Dans le monde technologique d’aujourd’hui, apprendre le code informatique est devenu, aux yeux de beaucoup, aussi essentiel que de parler une deuxième langue. Au point d’affirmer que l’enseignement de la programmation devrait être obligatoire dans les écoles. « Nous disons depuis 10 ans que tout le monde devrait savoir coder. Mais ce n’est plus vrai », a déclaré Jensen Huang, PDG de l’entreprise américaine Nvidia, l’un des plus grands concepteurs de puces au monde, lors du World Government Summit à Dubaï cet hiver. Une déclaration qui a fait réagir.
S’il croit en une telle chose, c’est grâce aux avancées récentes de l’intelligence artificielle (IA), notamment de l’IA générative. En effet, les robots conversationnels comme ChatGPT n’ont pas seulement été entraînés avec des romans, des articles et du contenu de réseaux sociaux, mais aussi avec des millions de lignes de code informatique. Pour ChatGPT, Copilot ou Gemini, Python et C++ ne sont que des langages de plus, au même titre que l’anglais et le français.
Vous souhaitez coder un jeu de morpion pour le plaisir ? Vous pouvez demander à ChatGPT de le faire pour vous. Vous travaillez dans l’informatique et vous cherchez un bug dans votre code ? GitHub Copilot peut le trouver. Selon diverses études sur le sujet, ces nouveaux outils propulsés par l’IA augmenteraient la productivité des développeurs d’environ 10 à 50 %, selon les tâches effectuées et l’expérience des utilisateurs.
Pour Jensen Huang, « chaque personne dans le monde est désormais un programmeur ». L’enthousiasme du patron de Nvidia (l’entreprise qui fournit la majorité des puces nécessaires à l’entraînement des modèles d’IA, rappelons-le) n’est cependant pas partagé par tout le monde. « Non seulement je ne suis pas d’accord avec lui, mais je suis aussi convaincue qu’il ne croit pas vraiment à ce qu’il dit », explique Marinela Profi, responsable mondiale de la stratégie IA chez SAS, fournisseur de logiciels et de services d’analyse de données pour les grandes entreprises et les gouvernements. Selon elle, il s’agissait d’un stratagème marketing pour inciter les gens à adopter des outils basés sur l’IA.
Même si l’automatisation et l’intelligence artificielle bouleversent le travail des développeurs, ils seront toujours indispensables, que ce soit pour analyser le code généré par ces outils ou pour innover (et non pas régurgiter ce qui a déjà été écrit, comme le fait l’IA), juge Marinela Profi. « Je ne pense pas qu’on arrêtera un jour de coder. On peut faire un parallèle avec l’automobile. Il fallait beaucoup plus de travailleurs pour assembler un véhicule il y a 100 ans qu’aujourd’hui, mais on a toujours besoin d’humains pour le faire », illustre-t-elle.
Apprendre à coder est toujours utile, même pour le grand public, estime Margarida Romero, professeure en technologies éducatives à l’Université Côte d’Azur et professeure agrégée à l’Université Laval. « Apprendre à coder favorise une bonne culture numérique. Cela permet d’être plus qu’un simple consommateur. Cela permet de créer avec des ordinateurs et de comprendre comment fonctionnent les algorithmes qui nous entourent. C’est un enjeu démocratique », note-t-elle.
Selon elle, l’IA peut faciliter l’apprentissage du codage, mais elle ne changera pas la donne. « Il sera toujours important pour les gens d’avoir des bases et de comprendre les systèmes informatiques », dit-elle. « L’IA ne rendra pas inutile la connaissance du codage. »