En raison des fêtes, et avec mon objectif de “débrancher”, je viens de passer plus d’un mois loin des écrans “moyens” : télévision, ordinateur, voire tablette – réservée au survol des gros titres.
Il ne restait plus que le petit écran, celui du téléphone portable. Pas question de lui accorder plus de quelques minutes d’attention quotidienne… mais impossible d’y résister complètement.
C’est ainsi que je me suis retrouvée en collision frontale avec les Jeux Olympiques de Paris, dès la cérémonie d’ouverture. Je dis bien “collision” tant le choc a été grand.
Ce vendredi-là, je me prélassais dans la chaleur de la campagne quand je me suis rappelé que c’était le jour J des Jeux olympiques. Je comptais bien rattraper la cérémonie à mon retour à Montréal, mais pourquoi ne pas aller faire un tour sur X, surnommé « l’ex-Twitter », et Facebook pour voir comment était reçu ce spectacle annoncé grandiose…
Oh là là ! Le déluge ! D’abord l’indignation. A cela a vite répondu le blâme et les accusations. A cela se sont ajoutés les insultes. Et on en est arrivé à cet argument imparable : « Je ne l’ai pas vu, mais puisque Monsieur XYZ le dénonce, je vais adorer », « Puisque Monsieurmoi ZYX défend, alors je frappe.
Et il s’agissait de savoir qui ferait le mieux la leçon à l’autre, dans une fureur grandissante. Sans parler des commentaires sur la couverture télévisée de l’événement : on se chamaillait au Québec, on geignait en France. Un enfantillage ahurissant, qui n’avait plus de limites. Il me coupait toute envie d’aller voir moi-même : je n’avais plus l’innocence de recevoir le spectacle sans a priori.
J’ai été encore moins enthousiaste quand j’ai vu comment, dans les jours qui ont suivi, cette bagarre s’est propagée dans la sphère publique. Elle a même conduit les plus délirants à proférer des menaces de mort contre les organisateurs de la cérémonie d’ouverture, dont Thomas Jolly, son directeur artistique.
Mais où est passé le slogan de ma jeunesse : « Faites l’amour, pas la guerre » ? Ne reste-t-il que les trois minutes où Céline Dion nous réunissait dans l’immensité de laHymne à l’amour immortalisée par Edith Piaf ? Enfin, l’unanimité !
Hélas, la guerre olympique ne faisait que commencer. Sur mes réseaux sociaux, tout était prétexte. Plonger ou ne pas plonger dans la Seine ? La boxeuse est-elle une boxeuse ? Les athlètes sont-ils bien ou mal logés ? Les Parisiens s’amusent ; tort, ceux qui travaillent n’en peuvent plus…
Des sujets multiples, parfois graves, mais empreints de tant d’excès et d’agressivité que j’avais presque peur pour ma santé mentale si je m’y attardais davantage !
Alors ajouter les détails des Jeux, non merci, surtout que je ne suis pas un grand fan de sport. Durant toute cette première semaine, le résumé de la journée délivré en quelques minutes à la radio m’a largement suffi.
Et j’ai fini par rentrer chez moi à Montréal, toujours bien décidée à rester loin des écrans. L’été, c’est fait pour être dehors !
C’était sans compter sur la canicule qui m’a vidé de toute énergie. Écrasé par la chaleur, pourquoi me lever de ma chaise si bien placée sous le souffle du ventilateur. Il ne me restait plus que le courage de saisir la télécommande… ce qui m’a évidemment plongé dans les compétitions.
Et quelle plongée ! Natation, gymnastique, athlétisme, un peu de tennis avec des joueurs nageurs et la rafraîchissante course de kayak cross. Entre autres.
J’ai été subjuguée, mais moins par les performances des athlètes que par l’enthousiasme de la foule : partout des sourires, des cris d’encouragement, des drapeaux déployés ou dessinés sur des visages, des couvre-chefs rigolos, des yeux qui roulaient d’étonnement ou brillaient de plaisir. Irrésistible !
Je m’excitais, mais, contaminé par une semaine de critiques virtuelles, je suis devenu méfiant : c’est le paradis des événements coûteux et commerciaux, alors que représentent ces spectateurs privilégiés qui ont payé cher leur place ? Ils peuvent s’amuser, mais en attendant, que devient le peuple, hein ?
Et bien, le public était dans les rues de Paris pour encourager les cyclistes de la course sur route ! Un événement gratuit, qui offrait aux personnes présentes une occasion en or de s’amuser. La fête s’est étendue jusque dans nos salons, agrémentée de vues spectaculaires ou simplement agréables sur la Ville Lumière. Cette réaction spontanée correspondait en tout point à ce qui se passait dans les stades.
Tout cela était infiniment plus agréable à suivre que la spontanéité des réseaux. Quand on est seul devant son clavier, l’amertume l’emporte. Alors que c’est la foule bon enfant qui fait éclater le plaisir, comme le chantait l’incontournable Piaf dans La foule : « Emportés par la foule qui nous entraîne, nous emporte […] et nous laisse à la fois comblés, enivrés et heureux.
Les accès de la vie réelle peuvent être aussi fugaces que ceux du monde virtuel, mais si nous voulons échapper à la routine quotidienne, la conclusion est claire : autant nous tourner vers la joie plutôt que vers la virulence.
J’ai donc laissé mon écran de télévision allumé et mis mon téléphone portable de côté.