On en voit de plus en plus : des compléments alimentaires destinés aux femmes qui souffrent du syndrome prémenstruel. Certains les jugent inutiles, d’autres risqués.
« Méga forme » puisque cette internaute a pris un complément alimentaire contre son syndrome prémenstruel (SPM). “J’ai trouvé un complément alimentaire qui m’apaise un peu en début de syndrome prémenstruel”, raconte une autre qui explique que ce syndrome lui était “insupportable tous les mois”. « Les gélules de feuilles de framboisier m’ont sauvé », ajoute un troisième.
Il en existe de nombreux en pharmacie et sur les sites de vente en ligne : des compléments alimentaires pour « soulager le syndrome prémenstruel ». Des compléments alimentaires pour « réduire les sautes d’humeur », contribuer « à une neurotransmission normale », réguler « l’équilibre hormonal » et « réduire la fatigue physique et nerveuse » selon leurs promesses.
Le syndrome prémenstruel est une série de symptômes physiques et psychologiques dont souffrent certaines femmes au cours de leurs cycles. Fatigue, maux de tête, douleurs mammaires, troubles digestifs ou problèmes dermatologiques… Des affections qui débutent « entre quelques heures et plusieurs jours avant les règles et qui disparaissent généralement peu après leur arrivée », explique l’Inserm.
Entre 20 et 40 % des femmes en âge de procréer sont touchées par le syndrome prémenstruel, avec des symptômes plus ou moins prononcés et plus ou moins gênants au quotidien. “Certaines femmes ont tellement mal qu’elles vomissent de douleur, d’autres ont des migraines avec aura (c’est-à-dire avec des troubles visuels, sensoriels, de la parole ou moteurs, NDLR)”, relate pour BFMTV.com Caroline Brochet, présidente de l’Association professionnelle des sages-femmes.
Dans 5 % des cas, ce syndrome perturbe gravement la vie sociale, professionnelle et familiale de ces femmes. Le syndrome prémenstruel peut même être associé à des symptômes similaires à ceux de la dépression majeure, précise l’Inserm.
“Pas d’essais cliniques solides”
Les causes de ce syndrome restent floues. Des facteurs hormonaux pourraient être liés, comme une prédisposition génétique ou encore un déficit en sérotonine (un neurotransmetteur). Et pour l’instant, il n’existe pas de traitement spécifique, hormis des traitements hormonaux (pour certaines femmes), du paracétamol, des anti-inflammatoires, des anxiolytiques et des diurétiques pour réduire la rétention d’eau.
En l’absence de médicaments, les compléments alimentaires ciblés contre le syndrome prémenstruel sont légion. Un marché qui ne connaît pas de crise. Globalement, en 2023, plus de sept Français sur dix ont consommé des compléments alimentaires, selon le Syndicat National des Compléments Alimentaires. Un marché estimé à 2,6 milliards d’euros en 2022 avec une croissance de 3%, selon son dernier rapport d’activité.
Dans la formulation de ces compléments destinés aux femmes souffrant du syndrome prémenstruel, certains composants reviennent souvent. Parmi eux, le gattilier, l’alchémille, l’achillée millefeuille, la mélisse ou le ginkgo biloba, des plantes souvent utilisées à des fins médicinales. Mais pour un résultat modeste à discutable, analyse pour BFMTV.com Sylvie Michel, professeur de pharmacognosie et de chimie des substances naturelles à l’université Paris-Cité.
“Il est vrai que ce sont des plantes traditionnellement utilisées. Mais le problème est que dans la plupart des cas, il n’y a pas d’essais cliniques solides, les cohortes sont petites et certaines études comportent des biais.”
Exemple avec le gattilier (espèce d’arbuste aussi appelée poivrier, vitex agnus-castus de son nom scientifique). Si l’Agence européenne des médicaments juge que “l’efficacité de cette plante médicinale est plausible”, elle reconnaît que “les preuves issues des essais cliniques (en l’occurrence une étude réalisée sur 178 femmes, NDLR) sont insuffisantes”.
“C’est du marketing”
“C’est très difficile de dire que ces produits ont vraiment un effet”, assure Sylvie Michel, également membre de l’Académie nationale de pharmacie. “Il y a un consensus dans la communauté scientifique autour de ces produits, à savoir que c’est du marketing”, estime Laurence Coiffard, enseignante-chercheuse à la faculté de pharmacie de l’université de Nantes, pour BFMTV.com.
Le Vidal, dictionnaire médical et site de référence sur les produits de santé, se montre également très réservé sur le sujet. “Les compléments alimentaires destinés à soulager le syndrome prémenstruel (…) contiennent divers ingrédients dont l’efficacité est, le plus souvent, à peine prouvée”, prévient-il.
Sans compter que certains ingrédients, comme le gattilier, pourraient également être nocifs. Dans un avis publié en 2023 sur les compléments alimentaires contenant des plantes médicinales, l’Agence nationale de sécurité sanitaire des aliments (Anses) recommandait que ceux contenant du gattilier comportent « une mise en garde déconseillant leur utilisation chez les femmes ayant des antécédents personnels ou familiaux de cancer du sein ». .com observé n’a pas présenté cette information.
“Le gattilier peut en effet avoir une action hormonale”, prévient la chercheuse Laurence Coiffard, également membre correspondant national de l’Académie nationale de pharmacie. « Par conséquent, toute personne sujette au cancer hormono-dépendant ne devrait absolument pas en prendre. »
« La balance bénéfice-risque est défavorable. Le principe de précaution doit s’appliquer.
Parmi les autres composants de ces compléments alimentaires : du magnésium, du zinc, différentes vitamines B (principalement B6), du tryptophane (un acide aminé qui participe à la production de sérotonine), ou encore du safran et du curcuma. Des ingrédients qui seraient inutiles pour les uns, problématiques pour d’autres, souligne Laurence Coiffard.
« Les minéraux et les vitamines ne sont pas très pertinents dans le cas de la population française. Une alimentation normale couvre tous les besoins, sauf bien sûr cas particuliers de maladies ou de traitements pouvant entraîner des carences.
L’Anses indique en effet que « les déficits d’apports et a fortiori les carences nutritionnelles sont très rares en population générale ». A l’exception de la vitamine D : en 2019, plus de 70 % des adultes étaient carencés, selon l’Anses. Mais la vitamine D est synthétisée par l’organisme en s’exposant au soleil quinze à vingt minutes par jour.
“Ce n’est pas parce que c’est naturel que c’est bon”
Laurence Coiffard lance une autre alerte sur le tryptophane, un des acides aminés dits essentiels, c’est-à-dire qui ne peuvent être produits par l’organisme. « En principe, une alimentation normale assure les besoins quotidiens », poursuit la chercheuse Laurence Coiffard. L’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) estime qu’ils s’élèvent à 220 mg par jour (en détail : 4 mg par kilo de poids).
Un risque de surdosage ? “Les apports les plus faibles en tryptophane observés dans la population française ne présentent aucun risque d’insuffisance”, ajoute l’Afssa. Cependant, cette agence a pointé du doigt le risque d’effets indésirables (somnolence, nausées, maux de tête) provoqués par une consommation excessive de tryptophane.
Quant au curcuma, après plusieurs signalements d’hépatite, l’Anses a dénoncé le risque d’effets indésirables liés à la consommation de compléments alimentaires en contenant. L’une des formulations du curcuma peut même être « potentiellement toxique ».
« Ce n’est pas parce qu’un produit est naturel qu’il est bon pour la santé », insiste Laurence Coiffard.
Le docteur en pharmacologie appelle à la prudence. “On ne sait pas quel type de principe actif est extrait de ces plantes ni comment l’extraction est réalisée.” Et explique que selon les solvants utilisés, “ce n’est pas la même quantité de principe actif qui est extraite”. “On ne peut pas improviser la fabrication d’extraits de plantes.”
Pourtant, ces compléments alimentaires promettent « un équilibre hormonal », une « régulation du syndrome prémenstruel » ou encore proclament : « Fini la mauvaise humeur, le stress et autres symptômes pendant la période PMS ».
Confusion pour le consommateur
La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) rappelle que les compléments alimentaires sont des « denrées alimentaires ayant pour objet de compléter l’alimentation normale ». Et insiste : « Les compléments alimentaires ne sont pas (des médicaments).
Par ailleurs, leur étiquetage, leur présentation et leur publicité ne doivent pas attribuer à ces produits « des propriétés de prévention, de traitement ou de guérison d’une maladie humaine, ni évoquer ces propriétés ». Cependant, certains de ces compléments alimentaires « soulagent » ou « régulent » effectivement le syndrome prémenstruel. D’autres annoncent « réduire les sautes d’humeur, la fatigue, l’inconfort physique » mais aussi « l’irritabilité et la tension nerveuse », « maintenir une humeur positive ».
“Ces termes peuvent prêter à confusion dans l’esprit des gens qui les achètent”, remarque pour BFMTV.com Philippe Courtois, avocat spécialisé en droit médical. Il rappelle que « ce qui guérit, soulage ou soigne vient de la médecine ». Or, selon lui, si ces compléments alimentaires affichent des allégations de ce type, « il s’agit simplement d’une tromperie aggravée ».
En 2015, sur 78 sites Internet surveillés, environ 80 % utilisaient des allégations de santé non autorisées ou faisant état de propriétés thérapeutiques, « une pratique strictement interdite pour les denrées alimentaires car exclusivement réservée aux médicaments », rappelle la DGCCRF.
Avant de se tourner vers les compléments alimentaires, le premier réflexe en cas de syndrome prémenstruel “est d’en parler à votre médecin, votre gynécologue ou votre sage-femme”, rappelle Caroline Brochet, de l’Association professionnelle des sages-femmes. -femmes. Car il faut impérativement, selon elle, vérifier qu’aucune pathologie ne se cache derrière cette douleur.
« Il peut s’agir d’une endométriose, d’un fibrome, d’une adénomyose ou de toute autre pathologie gynécologique. Seul un professionnel de santé peut en être sûr, notamment avec des investigations médicales.
Et si ces douleurs sont bien physiologiques, différents traitements peuvent être proposés, assure Caroline Brochet. « Parmi les thérapies, on trouve des crèmes pour les douleurs mammaires, des petites bouillottes pour les contractions utérines. Il ne s’agit pas uniquement de compléments alimentaires.