Lorsque vous commandez du bœuf dans un restaurant japonais, il y a de fortes chances que vous trouviez sous vos baguettes un morceau de viande plus blanc que rouge. Le wagyu (littéralement « bœuf japonais ») est très persillé de graisse, à tel point que sa dégustation donne l’impression de sentir un morceau de beurre fondre sur la langue. La texture et la saveur de cette spécialité en font l’une des viandes les plus prisées au monde. La plus chère aussi.
En France, le wagyu s’invite partout : dans les sandwichs (Janet by Homer, à Paris) ; dans les établissements spécialisés (Wagyu Restaurant 1129, également dans la capitale) ; et dans les restaurants gastronomiques, comme les rillettes d’agrumes, la terrine de cèpes ou encore la sauce bolognaise du chef Christophe Hay, basé à Blois.
En 2023, l’association française des éleveurs de wagyu recensait un peu moins de 1 000 bovins de race pure pâturant en France. Le wagyu est principalement importé, à commencer par le plus connu de ses représentants, le bœuf de Kobe, que l’on trouve en France pour environ 400 € le kilo. Mais, au Japon, ce sont les troupeaux d’une autre province qui sont les plus appréciés, ceux de la ville de Matsusaka, dans la préfecture de Mie, au centre de l’archipel.
«Toutes les génisses»
En parcourant la campagne tranquille de Matsusaka, scrutant le paysage de rizières et de friches, cerné de collines, on n’aperçoit étrangement aucune vache. Pas même une seule, à l’approche de la ferme du fermier Hiroki Ito. Baptisé Ito Ranch, l’endroit occupe une place à part dans le panthéon des fermes bovines japonaises : fondée en 1953 par le grand-père d’Hiroki, elle est aujourd’hui considérée par les salons du bétail et la presse comme le berceau des meilleurs bovins du Japon. Ce que confirment les amas de trophées et d’articles qui ornent le bureau du patron. « Nos concurrents font tout pour copier nos méthodes. Certains nous espionnent même avec des jumelles pour savoir avec quoi nous nourrissons nos vaches », explique Ito.
Il nous fait visiter ses étables pour nous dévoiler quelques-uns de ses secrets, à commencer par la précaution d’enfiler une combinaison ample à capuche en plastique et des bottes. Près du bureau, nous remarquons de grands bâtiments surmontés de tôle ondulée : « Ils abritent 700 vaches, toutes classées A-5, la meilleure note que nous puissions obtenir, explique le patron. Contrairement à certains de nos concurrents, nous n’élevons que des génisses, plus savoureuses que les mâles, soigneusement sélectionnées parmi les meilleurs reproducteurs. »
Douche et ventilateur
Plus on s’approche des étables, plus on est perturbé par le calme de la ferme. A l’intérieur, on aperçoit enfin les bovins : petits, massifs, uniformément noirs, noirs japonais. Mais on a encore du mal à croire qu’on est dans une étable : pas la moindre odeur de fumier, et pas de meuglement. Chaque vache est logée seule dans une logette de 5 mètres carrés, avec devant elle un ventilateur gigantesque, activé en cas de forte chaleur. Chaque vache dispose également de son propre abreuvoir (alimenté par l’eau de pluie). « En fonction de son pedigree, de son âge et de son état, chaque animal aura une alimentation adaptée à base de céréales, dont la formule précise reste secrète », précise Ito.
Il vous reste 58.56% de cet article à lire. Le reste est réservé aux abonnés.