Ce n’est pas aussi longtemps que Mark Carney a remporté le débat des chefs français présentés mercredi soir: il n’y avait pas de gagnant clair après l’exercice des deux heures (contrairement à ce qui s’est passé presque en même temps au Bell Center …). Mais le simple fait qu’il n’a pas perdu le débat est en soi une victoire pour le chef libéral.
Dans un débat sans brillance, où Donald Trump n’a pas tout caché, chaque chef a pu jouer des cartes à son avantage. Mais pour Pierre Poilièvre (Parti conservateur), Yves-François Blanchet (Bloc Québécois) et Jagmeet Singh (NPD), il fallait espérer renverser une tendance qui semble lourde, environ dix jours avant le vote.
Bien en avance dans les urnes, mais sans beaucoup d’expérience politique, Mark Carney était logiquement celui qui avait le plus à perdre mercredi, d’autant plus qu’il a été acquis car il serait la principale cible de ses adversaires. Cependant, il a été noté lors de la course à la direction des libéraux: le débat n’est pas sa première force, et encore moins en ce qui concerne le débat en français. Mais malgré des limites évidentes de fluidité et de précision, le chef libéral a pu s’échapper sans trop de dégâts.
Il a bien sûr été attaqué. Il n’a pas toujours été convaincant dans ses réponses. Il a souvent été effacé, n’ayant évidemment aucune inclination d’impressivité par son sens de la distribution ou par son esprit de combat. Les problèmes, pour lui, étaient ailleurs: ne pas être prudent (ce qui revient à dire le moins possible), à vous éloigner suffisamment de Justin Trudeau pour repousser les attaques à cet égard à Pierre Hairyvre et Yves-François Blanchet, et pour démontrer qu’il a la présence et les compétences nécessaires pour être Premier ministre à ce moment précis de l’histoire.
Le bar était bas (à peine un répondant sur dix à une enquête légère publiée mercredi par Québecor s’attendait à ce qu’il remporte le débat), et Mark Carney l’a traversé assez facilement. Il n’a pas marqué le débat en rien, mais n’a trébuché nulle part: dans le contexte actuel, c’est probablement tout ce dont il avait besoin.
Le chef libéral a été aidé par la formule d’un débat qui ne se réservait pas face à face entre deux adversaires, les échanges étant toujours ouverts entre les quatre candidats. Selon les interventions spontanées, il y avait donc relativement peu de confrontation directe entre Mark Carney et son principal adversaire, Pierre Poilière. Un spectateur qui ne savait pas qu’il y avait une race pour deux entre libéraux et conservateurs ne l’aurait pas deviné hier soir.
Le chef conservateur du débat en français était loin du caractère pugnace de la Chambre des communes. Pierre Poilièvre voulait être plus sympathique mercredi. En retenue … jusqu’à ce qu’il semble être éteint à certains moments. Cela l’a privé d’une partie de son énergie – et de son efficacité. Par ailleurs, il a souvent esquivé des questions directes du modérateur (sauf en termes d’énergie) pour plutôt marteler ses thèmes de campagne.
Jagmeet Singh a eu une soirée en deux étapes. C’est lui qui a le plus animé le débat en première mi-temps, en particulier en multipliant les attaques contre Pierre Poilièvre – avec la satisfaction discrète de Mark Carney, qui n’avait pas à s’occuper de cette tâche. Le chef néo-démocratique était le plus passionné des quatre, en particulier pour parler d’immigration, de changement climatique ou d’aide internationale. Mais ses interventions répétées sur la santé (un thème qui ne figurait pas sur le programme de débat … et qui n’est pas la compétence fédérale) semblait moins pertinent, et il a terminé la soirée en accusant le modérateur de l’empêcher de s’exprimer …
Il reste Yves-François Blanchet, qui devait porter un coup dur pour relancer la campagne du Bloc du Québec. Il est marginalisé dans un débat qui se concentre beaucoup sur la question américaine et autour de l’idée de qui sera le meilleur Premier ministre pour guider le Canada à travers la guerre commerciale.
Le chef du blocage avait l’avantage clair de la langue (tous les bons “clips” venaient de lui), et aussi celui d’une connaissance en profondeur des fichiers qui concernent le Québec plus directement. En ce sens, c’était le plus solide – à la fois en termes de contenu et de clarté des positions. Peut-être a-t-il pu convaincre certains gauchistes réfugiés parmi les libéraux de retourner dans le giron pour s’assurer que la voix du Québec peut être entendue à Ottawa … mais il n’a probablement pas réussi dans l’arrière-plan de sa mission: couper l’élan de Mark Carney en exposant le danger qu’il pose pour le Québec.
Pour lui comme pour Jagmeet Singh et Pierre Poilièvre, les retombées du débat peuvent donc être en marge. C’est la même chose pour Mark Carney … sauf que ce dernier n’avait besoin que de sauver le pari.