Ce texte rassemble les capsules contenues dans notre newsletter politique, publiée le jeudi à 17h00. Vous y trouverez un regard en quatre points sur les événements politiques de la semaine. Vous pouvez vous inscrire ici.
Il était (relativement) amusant d’entendre Pierre Poilievre et Jagmeet Singh dire cette semaine que le gouvernement Trudeau avait été pris au dépourvu par la menace de Donald Trump d’imposer des tarifs douaniers de 25 % sur les importations canadiennes. Selon eux, le Premier ministre n’avait rien vu venir, n’avait rien préparé à l’avance et restait les bras croisés lorsque le coup de semonce est tombé.
Dans la vie réelle et non partisane, Justin Trudeau a pu s’entretenir longuement avec Donald Trump dès la publication du message de celui qui est à la fois ancien et futur président. Il a réuni mercredi soir les premiers ministres des provinces pour discuter des prochaines étapes. Mais surtout, depuis près d’un an, le Canada déploie des efforts politiques et diplomatiques considérables (près de 500 rencontres avec des gens d’affaires, des élus locaux, des gouverneurs, des membres de l’entourage de Donald Trump, etc. ), dans le but précis d’avoir accès à un réseau d’alliés en cas de besoin. Nous apparaîtrons comme un gouvernement aveugle et inactif.
La question n’a jamais été de savoir si Donald Trump sortirait des lapins de son chapeau, mais plutôt quand il le ferait. Sur le fond (la menace d’imposer des tarifs douaniers), les intentions du Républicain sont connues depuis longtemps. S’il y a eu une surprise, c’est plutôt sur la forme : le fait que le message soit arrivé si tôt (ce qui a laissé au Canada le temps de réagir avant l’entrée en fonction de Donald Trump), qu’il ait été si fort (25 %, alors que Donald Trump parlait généralement de 10% pendant la campagne), et que cette menace commerciale est liée aux exigences sur la gestion de la frontière canadienne – alors que les problèmes évoqués par Donald Trump sont bien plus criants à la frontière mexicaine.
Il y a certainement une part de bluff dans l’attitude de Trump. L’imposition de tels droits de douane ne serait pas sans conséquences sur l’économie américaine. Mais il y a aussi un message clair, qu’Ottawa prend au sérieux : l’administration Trump veut des changements à la frontière, pour mieux contrôler le passage des immigrants et de la drogue. Son analyse de la situation appellerait quelques réserves, mais au moins les leviers de négociation sont clairement établis. A partir de là, c’est au gouvernement de bien jouer ses cartes pour rassurer. le pays… et qu’Équipe Canada prouve que le travail effectué en amont peut porter ses fruits.
Le numéro
23
Qui voudrait – peut-être – construire un troisième lien ? Au moins 23 entreprises ont répondu à l’appel d’intérêt international lancé pour la conception du futur troisième lien autoroutier entre Lévis et Québec (et vice versa). La ministre des Transports et de la Mobilité durable, Geneviève Guilbault, s’est félicitée mercredi de cet intérêt du secteur privé pour le projet du CAQ, qui demeure flou à ce jour. Le Québec ignore encore le coût de l’infrastructure, son tracé et même son « type » : pont ou tunnel ? Pour l’instant, le gouvernement mise sur une signature du contrat en 2027, un démarrage des travaux en 2028 et une ouverture vers 2035. Il mise aussi sur le fait qu’un autre gouvernement ne pourrait pas revenir en arrière. « Dans notre esprit, le projet sera irréversible » lorsque nous atteindrons les élections de 2026, a déclaré la ministre Guilbault. Les trois mots clés de la phrase se trouvent probablement au début de celle-ci…
Le baromêtre
👍 Soulèvement
Il n’y a pas beaucoup d’exemples de politiciens convoquant la presse pour fournir « une mise à jour sur [leur] avenir politique »… et qui annoncent enfin qu’ils continuent. À cet égard, la mairesse de Longueuil, Catherine Fournier, a parfaitement réussi jeudi matin. Tout le monde ou presque s’attendait à son départ, les médias étaient déjà en mode analyse de « la difficulté de faire de la politique municipale aujourd’hui » pour les « jeunes femmes », etc. C’était intentionnel, dit-elle, expliquant que c’est justement le message qu’elle voulait renverser. “Je veux qu’on sorte de la spirale négative et qu’on parle de la beauté de la politique”, a souligné le maire. Son discours reflétait le style Fournier : lucide et transparent (les difficultés de faire de la politique municipale à une époque de défis majeurs posés par les changements climatiques ou la crise du logement), franc et positif. « Très peu de fonctions permettent de contribuer à transformer sa communauté comme j’ai l’occasion de le faire au quotidien », a-t-elle déclaré, soulignant qu’à Longueuil, « avec la collaboration comme valeur cardinale, nous avons réussi à démontrer que nous pouvons faire politique en se respectant et en s’écoutant. À l’heure des démissions en série dans le secteur municipal, dans un contexte de polarisation et d’invectives interposées, sa main tendue « à tous ceux qui souhaitent faire de la politique autrement » a valeur symbolique.
👎 En déclin
Au mauvais théâtre général que montre la Chambre des communes depuis plusieurs semaines, on peut ajouter ces derniers jours le débat sur le congé de TPS pour deux mois sur une foule de produits essentiels comme les chips, l’alcool et les consoles de jeux vidéo, ainsi que celui sur la pertinence d’envoyer un chèque de 250 dollars à plus de 18 millions de travailleurs, à condition qu’ils n’aient pas gagné plus de 150 000 dollars (nets !) l’année dernière. Notons le souci du Bloc québécois et du Nouveau Parti démocratique de s’assurer que les aînés aient aussi droit au chèque — car selon la proposition actuelle, « le gouvernement [donnerait] des chèques à des personnes qui n’en ont pas besoin et n’en veulent pas [donnerait] pas à ceux qui en ont le plus besoin », a souligné Yves-François Blanchet. Mais on soulignera aussi qu’une bonne partie de ce débat se déroule comme s’il était immédiatement justifié (dans l’esprit du gouvernement, mais pas seulement) que le gouvernement fédéral s’endette de plus de 6 milliards pour offrir des cadeaux électoraux. Noël. Ceci sans tenir compte d’un déficit de plus de 40 milliards et sans se soucier de vraiment cibler les produits « essentiels », ni sans trop réfléchir à la définition de qui est vraiment « en difficulté » dans la vie fin 2024. Une réponse courte : ces ne sont pas les couples avec un revenu de 299 999 $ après impôts.