Le professeur Didier Raoult a été condamné à deux ans d’interdiction d’exercer la médecine, à compter du 1er février 2025. Il s’est cependant lancé dans une activité à la limite de la santé et du bien-être : les produits anti-âge.
L’annonce a fait du bruit. Didier Raoult, passé de Star du Covid-19 à figure extrêmement controversée du secteur de la santé, a annoncé il y a quelques semaines avoir cofondé une start-up de cosmétiques : wonderfulcience.
Dans une publication relayée sur Instagram, on voit « l’éminent » professeur Didier Raoult aux côtés de Nina Basri, la « fondatrice d’un laboratoire cosmétique innovant ». Un duo qui propose à la vente des cosmétiques aux vertus anti-âge. Une crème de jour et une crème de nuit vendues chacune à 75 euros les 60ml.
Dans une vidéo partagée sur son compte YouTube il y a deux semaines, Didier Raoult justifiait sa participation par son travail à l’Ihu à Marseille, où il avait « déjà eu des relations avec une entreprise de cosmétologie pour laquelle (il travaillait) sur l’acné (…) pour essayez de comprendre quelle est la part du microbiote dans l’acné”.
Cette nouvelle activité est un indémodable pour Didier Raoult qui, à partir du 1er février, ne pourra plus exercer la médecine.
Le fervent défenseur de l’hydroxychloroquine lors de la crise du COVVI-19 a été sanctionné par la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins pour diverses transgressions du code de la santé publique, notamment la mise en avant dudit traitement sans données scientifiques tangibles et suffisantes.
La réponse de l’ordre des médecins
Mais le « chercheur de renommée mondiale » peut-il légalement se lancer dans la production et l’étude de produits cosmétiques, tout en étant interdit d’exercer la médecine pendant deux ans ? La réponse n’est pas si simple.
Interrogé par bfmtv.com sur la possibilité ou non pour Didier Raoult de se lancer dans cette affaire malgré son interdiction, le Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) s’est penché sur la question. Il s’avère que ces deux données ne sont pas incompatibles, avec toujours un point d’attention.
“Le professeur Raoult a été sanctionné d’une suspension d’exercice disciplinaire pour une durée de deux ans à compter du 1er février 2025. Il ne pourra exercer aucune activité médicale pendant cette période car le recours qu’il a formé devant le Conseil d’Etat n’est pas suspensif”, explique la CNAME. avant de préciser :
“Il ne peut pas faire référence à son métier de médecin” dans sa nouvelle activité.
Une logique qui s’explique par la séparation nette entre médecine, pharmacie et cosmétique. Ce dernier secteur répond à des conditions bien particulières. Il ne peut s’agir que d’un produit utilisé “principalement ou exclusivement, pour nettoyer, aromatiser, modifier l’aspect, protéger ou maintenir en bon état ces parties du corps humain, ou pour corriger les odeurs corporelles”, selon la page dédiée au ministère de l’Environnement. l’Économie.
“Contrairement aux médicaments où l’on est en curatif, préventif ou diagnostique, la cosmétique est une apparence et n’est pas un médicament ou un soin. C’est ainsi qu’elle (Didier Raoult, ndlr) peut s’inscrire dans cet espace”, explique une source informée à BFMTV.com.
“Cela fait partie de la cosmétique, pas des soins, pas de l’activité médicale”, ajoute cette source. L’entreprise indique bien sur son site que son activité est la “fabrication de parfums et de produits de parfumerie et de produits pour la toilette”.
Par ailleurs, dans cette même logique, Didier Raoult est également libre de faire de la recherche pharmaceutique. Un secteur cependant beaucoup plus encadré, avec des contrôles plus formels, un parcours scientifique et réglementaire strict jusqu’à la mise sur le marché d’un produit pharmaceutique.
Mentions à une légalité ambiguë ?
Si les cosmétiques répondent à une réglementation moindre, ils doivent tout de même respecter un certain encadrement. Et notamment de veiller à ne pas faire de différences sur les différentes mentions apposées sur les produits à des fins marketing : allégations sanitaires, environnementales, ou encore sur l’absence de tests sur les animaux, etc.
Une mention sur le site de la start-up est pourtant pour le moins ambiguë :
“Nos formules, à base d’actifs rigoureusement testés, sont validées par des recherches biomédicales réalisées dans des instituts d’expertise clinique indépendants, agréés par l’ANSM”, peut-on lire sur le site Magnificial.
Toutefois, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), n’est plus chargée de réglementer les cosmétiques depuis le 1er janvier 2024, comme l’agence l’a reconfirmé à BFMTV.com le 15 janvier 2025. Cette mission de surveillance et de contrôle est désormais dans le au sein de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Sollicitées sur ce dossier, les deux agences n’ont pas répondu à BFMTV.com.
Une autre mention fait sourciller chez un bon connaisseur du secteur. “Dans la vidéo où il explique sa démarche, il parle de molécules issues des cellules cellulaires qui auraient une propriété de régénération des cellules. Il le présente comme quelque chose de très innovant (…) Les cosmétiques à base de placenta, qui sont justement dans ce l’idée des cellules allaitantes, c’est quelque chose qu’on étudiait déjà en 1930 ! »