L’incursion de l’armée ukrainienne en territoire russe, lancée mardi 6 août dans la région frontalière de Koursk, où passe un gazoduc alimentant l’Europe, a eu un effet immédiat : une forte hausse des prix du gaz sur le marché, qui ont atteint deux jours plus tard un niveau record depuis le début de l’année. Le contrat à terme (septembre) du Rotterdam TTF (Pays-Bas), référence européenne du gaz naturel, a grimpé de 4% à 40 euros le mégawattheure (MWh), le poussant en séance à 40,475 euros, son prix le plus élevé depuis décembre. En trois jours, il a bondi d’environ 9%.
Bien que loin des 242 euros le MWh atteints en moyenne en août 2022, six mois après le déclenchement de la guerre en Ukraine et en pleine reconstitution des stocks pour l’hiver, ces prix sont élevés. Les marchés ont réagi à la prise de contrôle par les troupes de Kiev du point de transit gazier de Soudja, centre névralgique du réseau acheminant toujours le gaz russe vers l’Europe via l’Ukraine.
Depuis la fermeture du gazoduc Yamal-Europe passant par la Pologne, coupé en mai 2022, ce tuyau est la seule source directe de gaz russe de l’Europe. A cela s’ajoute le Turkish Stream, lancé en 2020, qui relie la Russie à la Turquie sous la mer Noire et, de là, via un autre gazoduc, des clients comme la Bulgarie et la Serbie. En revanche, Nord Stream 1 et 2, reliant la Russie au nord de l’Allemagne sous la Baltique, sont inopérants depuis le sabotage de septembre 2022, dont l’instigateur reste inconnu à ce jour.
Réaction exagérée
En juin, le transit de gaz russe vers le Vieux Continent est tombé à son plus bas niveau de l’histoire, selon l’opérateur ukrainien de gazoduc OGTSOU, qui a dénoncé une « chantage au gaz » Moscou le prive des droits liés au passage de la précieuse molécule. L’accord qu’il a signé avec Gazprom en 2019 expire à la fin de l’année, et Kiev a annoncé qu’il ne le prolongerait pas.
La réaction des marchés aux menaces sur le site de Soudja paraît excessive au vu des faibles volumes transitant par ce gazoduc desservant notamment l’Autriche, qui ne peut disposer de terminaux de gaz naturel liquéfié (GNL) faute d’accès à la mer : environ 42 millions de mètres cubes par jour, selon Ole Hansen, analyste chez Saxo Bank, cité par l’Agence France-Presse (AFP). Mais les acteurs du marché gazier sont très sensibles aux crises politiques, ainsi qu’aux incidents techniques ou aux périodes de maintenance des réseaux et des usines de liquéfaction de gaz.
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