Le Dr René Wittmer est médecin de famille et professeur adjoint de clinique à l’Université de Montréal. Il est également président de campagne Choisissez soigneusement le Québecun mouvement canadien visant à réduire les examens et traitements médicaux inutiles.
Qui devrait se faire tester pour les infections sexuellement transmissibles et transmissibles par le sang (IST) et à quelle fréquence ? Beaucoup de personnes l’ignorent, ce qui peut avoir des conséquences sur leur santé et celle de leur partenaire.
Toute personne sexuellement active est concernée. La réalisation d’un test de dépistage des ITSS devrait donc faire partie des examens de routine, même en l’absence de symptômes. Voici ce que vous devez savoir.
Pourquoi se faire tester ?
Le plus récent rapport de l’Institut national de santé publique du Québec est sans appel : on constate une nette augmentation des taux d’incidence de plusieurs ITSS, notamment pour la gonorrhée et la syphilis, ces dernières ayant bondi respectivement de 21 % et de 44 % de 2021 à 2021. 2022. La chlamydia est également en hausse.
Le dépistage est une intervention essentielle pour s’attaquer à cet important problème de santé publique, surtout quand on sait que la plupart des ITSS ne provoquent pas de symptômes (bien qu’elles soient contagieuses). De cette façon, les tests nous permettent d’éviter de transmettre une infection à quelqu’un d’autre. Pour ralentir efficacement la propagation des ITSS, une personne qui vient de recevoir un diagnostic doit aviser ses partenaires récents afin qu’ils puissent obtenir un traitement rapide (ces personnes sont appelées « cas contacts »).
D’un point de vue individuel, être traité rapidement peut contribuer à éviter d’éventuelles conséquences négatives des ITSS, dont certaines peuvent être insoupçonnées, comme les problèmes de fertilité pouvant résulter d’une infection à chlamydia ou à la gonorrhée.
Dans la majorité des cas, avoir déjà eu une IST ne nous confère aucune protection immunitaire contre de futures infections. Au contraire, être porteur de certaines IST non traitées peut augmenter le risque d’être atteint par une autre.
Suis-je vraiment à risque ?
Les ITSS sont omniprésentes partout dans le monde et peuvent toucher à peu près tout le monde. À l’exception des personnes en couple qui n’ont pas de relations sexuelles avec d’autres partenaires, toute personne sexuellement active peut être touchée. Dans ma pratique, j’ai rencontré de nombreuses personnes diagnostiquées avec une IST qui se disaient surprises d’être infectées, parce qu’elles utilisaient un préservatif ou ne se considéraient pas comme étant à risque.
Malheureusement, l’utilisation de méthodes barrières comme les préservatifs n’élimine pas complètement le risque de contracter ou de transmettre une IST. Comme il s’agit néanmoins d’un moyen de protection offrant une bonne efficacité pour limiter les infections et qu’il est facilement accessible, le préservatif reste évidemment recommandé.
L’augmentation du nombre de cas d’ITSS implique également que, statistiquement, nous sommes plus susceptibles qu’avant d’être en contact avec une ITSS au cours de notre vie. De plus, des personnes considérées autrefois comme à faible risque sont désormais en contact avec certaines infections. Ainsi, l’épidémie de syphilis, qui se concentrait dans certaines communautés, notamment celle des hommes ayant des relations avec d’autres hommes à Montréal, s’étend maintenant à la population hétérosexuelle et progresse dans la plupart des régions du Québec. Pour donner un ordre de grandeur, le taux de syphilis déclaré chez les femmes était 11 fois plus élevé en 2022 qu’en 2009. Cette augmentation des cas s’accompagne également d’une augmentation des infections dites de syphilis congénitales (infections contractées pendant la grossesse ou l’accouchement), dont les conséquences sur la santé du bébé sont catastrophiques, puisqu’elles peuvent provoquer de graves problèmes hépatiques, oculaires et rénaux, voire mettre fin à la grossesse.
En quoi consiste le dépistage ?
Les tests utilisés ne sont pas les mêmes selon qu’on cherche à détecter la chlamydia, la gonorrhée, l’herpès, la syphilis, le VIH (virus de l’immunodéficience humaine), le HPV (virus du papillome humain) ou l’hépatite virale (hépatite A, B, C).
Généralement, le dépistage d’une personne qui ne présente pas de symptômes comprend au moins une analyse de sang et une analyse d’urine. Chez les personnes ayant des relations sexuelles orales ou anales, un test avec un coton-tige dans la région buccale ou anale est également nécessaire pour détecter la chlamydia et la gonorrhée. S’il y a des symptômes, le professionnel de la santé examinera les lésions.
De nombreux hommes retardent le dépistage, craignant un test désagréable (comme un coton-tige dans l’urètre). Or, aujourd’hui, dans la grande majorité des cas, on privilégie le recours à un échantillon d’urine.
Pour déterminer les tests à effectuer, le professionnel prendra en compte divers facteurs, dont les symptômes (le cas échéant), l’âge du patient et ses pratiques sexuelles.
Quand dois-je me faire tester ?
La fréquence du dépistage des IST dépend de facteurs tels que le type de relations sexuelles et le nombre de partenaires. Un médecin généraliste, une infirmière du CLSC ou un professionnel d’une clinique ITSS peut aider à établir cette fréquence.
Pour les personnes ayant plusieurs partenaires, un dépistage peut être souhaitable aussi souvent que tous les trois mois, même si elles utilisent régulièrement des préservatifs. Si une ITSS a été diagnostiquée, il est généralement recommandé de refaire un test trois mois après le traitement, afin de s’assurer qu’il n’y a pas de réinfection ou qu’aucune autre ITSS n’a été contractée.
De plus, si l’on envisage d’arrêter l’utilisation du préservatif avec un partenaire, il est également conseillé de se faire tester au préalable.
Cela dit, en raison de l’omniprésence de la gonorrhée et de l’infection à chlamydia, les experts nationaux recommandent que le dépistage soit proposé au moins une fois par an lors des rendez-vous médicaux pour les personnes de moins de 30 ans sexuellement actives.
Où et comment puis-je me faire tester ?
Si vous êtes suivi par un médecin de famille, il est possible que ce dernier réalise des tests de dépistage ou fournisse la prescription des prélèvements. Sinon, il existe plusieurs cliniques spécialisées dans le dépistage et le traitement des ITSS que vous pouvez contacter directement. En plus de ceux-ci, la plupart des CLSC offrent le dépistage des ITSS et la plateforme gouvernementale Clic Santé possède une section intitulée « Dépistage des ITSS » qui vous permet de trouver rapidement un endroit offrant un dépistage près de chez vous.
Défis et avancées
La lutte contre les ITSS met en lumière certains défis, mais aussi certaines avancées encourageantes.
La résistance aux antibiotiques représente un défi majeur en matière de gonorrhée. La forte prévalence de souches multirésistantes à l’échelle mondiale laisse croire que ce problème pourrait bientôt se poser au Québec. Heureusement, la résistance aux antibiotiques n’est pas un problème pour la syphilis, qui reste facile à traiter.
Concernant le VIH, on peut se féliciter d’avancées significatives dans la prise en charge des personnes touchées et de l’arrivée de traitements préventifs très efficaces. Ainsi, même si on ne peut toujours pas guérir le VIH, les traitements permettent d’inactiver complètement le virus à condition que la personne prenne ses médicaments. Les personnes vivant avec le VIH peuvent désormais vivre longtemps et en bonne santé. Ces traitements permettent d’atteindre un état où le virus est dit « indétectable », puisqu’on ne peut plus le détecter dans le sang. Des études ont confirmé qu’une personne traitée qui atteint une charge virale indétectable ne transmet pas le virus à ses partenaires même sans utiliser de préservatif (à condition, bien sûr, que le traitement se poursuive). Ce principe est souvent résumé par le slogan « Indétectable = Intransmissible ». Malgré ces progrès, les personnes vivant avec le VIH sont encore trop souvent stigmatisées.
La prophylaxie pré-exposition (PrEP), l’utilisation d’un médicament antiviral pour réduire le risque de contracter le VIH chez les personnes séronégatives, est efficace à près de 100 % lorsqu’elle est utilisée correctement. Ces deux avancées permettent de voir un jour la fin de l’épidémie de VIH.
En prenant l’habitude de vous faire tester régulièrement, vous protégez non seulement votre santé, mais aussi celle de vos partenaires et de la communauté. Alors pourquoi ne pas prendre rendez-vous aujourd’hui ?
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