L’amoxicilline, un médicament utilisé pour traiter diverses infections, était en grave pénurie à l’automne-hiver 2023. L’industrie espère avoir trouvé le remède à ce problème, mais craint par avance de tomber dans la même pénurie.
La question est presque toujours accueillie avec de longs soupirs. Faut-il craindre une nouvelle pénurie d’amoxicilline à l’approche de l’hiver ? Les souvenirs des longues semaines de galère endurées l’an dernier ont été ravivés cette semaine.
La raison : le rappel d’un “très petit nombre de flacons” d’une version de l’antibiotique, une variante utilisée pour traiter les enfants et les nourrissons. Mais dans cette situation, la dose ne fait pas le poison, quand il s’agit d’amoxicilline, le plus petit comprimé est bon à prendre, comme en témoignent les pharmaciens, les médecins et les patients qui ont connu une série de difficultés au cours de l’année écoulée.
“Il ne se passe pas un jour sans qu’un pharmacien ne reçoive un appel qui l’amène à ne pas avoir ce qui lui a été prescrit”, explique à BFMTV.com Jean-Christophe Nogrette, secrétaire adjoint du syndicat des médecins généralistes MG France. “Cela concerne l’amoxicilline, mais ces pénuries concernent aussi de nombreux autres médicaments.”
Gélules, poudres, sirop…
Pourquoi ce produit est-il un nouvel or blanc ? Parce qu’il est utilisé pour de nombreuses infections courantes, on parle d’un médicament utilisé en « premier recours ». Sinusite, otite, angine, pneumonie, abcès dentaire… Les pathologies qui peuvent être traitées avec cet antibiotique sont nombreuses, aussi bien chez l’adulte que chez l’enfant, notamment sous sa forme sirop.
« Gélule, poudre, sirop… Ce sont les mêmes difficultés », souligne Jean-Christophe Nogrette.
Les difficultés d’approvisionnement sont la combinaison de deux facteurs : une consommation « trop » élevée d’antibiotiques (700 prescriptions pour 1 000 habitants en 2022) selon les autorités sanitaires) et une production de principe actif trop faible.
“Malheureusement, depuis des années, les pénuries sont fréquentes pour de nombreux médicaments. Nous sommes bien sûr préoccupés par ces situations, mais je ne peux pas aujourd’hui répondre sur la situation cet hiver”, explique Romain Basmaci, chef de service à l’AP-HP et secrétaire général de la Société française de pédiatrie.
Un mince « filet » mais pas de rupture totale
Philippe Besset, le président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques, parle d’un “rappel de lots qui n’est pas réjouissant dans une période de fragilité”. Le représentant des pharmaciens français reconnaît la “crainte” d’une pénurie cet hiver. Mais pour l’instant, la situation n’est pas bloquée.
« Il y a un filet d’eau continu du robinet, disons. Des mesures ont été prises, notamment au niveau de la distribution, pour que toutes les pharmacies soient approvisionnées par les grossistes répartiteurs », explique-t-il.
Au-delà des craintes, il affiche une « confiance » dans les mécanismes de protection adoptés pour éviter le pire. Sur ce point, l’Agence de sécurité du médicament (ANSM) rappelle à BFMTV.com le déploiement d’un plan hivernal, déjà en place en 2023 pour « anticiper et limiter les tensions sur certains grands médicaments hivernaux et sécuriser ainsi la couverture des besoins des patients ».
Reste que, sur sa page dédiée, l’ANSM affiche des difficultés avec certains dosages du médicament, notamment sous sa forme buvable. Les “tensions d’approvisionnement” perdurent depuis au moins octobre 2022, “elles concernent toute l’Europe”, tempère l’agence sanitaire.
Depuis trois ans, la loi impose aux laboratoires de consolider des stocks de sécurité de quatre mois de certains médicaments d’intérêt thérapeutique (dont cet antibiotique) s’ils ont été récemment en rupture de stock. Cette exigence fait l’objet de nombreux manquements. Mardi, 11 laboratoires ont été sanctionnés d’une amende totale de 8 millions d’euros pour ne pas avoir respecté ces obligations.