Marie-Axelle Granié, directrice de recherche en psychologie sociale du développement, à l’Université Gustave-Eiffel, est directrice du laboratoire Modis (Mobilité durable, individu, société) et auteur de nombreuses publications sur les différences de perception du risque selon le genre, en termes de la sécurité routière.
Pourquoi les gens peuvent-ils se comporter de manière agressive au volant ?
Il ne s’agit pas d’un comportement propre à l’automobiliste. On peut aussi être agressif quand on est piéton ou cycliste. Cela se produit lorsque quelque chose ou quelqu’un semble pénétrer dans notre zone personnelle ou dans l’espace qui nous est attribué par le tracé de la route. Plus le véhicule conduit est lourd et rapide, plus le comportement peut être dangereux pour les autres. De plus, lorsque nous sommes dans une voiture, à l’intérieur d’un objet qui nous déplace et nous appartient, l’intrus est perçu comme une menace pour notre enveloppe corporelle.
Pourquoi le comportement au volant est-il si différent selon le sexe ?
Les stéréotypes sur les hommes et les femmes au volant sont ancrés très tôt dans la vie. Vers l’âge de 11 ans, une conviction très ferme émerge selon laquelle les hommes sont naturellement compétents pour conduire et peuvent se permettre de prendre des risques. Ceci est même considéré comme une preuve de contrôle du véhicule. Les hommes âgés de 18 à 25 ans, notamment, affichent ces comportements pour montrer leur appartenance au groupe masculin.
Des études montrent également que plus nous adhérons aux stéréotypes masculins, plus nous sommes enclins à prendre des risques sur la route et à exercer une domination sur les autres usagers. Ces constats s’appliquent à tous les âges et à tous les modes de transports, voiture, deux-roues motorisés, vélo ou scooter.
L’image de la femme au volant se construit négativement, vers 13-14 ans. La femme serait naturellement incompétente, et sa prudence prouverait son incompétence. En France, les plaisanteries sur la « femme au volant » restent fréquentes, alors que, ailleurs, ce type de discours sexiste n’est plus considéré comme acceptable. De ce fait, les femmes internalisent la présomption d’incompétence et ont plus de difficultés à obtenir un permis de conduire. A l’inverse, les hommes qui échouent à leur permis le vivent très mal.
Cependant, les hommes représentent au moins les trois quarts des décès sur les routes dans tous les pays du monde, même dans ceux qui œuvrent le plus dur en faveur de l’égalité des sexes. Ces observations s’appliquent quel que soit le kilométrage parcouru. En France, les hommes parcourent en moyenne 11 000 kilomètres par an, et les femmes 10 000, mais ils constituent 83 % des responsables présumés des accidents.
Il vous reste 12,12% de cet article à lire. Le reste est réservé aux abonnés.