De volte-faces fantaisistes en affirmations erronées, de constats abrupts en élans provocateurs, les positions politiques du multimilliardaire Elon Musk s’égrènent sur l’influent réseau social X, dont il a pris le contrôle en 2022. Elles relèvent de l’arène explosive des 193,4 millions d’abonnés qui suivent son compte, le plus actif de la planète, devant ceux de Barack Obama et Justin Bieber. Une lourde responsabilité pour le patron de Tesla et SpaceX, puisque ses publications sont susceptibles d’influencer les tendances et les opinions dans la sphère du débat public façonnée par son réseau.
En passant au peigne fin ses publications depuis le début de l’année, le Center for Countering Digital Hate (CCDH) en a identifié une cinquantaine qui ont trait aux élections américaines et véhiculent des informations fausses ou trompeuses. Basée à Londres et à Washington, l’ONG a publié jeudi 8 août une analyse qui pointe du doigt Elon Musk pour avoir récolté 1,2 milliard de vues pour des déclarations fausses ou trompeuses.
Pour le grand patron, le garde-fou habituel a été levé : son contenu ne génère pas les « notes communautaires » censées rectifier ou contextualiser les messages ambivalents, selon la politique de X visant à lutter contre la désinformation. « Elon Musk abuse de sa position privilégiée de propriétaire d’un réseau social limité mais politiquement influent pour semer la désinformation qui crée la division et la méfiance », a commenté Imran Ahmed, le chef du CCDH.
Importer des électeurs
Que voulait exprimer Elon Musk dans le cadre de la campagne présidentielle américaine ? Selon l’analyse du CCDH, il cherchait à faire circuler l’idée que les démocrates « importer des électeurs » : l’immigration illégale est encouragée afin d’élargir une base électorale. Postée 42 fois, cette allégation a été vue 747 millions de fois. Selon les experts, elle ne tient pas la route puisque l’obtention de la citoyenneté américaine incluant le droit de vote nécessite des années d’attente. Elon Musk transmet également une “exagération” affirmant que les démocrates pourraient gagner « environ 20 sièges supplémentaires » grâce au recensement des migrants illégaux.
Une autre accusation a été portée contre les élections, selon laquelle elles étaient vulnérables à la fraude électorale. Elon Musk a répété cette affirmation à sept reprises, recueillant 288 millions de vues. «Les machines de vote électroniques devraient être éliminées, il a écrit le 15 juin. Le risque d’être piraté par des humains ou par une intelligence artificielle, bien que faible, reste trop élevé.
Enfin, son troisième sujet de préoccupation concernait une vidéo truquée de la candidate démocrate et vice-présidente Kamala Harris.
Ce n’est pas la première fois que le Centre contre la haine en ligne pointe du doigt X. L’ONG a déjà publié des articles démontrant de graves lacunes dans la modération du réseau et l’absence de sanctions contre les utilisateurs publiant des contenus homophobes, néonazis, racistes ou antisémites.
Ces rapports ont conduit à une action en justice contre l’ONG en août 2023, mais le juge fédéral a rejeté la plainte de X en mars. Il a estimé qu’elle visait « pour punir le CCDH pour ses critiques envers X, et peut-être aussi pour dissuader ceux qui souhaiteraient s’engager dans de telles critiques. » Aujourd’hui, cependant, le réseau X reste fortement critiqué pour avoir permis à de fausses rumeurs et à des discours extrémistes de prospérer.
Capacité de nuisance
La campagne américaine n’est pas le seul sujet politique qui a donné lieu à des accusations à tout va de la part d’Elon Musk. Guerre en Ukraine, Israël, élections à travers le monde, le multimilliardaire aime balancer ses opinions à X. Pendant la pandémie, il avait remis en cause l’efficacité des vaccins en relayant des fake news. Ancien soutien de Barack Obama, il porte désormais l’ancien président Donald Trump dans son cœur, et cette allégeance proclamée sur son réseau pèse.
Il lui arrive de se laisser séduire par les discours complotistes et d’extrême droite. Le brillant homme d’affaires peut lui-même se laisser piéger par les rumeurs incontrôlées de son réseau, qu’il rediffuse au passage. Personnage impulsif et susceptible, Elon Musk a une capacité de nuisance excessive. Selon l’écrivain Fabio Chiusi, qui a publié un livre sur lui l’année dernière et s’est exprimé sur X, « Le pouvoir géopolitique d’Elon Musk doit être maintenu sous contrôle ».