La consommation d’antidépresseurs a augmenté au Québec ces dernières années, particulièrement chez les adolescents, selon la Régie de l’assurance santé du Québec (RAMQ). Couramment prescrits pour traiter la dépression et l’anxiété, ces médicaments se répartissent essentiellement en cinq familles ou classes qui regroupent une trentaine de molécules différentes. Cela inclut les inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine (ISRS), tels que le citalopram (Celexa) et la fluoxétine (Prozac). Ce sont les plus courants, car ils sont généralement efficaces et bien tolérés par les patients. Lorsque les ISRS ne fonctionnent pas, une autre famille d’options courantes est celle des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSN).
« De nombreux facteurs doivent être pris en considération lors du choix de la bonne molécule », explique le Dr.r Éric Teboul, psychiatre à l’hôpital Saint-Jérôme. Pour s’y retrouver, les professionnels de la santé s’appuient souvent sur les recommandations d’un réseau d’experts universitaires et cliniques, le Réseau canadien pour le traitement de l’humeur et de l’anxiété (CANMAT), ainsi que sur des outils d’aide à la décision. Le Dr Teboul a lui-même répertorié dans un tableau tous les antidépresseurs actuellement sur le marché et leurs éventuels effets secondaires ou contre-indications selon le profil du patient. Ce type de ressources permet d’identifier rapidement des molécules adaptées ou non, en fonction des caractéristiques de la dépression (comme la fatigue) et d’autres antécédents médicaux (syndrome du côlon irritable ou maladies cardiovasculaires par exemple).
Comment votre médecin choisit-il la bonne molécule ?
Pour choisir laquelle sera la plus adaptée, les médecins prennent d’abord en compte le type de trouble à traiter et les éventuelles comorbidités psychiatriques et médicales, c’est-à-dire l’existence d’une autre maladie. Si vous souffrez, en plus de la dépression, d’un trouble anxieux ou d’une phobie sociale par exemple, vous serez probablement orienté vers des molécules qui traitent bien les symptômes anxieux, comme l’escitalopram ou la sertraline.
Si rien de particulier ne ressort de cette première analyse, le choix en première intention se porte souvent sur des molécules « passe-partout », c’est-à-dire tolérées par un grand nombre de personnes, comme le citalopram, explique le D.r Éric Téboul. Le médecin prend également en compte les préférences du patient concernant les effets secondaires. Si l’on veut éviter à tout prix la prise de poids, il faut par exemple éviter la mirtazapine, mais cette molécule (qui appartient à la classe des antidépresseurs atypiques) pourrait être recommandée à une personne âgée qui mange peu.
Comment savoir si l’antidépresseur fonctionne ?
Après un premier choix de traitement, une surveillance rigoureuse est indispensable pour évaluer la réponse et ajuster la prescription. CANMAT recommande de retourner consulter votre médecin dans les deux semaines suivant la première dose, pour examiner tout effet secondaire. Il faut généralement quatre à six semaines pour remarquer un changement dans les symptômes. Les médecins utilisent des échelles et des questionnaires pour mesurer cette évolution. « Les antidépresseurs peuvent grandement aider en réduisant les pensées intrusives et en améliorant la concentration, par exemple, mais ils ne sont pas des pilules de bonheur instantané », rappelle le Dr.r René Wittmer, médecin de famille à l’hôpital Notre-Dame et au Groupe universitaire de médecine familiale des Faubourgs, à Montréal, et collaborateur au Nouvelles.
Si les symptômes disparaissent partiellement ou faiblement, votre médecin pourra décider d’augmenter la dose initiale. Il existe cependant peu de preuves scientifiques permettant de confirmer que ces ajustements ont un effet notable, selon les deux experts. “Quand on augmente les doses, on atteint vite un plateau”, souligne le Dr Wittmer. Une autre option est la potentialisation, c’est-à-dire la combinaison avec un deuxième médicament, comme un antipsychotique, pour amplifier l’effet de l’antidépresseur.
Si aucun changement n’est remarqué après huit semaines, une autre classe d’antidépresseurs pourra vous être prescrite. Par exemple, de la famille des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSN), comme mentionné ci-dessus, ou de celle des antidépresseurs tricycliques (ATC), qui en revanche ont des effets secondaires plus graves.
La Régie de l’assurance santé du Québec (RAMQ) rembourse la plupart des antidépresseurs génériques, à quelques exceptions près. Le régime public peut toutefois couvrir un médicament d’origine si l’ordonnance porte la mention « ne pas substituer » et si des raisons médicales particulières le justifient, mais cela est assez rare.
Quels autres traitements devriez-vous envisager ?
Malgré leur efficacité, les antidépresseurs ne sont pas miraculeux et ne conviennent pas à tous les cas. “Ce ne sont pas toujours les meilleurs outils de l’arsenal psychiatrique”, explique le Dr.r Éric Téboul. Avant de prescrire un médicament, les médecins analyseront si des facteurs externes tels que des situations de vie particulières et d’autres facteurs confondants (par exemple la consommation de drogues) contribuent à votre état dépressif, auquel cas d’autres interventions thérapeutiques pourraient être plus appropriées. . Dans les cas d’épisodes dépressifs légers à modérés, la thérapie seule peut être plus efficace que les médicaments, selon les experts du CANMAT. L’association d’un traitement avec des antidépresseurs est recommandée dans les cas modérés à graves ou lorsque les symptômes résistent au traitement initial.
“Prendre un antidépresseur peut beaucoup aider à soulager la souffrance, ce n’est pas un échec et il ne faut absolument pas en avoir honte”, souligne René Wittmer. L’augmentation de la consommation d’antidépresseurs pourrait être liée à un phénomène de surprescription, selon lui, mais elle pourrait aussi refléter un meilleur diagnostic et une amélioration générale de la reconnaissance des problèmes de santé mentale.
Dans le cas de troubles plus graves et réfractaires à tous les autres traitements, d’autres traitements peuvent être envisagés, comme la kétamine, un anesthésique utilisé depuis longtemps en chirurgie vétérinaire. Bien que prometteuse, l’administration de kétamine est encore considérée comme expérimentale et doit être étroitement encadrée, compte tenu des effets secondaires importants qu’elle peut provoquer. Un traitement répétitif de stimulation magnétique transcrânienne, qui cible des zones spécifiques du cerveau, fait également partie des options thérapeutiques. Elle est approuvée par Santé Canada depuis 2002 et est pratiquée dans des cliniques privées et publiques spécialisées en neuromodulation, comme celle du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM).
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