La nouvelle, signée de l’agence Presse Canadienne, a été relayée par tous les médias du pays le week-end dernier. Cependant, cela est passé inaperçu, compte tenu de la folle actualité politique qui se déroule. Mais le titre a retenu mon attention : « Les banques canadiennes se retirent de l’alliance climatique ».
Vraiment ? Cependant, depuis plusieurs années, le monde des affaires s’inquiète du changement climatique. Dans différents pays, des entreprises et des institutions financières ont même uni leurs forces au nom de la protection de l’environnement.
On retrouve ici un mélange de marketing vert, voire de greenwashing, et d’obsession de la performance. Les conséquences des catastrophes naturelles ont des coûts énormes ! Mais s’il faut cela pour donner envie d’agir, tant mieux, même si la vertu n’est qu’une façade.
L’urgence climatique a même poussé le monde des affaires à franchir une étape supplémentaire lors de la COP26, qui s’est tenue à Glasgow, en Écosse, en 2021. La Glasgow Financial Alliance for Net Zero, ou GFANZ, a été lancée sous l’égide des Nations Unies. Son premier président fut même un certain Mark Carney…
En se regroupant ainsi, les établissements privés du secteur financier s’engagent à contribuer à la transition énergétique dans le respect de l’accord de Paris qui vise à limiter la hausse de la température à 1,5 oC au-dessus des niveaux préindustriels.
Et pour agir de manière ciblée, la GFANZ a été divisée en secteurs, dont la Net Zero Banking Alliance, ou NZBA selon son acronyme anglais. C’est de cette alliance que parle la nouvelle de La Presse Canadienne qui a retenu mon attention.
Mardi, le site Internet de la NZBA indiquait que 136 banques de 44 pays en étaient membres, soit trois fois plus qu’à sa création. Si je précise le timing de ma vérification, c’est parce que l’Alliance a connu des défections importantes depuis décembre — donc avant la prestation de serment de Donald Trump et son annonce attendue du retrait des États-Unis de l’Accord de Paris (qui ne peut entrer en vigueur que dans un an).
C’est en effet le 6 décembre que la firme Goldman Sachs a annoncé sa décision de quitter immédiatement la NZBA. Dans les jours suivants, son départ fut imité par d’autres géants du secteur bancaire américain : Citigroup, Bank of America, Morgan Stanley… jusqu’à JPMorgan Chase, la plus grande banque des Etats-Unis, exactement un mois après le départ. de retrait.
Interrogées sur leurs motivations, les banques concernées sont restées vagues ou ont carrément refusé de s’expliquer. Mais les publications spécialisées dans la finance ont découvert que dès l’élection de Donald Trump en novembre, la pression républicaine s’est fait sentir sur les banques liées à l’Accord de Paris.
Donc, Le banquierlargement lu dans le monde des affaires, explique qu’en décembre dernier, le procureur général du Texas a intenté une action en justice contre une société d’investissement en raison de ses pratiques perçues comme préjudiciables au marché du charbon. Il est devenu plausible de croire que de telles attaques juridiques se propageraient sous l’administration Trump.
De même, les Républicains ont menacé de boycotter le capitalisme. réveillé. On dit donc que le secteur bancaire, monde de discrétion, n’avait aucune envie d’être la cible de campagnes virulentes sur les réseaux sociaux ou de manifestations bruyantes.
C’est donc la peur, et non la raison, qui a présidé au retrait précipité des banques américaines. C’est la politique, et non l’économie, qui a dicté leur choix. L’administration Trump n’était même pas en place avant que son influence pernicieuse ne se fasse sentir !
Ceci est d’autant plus dangereux que le retrait des banques américaines a évidemment conduit à une interrogation plus large : les établissements d’autres pays quitteraient-ils à leur tour la NZBA ? Pas question du côté européen, où nous restons en pointe sur les enjeux climatiques. Et les banques asiatiques sont toujours de la partie.
En fait, il y a à peine deux semaines, les experts disaient que peut-être, si nécessaire, le Canada emboîterait le pas. Mais finalement, ajoutait-on, cela paraissait douteux. Après tout, seule la Banque TD a une forte présence aux États-Unis, mais elle est également l’une des six grandes banques canadiennes à avoir rejoint la NZBA depuis sa création.
Et puis vendredi dernier, la nouvelle est tombée : quatre banques canadiennes membres de l’Alliance ont annoncé leur retrait. La Banque TD fait partie du groupe, tout comme la Banque de Montréal, la Banque Nationale et la CIBC. La Banque Scotia a fait de même lundi.
La Banque Royale devrait maintenant emboîter le pas. Aucune de nos six grandes banques ne resterait donc unie à cette alliance pour la transition énergétique…
Comme leurs homologues américaines, ces institutions n’ont pas détaillé leurs motivations. On parle d’un changement de stratégie, ou de capacité à agir en interne, sans avoir besoin de s’appuyer sur un regroupement. Personne n’admettra avoir cédé à la peur du harcèlement.
Il est quand même extraordinaire qu’un leader politique qui n’est pas le nôtre ait plus de poids que toutes les données scientifiques qui montrent un réchauffement climatique qui s’aggrave et qui va continuer à causer des dégâts jusqu’ici inimaginables. Même le rapport le plus récent du Forum économique mondial indique qu’à court et à long terme, les événements météorologiques extrêmes comptent parmi les pires risques auxquels l’humanité est confrontée.
Pour moi, c’est le genre de changement qui me fait le plus frémir avec l’ère trumpienne qui vient de commencer. Cela se produit discrètement, sans faire la une des journaux, mais cela reste une autre étape franchie par des intimidateurs auxquels nous ne savons pas comment résister. C’est pourquoi ce qui se passe aux États-Unis nous préoccupe plus que jamais.