La démission abrupte de Pierre Fitzgibbon, mardi, risque de laisser des traces dans le paysage politique québécois. Une élection partielle devra vraisemblablement avoir lieu à Terrebonne au plus tard en mars prochain. Il s’agit d’une circonscription très favorable au Parti québécois (PQ), bien plus que Jean-Talon — souvent décrit comme un bastion libéral — ne l’était l’automne dernier… Et on connaît la suite, avec l’élection du quatrième mousquetaire du PQ. Depuis 1976, les électeurs de cette circonscription de la banlieue nord de Montréal ont élu des députés péquistes à 10 reprises en 11 élections, avant de préférer Pierre Fitzgibbon en 2018.
Or, et heureusement pour la Coalition avenir Québec (CAQ), les prochaines élections générales ne sont prévues que le 5 octobre 2026, et à 760 jours de l’échéance, rien n’est encore coulé dans le béton concernant l’humeur des Québécois. Au contraire, si l’on se fie aux sondages des derniers mois, et plus particulièrement au sondage Léger publié la semaine dernière, les électeurs sont loin d’être charmés par l’offre politique actuelle.
On se demande s’il est déjà arrivé dans l’histoire politique du Québec qu’il y ait eu seulement 16 points d’écart entre la première et la cinquième place dans les intentions de vote.
Le PQ et la CAQ ont toutefois un net avantage sur leurs rivaux : leurs électeurs sont plus enclins à appuyer l’un ou l’autre de ces partis.
Selon Léger, le parti de Paul St-Pierre Plamondon est toujours en tête, mais avec un peu moins du tiers des appuis des électeurs décidés (29 %). Quant au parti de François Legault, il obtient 24 % dans ce sondage, une modeste amélioration des chiffres depuis le printemps (voir la liste complète des sondages québécois ici).
Analysés dans les tendances des derniers mois, ces mouvements démontrent que le Jell-O n’est pas pris. C’est à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle pour la CAQ : chaque point que le parti regagnerait serait probablement enlevé au PQ, mais chaque point que la CAQ laisserait filer ferait inévitablement gonfler les appuis du PQ. Ces partis sont des vases communicants comme on en a rarement vu en politique québécoise depuis longtemps.
Le glissement des intentions de vote entre les deux partis est loin d’être terminé, selon le sondage Léger : parmi les électeurs qui appuient actuellement la CAQ, deux sur cinq (39 %) opteraient pour le PQ comme deuxième choix.
Parmi les électeurs péquistes, 32 % — soit un tiers — se disent ouverts à voter pour la CAQ.
En comparant les moyennes actuelles des sondages avec les résultats de l’élection de 2022, les quinze points perdus par la CAQ depuis ont été pratiquement tous absorbés par le PQ. Quant aux autres partis politiques, ils marquent le pas depuis l’élection de 2022, avec quelques fluctuations.
Tous ces électeurs ouverts à l’alternance entre le PQ et la CAQ seront probablement très sollicités au cours des deux prochaines années. Ils pourraient bien déterminer la composition du gouvernement du Québec en 2026.
Les données de deuxième choix du sondage Léger (un vrai régal pour les matheux, soit dit en passant) contiennent aussi quelques indicateurs intéressants lorsqu’elles sont réparties par groupe d’âge (voir le graphique ci-dessous).
Alors que le Parti libéral a obtenu un bon score auprès des jeunes électeurs (22% de deuxième choix chez les 18-34 ans), on note que c’est la CAQ et le PQ qui ont obtenu les plus fortes proportions de deuxième choix chez les 35 ans et plus.
Parmi l’électorat plus âgé (qui, historiquement, se rend aux urnes en plus grande proportion que les citoyens plus jeunes), 20 % placent le PQ comme deuxième choix, contre 15 % pour la CAQ.
Cela signifie qu’un peu plus du tiers des électeurs les plus susceptibles de voter aux élections générales ont choisi l’un de ces deux partis comme deuxième option. Ces données nous montrent clairement que le PQ et la CAQ ont toujours le meilleur potentiel de croissance en termes d’appuis. Les autres partis ont du pain sur la planche pour renverser cette tendance lourde.
Entre ces deux partis bleus, le bonheur électoral de l’un fera inévitablement le malheur de l’autre.
Vous trouverez ici le rapport d’enquête Léger.