C’est officiel : le 14 août, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a émis son niveau d’alerte le plus élevé contre une maladie qui sévit en Afrique de l’Ouest et dans le bassin du Congo : le « mpox ».
Ce terme est une invention de l’OMS pour désigner une maladie dont le nom scientifique est imprononçable : « orthopoxvirose simienne ». En fait, ce nom est synonyme de « variole du singe » ou « variole simienne », dont on a parlé pour la première fois en 2022 lors d’une petite épidémie qui a suscité beaucoup de discussions. Deux ans plus tard, nous avons affaire à une version beaucoup plus virulente et mortelle du virus : un sous-type ou, comme on l’appelle désormais, une « clade ». Nous verrons pourquoi.
Sur le plan terminologique, le cas de la MPOX est intéressant, car il est assez exceptionnel que l’OMS renomme une maladie en un autre nom. Cela s’explique par le fait qu’en 2015, elle avait produit un guide officiel pour nommer les nouvelles maladies de manière à minimiser les effets négatifs sur le commerce, les voyages, le tourisme ou la santé animale, ou à ne pas heurter les groupes culturels, sociaux, nationaux, professionnels, ethniques, religieux — ouah !
Mais dès 2022, l’OMS s’inquiétait des commentaires racistes et stigmatisants qui avaient émergé sur les réseaux sociaux lors de la campagne contre la « variole du singe ». La maladie est originaire de pays africains et se propageait ailleurs parmi les hommes gays et bisexuels et les travailleurs du sexe. L’OMS s’inquiétait à juste titre du fait que cette pandémie ait déclenché une vague de discours haineux ou racistes autour du terme « variole du singe ».
Pour mémoire, le terme « variole du singe » remonte aux années 1950, lorsque la maladie a été observée pour la première fois chez des singes de laboratoire. Cependant, le nom était quelque peu erroné, car les singes n’étaient que des porteurs. En fait, la maladie provenait de divers rongeurs d’Afrique de l’Ouest.
L’OMS a donc pris la mesure exceptionnelle de lancer une large consultation auprès des spécialistes et des gouvernements pour changer le nom de cette maladie. Fin novembre 2022, l’organisation a annoncé officiellement qu’elle s’appellerait désormais « mpox » et que le nom « monkeypox » serait supprimé de la documentation, à l’exception des archives.
Quant au genre du mot « mpox », il est féminin en français selon l’OQLF puisque « variole » se traduit par « variole », un mot féminin.
Personnellement, je n’aime pas ce mot qui sonne très jeu vidéo en plus d’être construit sur le modèle de la Xbox. “Mpox” agglutine le mot anglais ” variole » (variole) et la lettre m, pour « singe » (singe). Il aurait été plus exact, à mon avis, d’écrire « m-pox ».
Mais voilà, le décret de l’OMS a consacré cet usage dans la communauté scientifique depuis deux ans, et je finirai sans doute par m’y habituer. C’est d’ailleurs le terme également accepté par l’OQLF.
Et le « clade » là-dedans ?
Depuis que nous parlons de mpox, nous parlons de sous-types appelés « clades Ia, Ib, IIa, IIb ». J’ai fait quelques recherches à ce sujet. Si l’on fait abstraction de certaines considérations scientifiques spécifiques, « clade » est, dans certains cas, simplement synonyme de « variante » ou de « souche ».
Le terme « clade » a été adopté par l’OMS vers 2022 pour remplacer le terme « variant » pour certains types de virus, afin de se conformer aux questions taxonomiques. (Contrairement au changement de nom de « monkeypox », ce type de révision terminologique fait partie de la cuisine interne normale de l’OMS.)
Mais quels noms donner à ces clades ou sous-types ? Traditionnellement, on utilisait des appellations géographiques, comme le sous-type « Afrique de l’Ouest » ou « Bassin du Congo » pour la variole du singe, mais voilà : c’est aussi stigmatisant et discriminatoire (rappelez-vous quand Trump a qualifié le virus responsable de la COVID-19 de « virus chinois »). L’OMS a ensuite introduit une appellation plus neutre utilisant des lettres grecques pour identifier les variants du virus de la COVID : Delta, Omicron, etc.
Depuis, l’OMS a fait le ménage pour se conformer à la taxonomie scientifique dominante qui utilise les chiffres romains. Le sous-type du bassin du Congo est désormais appelé clade I, et le sous-type d’Afrique de l’Ouest est désormais appelé clade II. (Je trouve dommage d’utiliser des chiffres romains illisibles. II est facilement confondu avec 11, tout comme le I romain est facilement confondu avec la lettre l. C’est pourquoi de nombreux médias optent pour « clade 1 » et « clade 2 ».)
Quant aux sous-clades, elles sont désignées par des lettres. On parle donc de clade Ia, Ib, IIa et IIb (ou 1a, 1b, 2a et 2b, si vous préférez).
L’urgence actuelle concernant le MPOX concerne la nouvelle souche 1b, qui est beaucoup plus virulente et mortelle que toutes les autres et qui a tendance à se propager à de nouvelles populations, notamment les enfants, où elle ferait des ravages.
Problèmes de communication
Il convient de noter ici que ce changement de nom de MPOX n’est pas une mode de l’OMS, mais une mesure exceptionnelle.
Prenons le cas de la lèpre, une maladie grave et très stigmatisante. Les lépreux eux-mêmes préfèrent l’appeler « maladie de Hansen », du nom du scientifique qui a identifié le bacille responsable. Mais l’OMS continue de l’appeler lèpre. Et à juste titre, puisque le nom est bien établi et qu’il n’y a aucun problème de pandémie.
Il y a quelques années, le DD Joanne Liu, ancienne présidente de Médecins Sans Frontières, m’a expliqué qu’une des causes de la pandémie de COVID était un manque spectaculaire de communication.
Une pandémie n’est pas inévitable. Elle peut être évitée. L’OMS émet son niveau d’alerte le plus élevé, appelé « urgence de santé publique de portée internationale », lorsqu’une épidémie localisée commence à se propager et menace de se transformer en pandémie. L’idée est qu’une communauté internationale mobilisée puisse prendre les mesures préventives nécessaires pour contenir le virus.
Dans l’arsenal dont disposent les autorités de santé publique, une communication efficace figure toujours très haut dans la liste des meilleures armes. Et elle sera d’autant plus essentielle si nous voulons prévenir une éventuelle pandémie de mpox. D’où la nécessité d’un nom qui passe bien.
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