Le vent soufflait violemment depuis plusieurs jours, mais le 7 mars 2021, le ciel était dégagé au-dessus de la station balnéaire de Deauville, en Normandie. La veille, le soleil venait de se coucher lorsqu’Olivier Dassault est arrivé vers 18h30 à bord de son hélicoptère personnel, un Airbus AS350 B qu’il apprenait à piloter avec un vieil ami et pilote chevronné. Des curieux ont vu l’appareil atterrir presque à la verticale et un peu trop près d’un bouquet d’arbres, où à moins d’un mètre d’un grand frêne sur la propriété d’un ami sur les hauteurs de Touques, une ville balnéaire du Calvados, il est resté jusqu’à ce que Dassault soit prêt à repartir.
L’aîné des héritiers de la famille adorait piloter ses propres avions. A 69 ans, c’était sa façon d’incarner sa prestigieuse ascendance, même s’il n’était pas à la tête du fleuron de l’aéronautique française, créé en 1929 par son grand-père Marcel Dassault. Lorsqu’il se rendait au salon du Bourget, avec son blouson, ses lunettes de soleil teintées d’aviateur et son nom Dassault, porteur de légende, il pouvait se donner l’illusion d’être un peu le patron, et oublier ce que son père, Serge Dassault, ancien élève de la prestigieuse Ecole Polytechnique, ne cessait de lui répéter durant sa jeunesse : « Tu n’es pas un grand ingénieur parce que tu n’as pas fait l’X », surnom de Polytechnique.
Mais pour apprécier de piloter un avion produit par Dassault Aviation, Olivier Dassault doit d’abord vaincre le mal de l’air tenace qui le frappe à chaque trou d’air. A 24 ans, alors qu’il termine sa formation d’ingénieur et d’officier pilote à l’école de l’Air, son instructeur, qui le voit virer au vert dès son décollage, lui dit en guise de consolation : « Eh bien… tu feras un bon réserviste. » Et l’héritier de raconter à maintes reprises comment il lui avait alors montré le badge qu’il portait sur la poitrine : « Vous n’avez pas vu le nom écrit ici ? Je vais être pilote ! »
« Alors, tu ne travailles pas ? »
Début 2021, il s’approche de son objectif personnel. Encore quelques heures de vol en double commande et ce touche-à-tout débonnaire pourra ajouter une licence de pilote d’hélicoptère à celles qu’il détient déjà pour divers types d’appareils. Une compétence supplémentaire qui vient agrémenter la longue liste qu’il a écrite de lui-même sur son propre blog : « Homme politique et entrepreneur, il est aussi un pilote expérimenté, un photographe recherché et un compositeur réputé. »
L’aîné des enfants Dassault n’avait pas prévu de s’attarder en Normandie le 7 mars. Depuis la mort de son père trois ans plus tôt, d’une crise cardiaque, survenue à l’âge de 93 ans dans son bureau des Champs-Elysées, il pouvait se sentir libre d’occuper son temps comme il l’entendait. S’il avait toujours mené la vie privilégiée d’un héritier fortuné – bureaux somptueux, voitures de sport et chasses dans les forêts de Sologne, musique et photographie étant ses loisirs –, du vivant de Serge Dassault, il se surprendrait à mentir, comme ses trois frères et sœurs, Laurent, Thierry et Marie-Hélène, sur des week-ends volés au soleil, juste pour éviter d’entendre le mépris cinglant de son père : « Vous ne travaillez pas ?
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