Les matchs France-Norvège en handball féminin ressemblent un peu aux matchs France-Brésil en football masculin. Un classique, souvent un sommet de jeu magnifique entre deux équipes qui se respectent et s’apprécient. Le contraste de style entre les Scandinaves, adeptes d’un jeu de passes soigné pour mettre en orbite leurs grandes tireuses de l’arrière, et les Françaises, spécialistes de la défense agressive, des duels et des contre-attaques, donne généralement lieu à des matchs endiablés et palpitants.
Mais il faut être deux pour réussir un grand match, et les Bleues ont manqué le coche en finale du tournoi olympique, samedi 10 août, au stade Pierre-Mauroy, à Villeneuve-d’Ascq (Nord). C’est néanmoins la quinzième médaille depuis 1999 pour les Tricolores, qui n’avaient plus perdu dans un grand événement international depuis décembre 2022.
Battus par huit buts d’écart (21-29), les Français n’ont jamais réussi à trouver la solution pour endiguer les attaques des Vikings norvégiens, venus par vagues pendant soixante minutes et qui ont fini par fissurer leur défense.
Forcément déçus, les 26 664 spectateurs du stade lillois – nouveau record d’affluence pour un match de handball féminin – se sont montrés sportifs et ont longuement applaudi les protagonistes de la rencontre lors de la remise des médailles. La fatigue a sans doute joué un rôle dans cette finale. Épuisées après leur demi-finale remportée jeudi après prolongation face à la Suède, les Bleues avaient peu d’arguments à opposer à la fureur nordique.
Sans une grande gardienne, impossible de remporter un titre majeur de handball. A 44 ans, Katrine Lunde a réalisé un match de patronne, avec 39% d’arrêts. En face, ni Laura Glauser (22 arrêts) ni Hatadou Sako (27%), pourtant brillantes lors des précédents matches, n’ont réussi à rivaliser avec la Scandinave, en raison d’une défense bien trop perméable.
« On a eu droit à une leçon de handball. Notre défense a rapidement cédé sous les coups de poing de Stine Oftedal et Henny Reistad. Cette dernière est une extraterrestre ! » a résumé Olivier Krumbholz, le sélectionneur de l’équipe de France, après le match.
Dans le duel entre les deux meilleures arrières gauches de la planète, la grande Norvégienne (1,81 m) a éclipsé Estelle Nze Minko. « C’est une grande joueuse. Aujourd’hui, elle a pris le dessus sur nous, nous n’avons pas pu l’arrêter », a reconnu la capitaine des Bleues. Avec huit buts, Henny Reistad a terminé meilleure buteuse du match. Estelle Nze Minko, elle, est restée muette sur le tir.
Récital de Stine Oftedal
Comme elle, les créatrices habituelles de l’équipe de France, Tamara Horacek et Méline Nocandy, ont traversé cette finale comme des ombres. Tout le contraire des attaquantes norvégiennes, avec 69% d’efficacité au tir. Pour son dernier match – elle a annoncé sa retraite internationale après les Jeux –, la meneuse Stine Oftedal a donné un récital. A 32 ans, l’ancienne joueuse d’Issy-Paris obtient avec l’or olympique le dernier titre qui manquait à son palmarès.
Il est difficile de remporter un match quand son adversaire vous domine sur ses points forts. C’est ce qui est arrivé aux Bleus ce samedi. Le fruit d’un plan mûri depuis huit mois par le staff norvégien, probablement contrarié par sa défaite (28-31) en finale du dernier Mondial, sur les terres scandinaves. Un énième épisode du feuilleton plein de rebondissements qui oppose les deux équipes depuis près d’un quart de siècle.
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Entre les entraîneurs des deux équipes, il existe aussi une amitié qui ne date pas d’hier. Après un premier passage à la tête de l’équipe de France de 1998 à 2013, Olivier Kumbholz a repris les rênes des Tricolores en 2016. Thorir Hergeirsson, le sélectionneur islandais de la Norvège, est en poste depuis 2009, après avoir été l’adjoint de son prédécesseur pendant huit ans.
Les deux entraîneurs les plus titrés du handball féminin au niveau international se sont donc affrontés plusieurs dizaines de fois. Rien que sur les huit derniers mois, et sans compter la finale, ils se sont rencontrés quatre fois : deux fois lors de la dernière Coupe du monde (deux victoires françaises) et deux fois en match de préparation aux Jeux (une victoire chacun).
« Une amitié durable »
« Avec la France, nous avons établi une amitié de longue date, c’est quelque chose d’unique, a déclaré l’entraîneur islandais lors d’une conférence de presse après la finale. Nous avons beaucoup appris les uns des autres, nous nous sommes beaucoup poussés. La meilleure façon d’apprendre est de travailler et de coopérer avec les meilleurs.
Avant chaque grand match international, chacun des deux entraîneurs prépare un plan pour surprendre son homologue. Lors du Mondial scandinave, Olivier Kumbholz avait réussi un coup de poker gagnant en bousculant son système d’attaque. Avec son adjoint Sébastien Gardillou, il avait développé de nouvelles combinaisons sophistiquées en attaque de balle. Un système inspiré des Scandinaves, mais plus souple, car les Français, joueurs d’instinct, aiment improviser.
A l’approche des Jeux, le staff français a continué dans cette voie, laissant plus de liberté aux tireuses de longue distance, Orlane Kanor et Tamara Horacek, et changeant sans cesse son système défensif pour perturber ses adversaires. Force est de constater que Thorir Hergeirsson, cette fois, ne s’est pas laissé surprendre. Il s’agit de la trente-deuxième médaille remportée par l’Islande dans son histoire, dont la moitié en or, contre seize pour la France, dont cinq en or. Les fans de handball attendent avec impatience le prochain épisode de cette série, car les Français doivent une revanche à leurs fans.