La vie d’Emile Zola à Médan, en région parisienne, est souvent considérée comme trop sérieuse. On imagine sa vie remplie de discussions entre écrivains naturalistes – Maupassant, Huysmans, Henry Céard, Léon Hennique et Paul Alexis – avec Zola, l’auteur de Germinalcomme personnage principal. La faute revient au recueil de nouvelles Les Soirées de Médan (« Les Soirées à Médan »), par lequel les six écrivains posent en 1880 les bases d’une littérature guidée par l’observation et l’expérimentation. Outre le fait que ce volume a été écrit à Paris, son titre est un simple clin d’œil aux bons moments passés à Médan. « On venait ici surtout pour bien manger, bien boire, ramer ou faire du vélo, s’étendre dans l’herbe et compter les trains », explique Philippe Oriol, directeur de la Maison Zola-Musée Dreyfus, en désignant la voie ferrée qui passe toujours en contrebas du jardin. Après 10 ans de rénovation, où la maison a été réaménagée à l’identique, la Maison Zola a ouvert à l’automne 2021.
L’énorme succès de L’Assommoir (La boutique de boissons alcoolisées1877) permet à Zola d’acheter une maison à Médan. « Il habitait Paris, près de la gare Saint-Lazare, mais il ne supportait plus le bruit de la capitale en plein travaux de construction pour l’Exposition universelle de 1878 et le chantier haussmannien en cours », raconte Oriol. A l’été 1878, il tombe amoureux d’un immeuble carré à deux étages. « J’ai acheté une maison, un clapier, entre Poissy et Triel, dans un charmant trou au bord de la Seine, 9 000 francs, je vous dirai le prix pour que vous n’ayez pas trop de déférence. La littérature a payé cette modeste retraite à la campagne », écrit-il à Gustave Flaubert en août 1878.
Située à 30 kilomètres de Paris, où il continue de passer ses hivers, c’était autrefois une maison paysanne entourée d’un jardin de 1 600 mètres carrés. Grâce à ses confortables redevances, Zola acquiert peu à peu des parcelles voisines, créant ainsi un vaste parc de plus de quatre hectares. Il se lance alors dans un vaste chantier qui donnera à la demeure son aspect actuel. De chaque côté du « clapier à lapins » se dressent deux tours. La première, carrée, fut érigée en 1878-1879 et appelée « tour Nana », tandis que l’autre, hexagonale, fut construite en 1885-1886 et baptisée « tour Germinal ».
Une vie autonome
A gauche de la maison, il fait construire un pavillon de briques rouges pour y loger son éditeur Georges Charpentier, ses amis impressionnistes Cézanne, Manet et Pissarro, dont il défend avec ferveur l’œuvre en tant que critique d’art, et Edmond de Goncourt. La propriété comprend une ferme qui, avec le verger et le potager, permet à l’écrivain de vivre en quasi-autarcie lors de ses longs séjours à Médan. Zola s’inspire en partie de la vie du village, qui ne compte alors que 198 habitants, pour écrire La Terre (La Terre1887), un roman controversé qui mettait en lumière la brutalité des modes de vie ruraux.
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