Les nouvelles et Éducaloi unissent leurs forces pour éclairer les enjeux juridiques de votre quotidien. Marc-Antoine Bernier est notaire et vulgarisateur juridique chez Éducaloi. Le droit est en constante évolution. Les informations juridiques contenues dans ce texte étaient valides en date du 29 juin 2024. Ce texte est informatif; il ne constitue pas un avis juridique. Éducaloi est un organisme à but non lucratif qui a pour mission de vulgariser le droit et de développer les compétences juridiques de la population du Québec.
Après avoir emménagé dans votre nouveau logement, vous constatez que certains de vos meubles ont été accidentellement endommagés par les déménageurs pendant le transport. Pouvez-vous être remboursé pour les bris ?
Oui, mais ce sera difficile si vous tardez à agir. En théorie, le Code civil du Québec vous donne un délai maximal de trois ans pour intenter une poursuite si vos meubles sont brisés. En pratique, cependant, votre crédibilité sera plus élevée aux yeux du juge si vous avez signalé les dommages le lendemain du déménagement plutôt que plusieurs semaines plus tard.
C’est ce qu’a compris un couple de Sherbrooke dans une cause jugée en 2018. Le couple poursuivait une compagnie de déménagement pour 1883,60 $, dont 1000 $ pour des dommages causés à des meubles en cuir.
Le déménagement a eu lieu le 15 juin 2017 et le couple n’a pas déposé de plainte le jour même. Trois jours plus tard, ils ont signalé aux déménageurs qu’une valise avait été laissée à l’ancienne adresse. Une entente a été conclue entre le couple et la compagnie de déménagement concernant cette valise, sans que la question de l’état des meubles ne soit soulevée.
Trois semaines après le déménagement, le couple a réclamé une indemnisation pour les dommages causés à leurs meubles et à un cadre de porte. L’entreprise a contesté cette demande, affirmant que le déménagement n’avait aucun lien avec les dommages.
Dans sa décision, la juge a donné raison à l’entreprise de déménagement. Elle a trouvé surprenant que les clients n’aient pas mentionné les dommages causés aux meubles le jour même où ils avaient mentionné la valise oubliée. Pour la magistrate, la plainte concernant les meubles était très tardive, puisqu’elle est intervenue trois semaines après le déménagement.
Le juge a également relevé que les meubles avaient déjà 10 ans au moment des prétendues casses. Le couple devait donc prouver que les dommages étaient liés au déménagement et non causés par l’usure. Un simple constat des casses trois semaines plus tard ne suffisait pas.
Documentez correctement votre dossier
En plus de signaler rapidement les dégâts, il est tout aussi important de pouvoir prouver que ce sont les déménageurs qui ont causé les dégâts. Pour cela, il faut réunir le plus de preuves possible, et celles-ci doivent être convaincantes. Il peut être judicieux de prendre des photos de vos meubles avant le déménagement, et d’autres après, qui montrent clairement les dégâts causés pendant le transport.
Dans un dossier de 2022, une femme qui habitait dans le nord des Laurentides a soumis des photos des dommages comme preuve, notamment des égratignures sur le cadre de son lit, ses tables de nuit, le dessous de son grand bureau et le meuble qui soutenait sa télévision. Elle a réclamé près de 2000 $ à l’entreprise de déménagement, dont 1000 $ pour des meubles brisés. L’entreprise a admis sa responsabilité pour un cadre de lit endommagé, mais a nié sa responsabilité pour d’autres meubles endommagés.
Dans son jugement, la magistrate a fait droit à la réclamation de la dame concernant le cadre de lit, mais a donné raison à la compagnie de déménagement pour tout le reste. Elle a estimé que les photos des meubles de la cliente ne suffisaient pas à démontrer la faute des déménageurs. Les dommages étaient visibles sans qu’on puisse savoir s’ils avaient été causés par les déménageurs. Elle a également souligné que les meubles avaient été achetés il y a plusieurs années et que les dommages n’étaient pas des marques dues à un déménagement. La dame a donc reçu un remboursement de 200 $ pour son cadre de lit seulement.
Obligation de résultats
Ces deux affaires montrent que les juges exigeront des preuves solides pour les meubles achetés il y a des années. Mais qu’en est-il lorsque des meubles neufs ou presque neufs sont endommagés ? Un juge s’est prononcé sur cette question dans une affaire de 2020. Un homme a poursuivi l’entreprise de déménagement qui a transporté ses meubles vers sa nouvelle maison pour 2 000 $. Le lendemain du déménagement, il a découvert qu’une moulure en bois de sa chaise en cuir, achetée deux ans plus tôt, avait été endommagée. L’entreprise de déménagement a nié toute responsabilité pour l’état de la chaise et n’a pas proposé de le rembourser.
Le juge a statué en faveur du propriétaire de la chaise sur la base de son témoignage cohérent et crédible. Il a déclaré que la chaise était en parfait état avant le déménagement et que les dommages étaient si graves qu’il n’avait pas pu la faire réparer malgré ses efforts.
Dans son jugement, la magistrate souligne que l’entreprise avait la responsabilité de ne pas endommager le mobilier lors du déménagement, quelles que soient les méthodes utilisées. C’est ce qu’on appelle en droit une obligation de résultat.
Le juge a accordé au propriétaire de la chaise 1 500 $, soit 500 $ de moins que ce qui lui avait été réclamé. La raison? Le juge a tenu compte de la dépréciation du meuble, pour lequel il avait payé 1 920 $ deux ans plus tôt.
Un déménageur est-il toujours responsable ?
Même si les déménageurs ont une obligation de résultat, ils peuvent s’en libérer s’ils prouvent qu’ils ont été confrontés à un cas de force majeure. C’est-à-dire qu’un événement imprévu et indépendant de leur volonté (comme un tremblement de terre survenu alors qu’ils transportaient un meuble) a provoqué le bris.
De même, après le déménagement, si un déménageur vous présente un document attestant que tout s’est bien passé et que rien n’a été cassé, et que vous le signez, cela le dégage de toute responsabilité.
C’est ce qu’a conclu le juge dans une affaire qui s’est déroulée à Québec. Lors de son déménagement, une femme a constaté qu’une lampe avait été brisée en raison de la négligence du déménageur. Elle a tout de même signé la note indiquant que le camion de déménagement était vide et qu’aucun dommage n’avait été constaté. Le juge a statué qu’en signant un tel document, la cliente avait confirmé que tout s’était bien passé et qu’elle ne pouvait formuler aucun grief par la suite.
D’où l’importance de lire attentivement les documents qui vous sont remis avant de les signer, même au cœur du stress du déménagement.
Notez également qu’avant de poursuivre vos déménageurs à la Division des petites créances de la Cour du Québec, vous pouvez tenter de les contacter directement pour trouver une solution à l’amiable. Une simple entente après discussion peut vous éviter bien des soucis et de longues procédures.
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