L’inflation au Canada est maintenant sous contrôle. En fait, si, comme le fait la banque centrale suédoise, on retire le coût des intérêts hypothécaires des prix à la consommation parce qu’il est en grande partie attribuable aux actions de la Banque du Canada (BDC), on constate que le taux d’inflation « réel » au Canada était de 1,8 % en juillet dernier, et non de 2,5 % comme l’indique le taux officiel de la BDC. En pratique, le retour du taux d’inflation à la cible officielle de 2 % visée par la Banque du Canada a donc été réalisé.
La Banque du Canada a récemment reconnu que la tempête inflationniste s’était apaisée. Elle a donc commencé à alléger la pression sur les taux d’intérêt. Elle a d’abord abaissé son taux directeur de 0,25 point de pourcentage en juin, puis de 0,25 point de pourcentage supplémentaire en juillet, le ramenant de 5 % à 4,50 %. Il s’agit évidemment d’une bonne nouvelle pour nous tous, emprunteurs, ménages, entreprises et gouvernements.
La question est désormais de savoir à quelle vitesse la Banque centrale va continuer à abaisser son taux directeur jusqu’à un niveau plus normal, disons entre 2% et 2,50%. Le gouverneur Tiff Macklem a récemment déclaré qu’il s’attendait à ce que l’inflation continue à ralentir progressivement et que, si nécessaire, de nouvelles baisses de taux seraient annoncées.
Mais il semble vouloir y aller doucement. Lors de sa prochaine annonce, qui aura lieu le 4 septembre, il pourrait par exemple décider d’appliquer une nouvelle baisse de 0,25 point du taux directeur, ce qui le porterait à 4,25%.
Si une telle décision était prise, elle pécherait par excès de prudence, ce qui pourrait nuire à l’économie et à la vie des Canadiens.
Comment cette « bulle » d’inflation a-t-elle pu se former ? Est-ce qu’elle s’est comportée ?
Premièrement, nous savons qu’à partir de la mi-2021, le taux d’inflation des prix à la consommation « est entré dans la peur » au-dessus de la limite supérieure de la fourchette cible de 1% à 3% et, a fortioride son point médian de 2 % que la Banque du Canada doit cibler (graphique 1). Lorsque la Banque a compris que la hausse du taux d’inflation allait persister, elle a sorti l’artillerie lourde, augmentant son taux directeur de 0,25 % en février 2022 à 5 % en juillet 2023 (graphique 2).

Les banques centrales des États-Unis, d’Europe et d’Asie ont réagi de la même manière, la poussée d’inflation étant mondiale. Sans surprise, la forte hausse du taux directeur de la Banque du Canada a entraîné une hausse généralisée des taux d’intérêt. L’objectif était d’encourager les ménages, les entreprises et les gouvernements à ralentir leurs dépenses de consommation et d’investissement afin d’atténuer la pression qu’ils exerçaient sur les prix.

On constate que le taux d’inflation a ensuite baissé aussi rapidement de 2022 à 2023 qu’il avait grimpé de 2021 à 2022. Il a culminé à 8,1 % en juin 2022, mais a reculé de cinq points en un an à 2,8 % en juin 2023. Depuis, il a fluctué doucement vers le niveau de 2,5 % observé en juillet 2024, sans montrer de tendance à la hausse.
La hausse radicale des taux était-elle nécessaire ?
Le déclin rapide de l’inflation au cours des deux dernières années s’est produit dans plusieurs pays, et pas seulement au Canada. Quel rôle a joué le ralentissement des dépenses de consommation et d’investissement résultant des taux d’intérêt élevés dans ce retournement de tendance ?
Il est difficile de croire qu’au Canada, les taux d’intérêt élevés puissent être attribués à plus d’un point de pourcentage de la baisse de 5,5 points de pourcentage du taux d’inflation survenue de juin 2022 à aujourd’hui. En fait, les chercheurs qui ont étudié les causes de la « bulle » inflationniste ont généralement conclu qu’au Canada, comme ailleurs, la pression excessive sur les dépenses de consommation et d’investissement n’était pas le principal facteur à l’origine de la hausse initiale du taux d’inflation. Cette pression de la demande était forte, mais elle n’était pas dominante.
La hausse soudaine de l’inflation est principalement due à une combinaison de perturbations temporaires localisées sur les marchés mondiaux des matières premières agricoles et industrielles (avec l’invasion russe de l’Ukraine en partie responsable) et dans les chaînes d’approvisionnement en raison de la pandémie. Une fois ces perturbations temporaires apaisées en 2022, le taux d’inflation a diminué plus ou moins de lui-même. La politique de contraction des banques centrales a contribué à le faire baisser, mais elle n’a joué qu’un rôle marginal.
Économie stagnante et niveau de vie en baisse pour les Canadiens
Non seulement les indicateurs disponibles montrent que l’inflation est déjà sous contrôle, mais ils suggèrent également que l’économie et l’emploi vont probablement continuer à stagner pendant un certain temps, comme c’est le cas depuis deux ans.
Depuis la mi-2022, le niveau de vie moyen des Canadiens, mesuré par le pouvoir d’achat du PIB par habitant, a déjà diminué de 6,9 % et le nombre de chômeurs a augmenté de 395 000. Il y a de fortes chances que la stagnation de l’économie et de l’emploi se poursuive partout au pays si la baisse des taux d’intérêt ne s’accélère pas, car ils agissent toujours avec un certain décalage sur la conjoncture économique. Au niveau élevé où ils persistent encore aujourd’hui, le risque qu’ils provoquent une baisse encore plus marquée n’est pas nul. Mieux vaut prévenir que guérir.
Un appel au bon sens s’impose donc. La Banque du Canada doit accélérer la réduction de son taux directeur. Ce n’est pas d’un petit 0,25 point supplémentaire qu’il faut abaisser le taux directeur, mais par exemple de 0,50 point début septembre et de 0,50 point supplémentaire en octobre. Le contexte économique actuel exige que les taux d’intérêt soient réduits aussi rapidement en 2024 qu’ils ont été augmentés en 2022.