Il est clair que la disparition d’Alain Delon a suscité une émotion intense. Elle est à la mesure non seulement de l’ampleur du talent, du charisme et de la grâce de l’acteur, mais aussi du sentiment général qu’une époque s’achève enfin avec lui, reléguant dans l’histoire le statut de « star de cinéma ». Certainement au sens où le définissait Edgar Morin : « Les histoires de stars renouvellent à leur mesure les histoires des dieux ». Le déplacement est évident à l’étranger, et plus encore en France, où sa disparition affecte l’image et la projection du pays. Il est évident non seulement dans les mots employés mais aussi dans l’ampleur du deuil.
En ce sens, les politiques, qui savent mieux que les acteurs et les actrices ce qui se joue dans la représentation nationale, répondent toujours présents. Le président Emmanuel Macron a écrit sur X : « Mélancolique, populaire, secret, il était plus qu’une star : c’était un monument français. » Le communiqué officiel de l’Elysée ajoutait : « Irrégulier, libre, intemporel, un Français de toujours. » L’un de ses prédécesseurs à l’Elysée, Nicolas Sarkozy, estimait que Delon « était le plus français de tous nos acteurs, et en même temps le plus international. » Le Premier ministre démissionnaire, Gabriel Attal, a mis l’accent sur le mot star : « Star de cinéma. Star populaire. Star viscéralement française. »
A leurs côtés, dans cette exaltation d’un homme incarnant la « francité », bien d’autres voix s’élèvent. De Bruno Retailleau, chef de file des sénateurs de droite : « Alain Delon aimait la France et les Français aimaient Alain Delon. » De Rachida Dati, ministre démissionnaire de la Culture : « Il laisse la France orpheline de sa plus belle incarnation. » D’Eric Ciotti, le dirigeant conservateur allié de Marine Le Pen : « Il restera à jamais aux yeux du monde l’Homme français avec un grand M. (…) Patriote sincère et homme de droite, Delon a toujours défendu une certaine idée de la France. » De Marine Le Pen elle-même : « C’est une petite partie de la France que nous aimons qui part avec lui. » Et son rival d’extrême droite Eric Zemmour : « Il incarnait l’élégance française, le style français et le cinéma français. »
« Un grand ami des animaux »
Dans un pays aussi divisé, faut-il aspirer à une idée de la France pour s’en faire une telle rhétorique ? Ce faisant, on voit que la droite française, tous bords confondus, est à l’unisson pour pleurer un artiste qui partageait sa vision. Bruno Le Maire, le ministre des Finances sortant, a marqué à cet égard une différence, s’exprimant d’abord en spectateur reconnaissant : « Il y a des samouraïs qui sont des princes et des acteurs qui incarnent tout un soleil : merci pour cette vie immense du cinéma. »
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