Colette Brin est professeure et directrice du Centre d’études sur les médias de l’Université Laval et Sébastien Charlton est chargé de cours au Département d’information et de communication de l’Université Laval..
Les Canadiens reçoivent moins d’information de Facebook qu’avant la décision de Meta de bloquer le contenu journalistique sur certaines de ses plateformes. La tendance était toutefois déjà amorcée avant cette mesure et s’observe également ailleurs dans le monde.
C’est l’un des faits saillants de la dernière édition canadienne du Digital News Report (DNR). Ce sondage annuel, mené par une équipe internationale de chercheurs, a interrogé quelque 95 000 consommateurs d’information dans 47 pays représentant la moitié de la population mondiale en 2024.
Le Centre d’études sur les médias, dont Sébastien Charlton et moi-même, Colette Brin, respectivement chargé de cours et professeure au Département d’information et de communication de l’Université Laval, sommes coordonnateur et directrice, est responsable du volet canadien de l’enquête.
Un déclin général
Près de trois Canadiens sur quatre (73 %) affirment consulter les nouvelles tous les jours. Cette proportion n’a pas diminué depuis les mesures de Meta. Cependant, comme prévu, moins de personnes disent avoir utilisé Facebook au cours de la semaine précédant le sondage pour suivre, partager ou commenter l’actualité : 25 % contre 29 % en 2023.
En fait, pour la première fois depuis que le Canada a été inclus dans l’enquête, YouTube (29 %, en hausse de quatre points de pourcentage) [pp] (par rapport à 2023) est davantage utilisé que Facebook pour s’informer dans le pays. Mais la tendance à la baisse de Facebook était déjà bien amorcée et s’observe également dans les pays où l’ensemble du contenu journalistique reste accessible sur cette plateforme.
En effet, selon le DNR, l’utilisation de Facebook pour les actualités dans 12 marchés internationaux (Royaume-Uni, États-Unis, Allemagne, France, Espagne, Italie, Irlande, Danemark, Finlande, Australie, Brésil et Japon) a diminué de 16 points de pourcentage depuis 2016 (de 42 % en 2016 à 26 % en 2024). Pour la même période, le déclin au Canada est légèrement plus important, à 21 points de pourcentage (de 46 % à 25 %).
C’est la tranche d’âge des 18-34 ans qui a tendance à délaisser Facebook en général, et pas seulement comme plateforme d’information. Moins de la moitié (46 %) des répondants de ce groupe disent l’avoir utilisé pour une raison quelconque au cours de la semaine précédant l’enquête, contre les deux tiers (65 %) des 35 ans et plus. En 2016, les trois quarts (77 %) des 18-34 ans avaient utilisé Facebook, tout comme 67 % des 35 ans et plus.

La fiabilité des informations
Il est intéressant de noter que malgré les restrictions imposées par Meta sur le contenu journalistique, une grande partie des utilisateurs canadiens de Facebook et d’Instagram estiment qu’il est facile de distinguer les nouvelles fiables des nouvelles non fiables sur ces plateformes (respectivement 48 % des utilisateurs de Facebook et 44 % des utilisateurs d’Instagram).
Parmi les principales plateformes étrangères ciblées dans le questionnaire (Figure 1), seuls ceux qui utilisent Google Search (60 %) ou YouTube (51 %) sont plus susceptibles de trouver cela facile. À l’inverse, TikTok est la plateforme où les utilisateurs ont le plus de mal à distinguer les informations fiables de celles qui ne le sont pas. Si 40 % trouvent cela facile, un utilisateur sur trois (33 %) de ce réseau social considère cette tâche comme difficile. À l’échelle mondiale, TikTok est également le réseau social où une plus grande part d’utilisateurs peine à identifier les informations fiables.

Méfiance envers l’intelligence artificielle
Parmi les autres résultats de l’enquête canadienne, également en ligne avec les tendances internationales, on note une certaine méfiance envers l’intelligence artificielle (IA).
Une majorité de Canadiens (52 %) se disent mal à l’aise avec l’idée que les nouvelles soient produites principalement par l’IA avec une certaine supervision humaine. Seule une petite partie accueille favorablement cette pratique (17 %).
Lorsque le rôle de l’IA dans la production de nouvelles est réduit à celui d’une simple aide au journaliste humain, l’opinion est toutefois plus positive : 39 % des Canadiens sont à l’aise avec l’idée et 27 % expriment un malaise. Ici comme ailleurs, les gens qui disent en avoir appris davantage sur l’IA sont plus souvent à l’aise avec l’idée de son utilisation dans la production de nouvelles.
En termes de sujets, d’un pays à l’autre, la production de nouvelles principalement par l’intelligence artificielle crée plus de malaise pour les questions politiques que pour les sujets plus légers comme le sport ou le divertissement.
Consommation d’informations payantes
Rappelons enfin qu’en 2023, l’édition canadienne du DNR a montré une baisse du paiement des nouvelles en ligne ou de l’accès aux services de nouvelles en ligne payants pour la première fois depuis que ces données sont compilées au pays.
En 2024, cette pratique est revenue à son niveau de l’enquête de 2022 au Canada, avec 15 % des répondants déclarant avoir fait l’une ou l’autre au cours de la dernière année.
Nous observons également une stabilisation de la consommation d’informations payantes ailleurs dans le monde.