contre pelouseÉditions MultiMondes), spécialiste des plantes envahissantes et professeur à l’Université Laval, Claude Lavoie revient sur la relation amour-haine avec cette petite plante jaune qui se multiplie à grande vitesse et qui n’est pas près de disparaître.
Diriez-vous que les pissenlits sont traités injustement ?
Bien sûr, car cela ne nuit à rien ni à personne, sauf à notre idée d’une pelouse parfaite. Jusqu’au début du XXe siècleet Au 19e siècle, le pissenlit laissait généralement les gens indifférents. Certains font remonter son utilisation comme aliment à l’Antiquité et il était consommé au Moyen-Âge en Europe, au Moyen-Orient, en Inde et en Chine. Il était également cultivé à la fin du 19e siècleet siècle en France, autour de Paris. Les traités médicaux parus au Moyen-Âge mentionnaient régulièrement le pissenlit pour son pouvoir diurétique supposé ou pour lutter contre la jaunisse. Mais la tendance s’inverse avec l’arrivée de la pelouse « golf green » dans les années 1900. Mais il s’agit d’une construction sociale. À partir des années 1950, le pissenlit devient l’ennemi des pelouses. Pourtant, il n’y a pas d’avantages particuliers à avoir une pelouse verte, sans pissenlits.
Le pissenlit a-t-il des propriétés plus étonnantes que d’autres ?
D’un point de vue nutritionnel, ses propriétés sont bien documentées. Le pissenlit et l’épinard sont réputés pour avoir à peu près la même valeur nutritionnelle. Cependant, le pissenlit doit être cueilli au tout début de sa croissance et consommé en mai car dès le mois d’août, son goût est extrêmement amer. Il existe plusieurs études sur ses potentielles propriétés médicinales, mais je ne connais qu’une seule étude clinique, nous n’avons donc aucune idée de son efficacité sur les humains ni des traitements dans lesquels il pourrait être utilisé. Le pissenlit est plus populaire en Asie et en Europe qu’en Amérique du Nord. Il est notamment présent dans la pharmacopée chinoise.
Le mouvement No Mow May préconise de ne pas tondre la pelouse en mai, pour aider les abeilles. Est-ce vraiment efficace ?
Le pollen de pissenlit n’est pas très bon pour les abeilles et les bourdons, car il manque de protéines. En revanche, il génère beaucoup de nectar, qui est la source d’énergie des insectes pollinisateurs. Au début du printemps, les abeilles, notamment, s’en nourrissent. Mais dès que les insectes ont l’occasion de se nourrir d’autres fleurs, notamment celles des arbres comme les cerisiers ou les pommiers, ils abandonnent les pissenlits car il y a des choses plus intéressantes ailleurs. Ainsi, même si cette plante ne va pas sauver les insectes pollinisateurs, les pissenlits ne sont pas inutiles. Le geste de ne pas tondre sa pelouse en mai est peut-être anodin, mais il est là et c’est un début.
Alors, perdons-nous notre temps à détester les pissenlits ?
Il est inutile de lutter contre les pissenlits. Certes, le pissenlit sera éliminé, mais un autre apparaîtra. C’est beaucoup d’argent et d’énergie investis en pure perte. Cette lutte est inutile, mais elle est très bénéfique pour l’industrie des pesticides et certaines entreprises d’aménagement paysager.