Nous ne sommes plus en 1988, et c’est tant mieux. Le 8 mars de cette année-là, le premier ministre Robert Bourassa partageait ce qu’il appelait l’un des « meilleurs moments de l’histoire du Québec ». [sa] carrière politique”: “C’est avec une grande fierté et une profonde joie que j’annonce à l’Assemblée nationale le début des travaux de la phase 2, avec un aménagement très significatif de 7,5 milliards de dollars et quelque 40 000 nouveaux emplois.”
Comme tous les Québécois, les Cris de la Baie-James ont appris le lancement de la construction du complexe hydroélectrique de Grande-Baleine, qui permettrait à Hydro-Québec de vendre à bon prix une grande quantité d’électrons aux États-Unis. Bien qu’inscrit dans la Convention de la Baie-James et du Nord québécois signée avec les Cris et les Inuits en 1975, le projet était jusque-là resté théorique. Le temps de prononcer un discours, le rugissement des camions faisait déjà trembler le sol sous les sabots des caribous.
Ce manque de considération d’un premier ministre envers les populations locales allait entraîner une vive réaction chez les Cris, qui allait culminer avec un coup de maître : des militants menant une armada de rabaskas jusqu’au pied de la Statue de la Liberté, puis aux Nations Unies pour être accueillis par Robert Kennedy Jr. — c’était avant qu’il ne perde toute crédibilité avec ses propos sur les vaccins.
On a cru à tort qu’avec la Paix des Braves, scellée en 2002 entre le gouvernement Landry et la nation crie, les relations entre le Québec et les Premières Nations allaient entrer dans un nouveau chapitre. Le retour au pouvoir des libéraux, portés à l’esprit d’affaires, en 2003, a rapidement tout torpillé. Notamment lors de la construction du complexe hydroélectrique de la Romaine : ce sont les tribunaux qui ont dû forcer le gouvernement Charest à négocier avec les communautés innues concernées. Les choses ne se sont pas améliorées avec l’actuel premier ministre, François Legault, ni avec son prédécesseur, Philippe Couillard, pour qui il n’était pas question de sacrifier une partie de son budget. emploi pour un caribou.
La Paix des Braves s’inspire de la Grande Paix de Montréal de 1701, dans laquelle 39 nations s’unissent à la Nouvelle-France afin que chaque partie puisse prospérer dans le respect de l’autre. Michael Sabia, PDG d’Hydro-Québec, n’est pas le gouverneur Louis-Hector de Callière, pas plus que Ghislain Picard, chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador (APNQL), n’est le chef huron-wendat Kondiaronk. Plan d’action 2035 La décision d’Hydro-Québec représente encore une belle opportunité de mettre fin à ce ballet inutile, où l’État et les communautés autochtones passent du syndrome du pépin aux barricades puis aux tribunaux, pour toujours finir par une étape finale de compensation financière.
Le président d’Hydro-Québec l’a bien compris. Ses visites en territoire innu depuis l’automne dernier ne sont certes pas désintéressées. Mais cela va au-delà d’un simple exercice de relations publiques. Même le chef de l’APNQL le reconnaît. « Hydro-Québec s’est engagée sur la voie de la réconciliation économique avec les peuples autochtones », affirmait Ghislain Picard en juin. L’annonce, quelques semaines plus tard, de la création du plus grand parc éolien en Amérique du Nord, dont deux nations autochtones figureront parmi les actionnaires, aux côtés d’une MRC et d’Hydro-Québec, en est la preuve.
À l’instar de Ghislain Picard, les Québécois devraient se réjouir que le temps soit révolu où les 11 nations autochtones héritaient toujours de l’odieux des compromis en matière de développement énergétique, pour reprendre les mots du chef de l’APNQL.
Et c’est là une autre opportunité à saisir pour le grand projet d’Hydro-Québec : faire enfin des Québécois et des 11 nations autochtones de véritables partenaires dans la prise en charge de notre destin commun.
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Merci Claudine!
L’équipe de Les nouvelles remercie chaleureusement Claudine St-Germain, qui a quitté son poste après sept années au sein de la grande famille du magazine des Québécois, dont les trois dernières comme rédactrice en chef. Claudine va maintenant déployer ses talents, dont vous avez bénéficié en tant que lecteurs, dans de nouvelles aventures.