Au sous-sol du stade du Moustoir de Lorient, personne ne bronche. Il est 10h50, samedi 10 août 2024. L’ambiance est studieuse : les places sont attribuées, les dossiers distribués. Les membres du jury 2024 du deuxième tour du championnat des bagadoù de 1re catégorie prennent place, sous la houlette de leur président Bob Haslé. Le compte à rebours de leur journée marathon a commencé : il leur reste deux heures et dix minutes avant le début des festivités.
« Serré » mais « jouable »
Dans la salle, Florence et Alain, les deux évaluateurs chargés de chronométrer les suites (dix minutes en moyenne avec une tolérance accordée de plus ou moins une minute) et le temps des airs de danse (qui doivent représenter un tiers de la suite) des quatorze bagads en compétition. Les onze jurés bénévoles aussi. Parmi eux, des intermittents du spectacle au bagage musical lourd de plusieurs décennies, des professeurs de musique comme la talabardeuse Anne-Marie Nicol, qui sont parfois aussi écrivains, éditeurs…
Alors que chacun lit les documents qui lui sont fournis, liste des groupes et leur ordre de passage, présentation de la séquence détaillée qu’ils vont exécuter (danses, marches, mélodies, compositions et leurs sources), grilles de notation et fiches dédiées aux commentaires, le président du jury s’inquiète du temps qui passe. Une silhouette apparaît quelques secondes plus tard dans l’embrasure de la porte. L’équipe est au complet : Jean-Philippe Gouill, l’un des plus jeunes, vient d’arriver, le temps pour lui de changer de casquette. Le percussionniste de 43 ans était en compétition avec le bagad Pouldergat, en deuxième catégorie, à quelques mètres de là. « On m’avait sollicité l’année dernière mais le timing était trop serré. Cette fois, c’est faisable. »
De nouvelles oreilles
Le briefing peut commencer. Bob Haslé rappelle les trois critères du concours, pour être classé de la lettre A à la lettre D : justesse et sonorité, maîtrise instrumentale, interprétation et écriture. Puis il passe en revue les différents points de vigilance : nombre minimum de cornemuses, bombardes, etc., types d’instruments extérieurs autorisés (clarinette, violon, harpe, vielle à roue, accordéon chromatique et diatonique). Et il insiste : « Chaque groupe est un nouveau groupe, vos oreilles aussi ». Quelques questions sur le terroir (au choix lors de ce deuxième tour) et un repas avalé en moins d’une heure et voilà la troupe déjà en place sur la pelouse du Moustoir. En plein soleil. Il est 12 h 50. Première étape obligatoire pour la table : s’enduire de crème solaire et sortir le chapeau du sac. « On se croirait à la plage », plaisantent Jean-Philippe Gouill, juge ensemble de percussions, et David Le Gall, juge caisse claire, assis côte à côte.
« Nous sommes aux premières loges »
13h précises : le bagad Boulvriag fait son entrée, acclamé par le public. Une première question est posée très vite sur la table : le xylophone est-il autorisé ? Seul le débriefing du soir le dira. La prestation se termine : le juge général, chef d’agence dans un groupe de travaux publics, continue de gratter. « Pour les premiers, c’est toujours plus difficile. Je travaille beaucoup par comparaison donc je vais sans doute devoir changer mon classement ». Le chant 100% féminin de Concarneau, la gwerz revisitée de Locoal-Mendon, les percussions percussives de Brieg ont en effet fait commettre quelques erreurs au juge. Une tâche difficile mais agréable selon lui. « C’est une certaine chance, cette proximité. On est aux premières loges. Ce n’est pas à refuser ». A l’ombre pendant les quelques minutes d’entracte après avoir écouté sept ensembles, Anne-Marie Nicol, juge de bombarde habituée des concours, le rejoint : « C’est prenant. La journée est très longue mais c’est intéressant, on apprend aussi des choses avec les autres juges ».
A 18h10, la performance de Perros-Guirec sonne la fin de la compétition. Leurs visages disent tout : ils sont épuisés. Mais la journée n’est pas finie. Ils se dirigent vers la salle de délibération avant l’annonce des résultats en début de soirée. Jean-Philippe Gouill et les autres ont ensuite un mois pour soumettre leurs commentaires, par écrit, à Sonerion, l’association organisatrice. Avant, peut-être, de relancer la compétition de printemps.