Pour certains, pas question de faire un pas dans le salon avec leurs chaussures aux pieds. D’autres enlèvent même leurs vêtements. Bactéries, virus, champignons… Quels sont les réels risques de contamination ?
Certaines personnes enlèvent systématiquement leurs chaussures dès qu’elles franchissent leur porte d’entrée pour ne pas contaminer leur logement. D’autres changent même complètement de peur de propager des germes sur leur lit ou leur canapé. Mais ces précautions sont-elles justifiées ?
Bactéries, virus, champignons… “On peut absolument tout emporter à la maison”, explique à BFMTV.com Bruno Périchon, chercheur en microbiologie à l’Institut Pasteur.
Rappelons que les bactéries sont des micro-organismes, le plus souvent unicellulaires, capables de se reproduire de manière autonome. Certains sont pathogènes et peuvent provoquer des maladies infectieuses, comme la coqueluche, la tuberculose ou la salmonellose.
Le virus, quant à lui, a besoin d’un hôte et doit pénétrer dans une cellule vivante pour se multiplier. Quant aux champignons, certains sont microscopiques, comme les levures. Et certains inquiètent, notamment pour la santé publique : c’est le cas du candida auris, un champignon unicellulaire qui persiste sur les surfaces et résiste à la désinfection ou aux produits antifongiques.
Une vie abondante dans notre environnement
Concernant les risques de contamination, il faut reconnaître que les rues et les trottoirs ne manquent pas de micro-organismes en tout genre. Une étude du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) a montré que les gouttières parisiennes abritaient « une grande diversité » : des micro-algues aux champignons, en passant par les éponges et les mollusques.
A partir d’une centaine d’échantillons prélevés dans tous les quartiers de la capitale, les chercheurs ont identifié quelque 6 900 espèces d’eucaryotes, organismes unicellulaires ou multicellulaires. « Une vie abondante et insoupçonnée », titre l’article du CNRS.
Si les bactéries ont une durée de vie moyenne de quelques heures à quelques jours, d’autres peuvent survivre dans leur environnement jusqu’à plusieurs années. Durée de vie plus courte des virus, surtout si les crachats du voisin grippé atterrissent sur votre manteau. « Même si on se touche le visage en moyenne une vingtaine de fois par heure, il y a peu de chances d’attraper la grippe à cause de son manteau », rassure le spécialiste.
Par précaution, faut-il laver ou blanchir tout ce qui a été en contact avec l’extérieur ? Bruno Périchon nous l’assure : quelles que soient nos pratiques d’hygiène plus ou moins rigoureuses, les micro-organismes nous attaqueront toujours.
“Même si vous lavez méticuleusement le sol de votre maison, une heure plus tard, vous aurez à nouveau des bactéries”, prévient-il.
D’autant que le corps humain est un “support” pour les bactéries, abonde pour BFMTV.com Pascal-Jean Lopez, chercheur CNRS au laboratoire de biologie des organismes et écosystèmes aquatiques. « Nous en avons des milliards sur notre peau, dans notre corps. Notre corps possède même plus de bactéries que de cellules.
« Sans bactéries, nous ne pourrions pas vivre »
Mais certains de ces micro-organismes ne sont-ils pas dangereux ? « Les bactéries de notre environnement font partie de nos bactéries », rassure le microbiologiste Pascal-Jean Lopez, qui souligne que la grande majorité n’est pas pathogène.
“On peut bien sûr retrouver des bactéries pathogènes dans les gouttières, mais ce sont des bactéries pathogènes potentielles.”
Un point de vue partagé par Bruno Périchon, de l’Institut Pasteur. « Nous avons peur des bactéries mais la plupart d’entre elles sont inoffensives, voire utiles. » Pascal-Jean Lopez insiste : « Sans bactéries, nous ne pourrions pas vivre. »
Comme l’explique le Muséum national d’Histoire naturelle, « notre corps est une mosaïque de microbiote ». Le microbiote est l’ensemble des micro-organismes (bactéries, virus, parasites et champignons non pathogènes) qui vivent dans un environnement précis, explique l’Inserm. Dans l’organisme, il en existe plusieurs : le microbiote intestinal, mais aussi le microbiote oral, cutané ou vaginal.
« Le microbiote entretient avec nous une relation symbiotique », poursuit le Musée. “C’est-à-dire que nous nous fournissons des services mutuels.” Celle de notre peau, par exemple, fait office de bouclier. « La diversité microbienne qu’elle abrite nous protège de nombreux germes pathogènes. Le Staphylococcus de l’épiderme, par exemple, nous défend contre son cousin le Staphylococcus aureus.
La recommandation : le lavage des mains
Par ailleurs, ces micro-organismes ne s’invitent pas dans les habitations – et nos vêtements ou nos chaussures ne sont pas leur seul moyen de transport. Les billets de banque, par exemple, sont de véritables viviers culturels. “Ils passent constamment de main en main, ils regorgent de bactéries”, commente Bruno Périchon.
“Dès que l’on touche une table, un objet ou une poignée de porte, on attrape des bactéries que l’on transmet à son tour en serrant la main, en embrassant ou en touchant un autre objet”, poursuit le spécialiste.
« Nous avons des milliards de bactéries sur notre corps et nous nous en sortons plutôt bien », insiste-t-il.
Attention tout de même aux jeunes enfants, aux personnes âgées ou aux personnes immunodéprimées. Pour ces personnes, ainsi qu’en période épidémique, des précautions supplémentaires sont nécessaires.
Mais en population générale, la meilleure recommandation est simplement de se laver les mains régulièrement. A moins d’avoir marché dans de la terre – où se trouvent des bactéries absentes du corps humain – ou dans des excréments, “il n’y a aucune obligation sanitaire de se déchausser à la maison, à moins de vouloir faire briller le sol”, assure Bruno Périchon. « Même si le risque zéro n’existe pas, il y a très peu de risques d’attraper une maladie. »