Clément Naveilhan, Clément Lemineur et François Dernoncourt sont doctorants en Sciences du mouvement humain à l’Université Côte d’Azur.
Vous avez peut-être entendu dire que les crampes sont liées à la déshydratation et que pour les éviter, il suffisait de boire plus d’eau. Et jusque dans les années 1990, on avait toutes les raisons de croire que la déshydratation était la véritable cause des crampes. Les premières études sur le sujet, datant de plus de 100 ans, ont identifié des crampes chez des mineurs travaillant dans des environnements très chauds et humides, propices à la déshydratation. Il en va de même pour les sportifs : les crampes surviennent à la fin d’une course, après avoir couru longtemps et beaucoup transpiré. Cette théorie hydroélectrique de l’origine des crampes a été l’approche privilégiée pendant plus de 90 ans. Mais en 1997, une nouvelle théorie a émergé, celle d’une origine nerveuse des crampes liées à l’exercice. Selon cette théorie, les mécanismes impliqués dans les crampes ne se situeraient pas au niveau musculaire, mais plutôt au niveau du système nerveux, plus précisément des motoneurones.
Les motoneurones provoquent des crampes
Nos muscles sont directement contrôlés par des neurones situés dans la moelle épinière, appelés motoneurones. Ce sont eux qui donnent l’ordre à nos fibres musculaires de se contracter. Ils reçoivent des messages nerveux du cerveau, qui nous permettent d’effectuer des mouvements volontairement, mais ils reçoivent également une multitude d’autres messages nerveux.
Par exemple, lorsque le médecin frappe votre genou avec un marteau, votre jambe se tend par un mécanisme réflexe : des capteurs dans le muscle informent les motoneurones de l’étirement soudain, et les motoneurones disent à votre muscle de se contracter en retour.
Tout cela se produit avant que le cerveau ait le temps de recevoir et de traiter l’information sensorielle. Cependant, il lui faudra plus de temps pour envoyer un message nerveux adapté au contexte afin d’affiner la réponse initiale.
Les messages nerveux reçus par les motoneurones peuvent être soit excitateurs : ils incitent à une contraction, soit inhibiteurs : ils tendent à stopper la contraction. Les motoneurones additionnent ensuite ces messages pour provoquer ou non la contraction.
En situation normale, ces messages nerveux excitateurs et inhibiteurs sont soigneusement régulés, de sorte que nos contractions musculaires entraînent des mouvements fluides et coordonnés. Au contraire, les crampes auraient pour origine un déséquilibre entre ces messages nerveux excitateurs et inhibiteurs, ce qui induirait un état d’hyperexcitabilité des motoneurones. Ils donneraient alors l’ordre au muscle de se contracter dans une situation où il devrait être relâché, et c’est alors la crampe. Un tel état d’hyperexcitabilité serait favorisé par les contextes classiquement liés à la survenue de crampes liées à l’effort, comme la fatigue ou la contraction du muscle en position raccourcie, par exemple si l’on tente de contracter fortement le mollet alors que le genou est plié et l’orteil étendu (à essayer à ses risques et périls).
Bien que les mécanismes exacts qui conduisent aux crampes soient encore mal compris, le consensus scientifique actuel tend à privilégier l’origine nerveuse des crampes. Ces conclusions se fondent sur des données expérimentales, obtenues en induisant artificiellement des crampes par stimulation électrique, ainsi que sur des données observationnelles, qui suggèrent qu’il n’existe pas de relation entre l’état d’hydratation ou les taux d’électrolytes (potassium, magnésium, sodium, calcium) dans le sang et la survenue de crampes.
Comment éviter les crampes ?
Donc, si vous faites partie de ces personnes qui sont plus susceptibles d’avoir des crampes, la mauvaise nouvelle est qu’il n’existe pas de véritable solution miracle pour les prévenir ou les guérir.
Vous pouvez toujours essayer de limiter la fatigue générée par l’effort, et pour cela, rien de mieux que de vous entraîner régulièrement en faisant des exercices de renforcement spécifiques à l’activité pratiquée (en privilégiant le travail des muscles sujets aux crampes) et dans des conditions les plus proches possibles de celles de votre compétition.
Il est également important de bien récupérer pour éviter l’accumulation de fatigue, avec une nutrition et un sommeil adaptés à votre entraînement.
Et si malgré ces conseils assez généraux, vous avez quand même une crampe lors de votre prochaine séance, étirer le muscle en question est la meilleure solution, car cela stoppe le cycle d’activation des motoneurones. Vous pouvez aussi tenter de contracter le muscle antagoniste, par exemple le quadriceps (à l’avant de la cuisse) en cas de crampe aux ischio-jambiers.
Si vous avez aimé cet article, pourquoi ne pas vous inscrire à notre newsletter santé ? Chaque mardi, vous serez le premier à lire les explications toujours claires, détaillées et rigoureuses de notre équipe de journalistes et professionnels de la santé. Il vous suffit de saisir votre adresse mail ci-dessous. 👇