Chaque dimanche, le rédacteur en chef adjoint de Les nouvellesÉric Grenier, vous invite à lire (ou relire) dans sa newsletter Miroir l’un des dossiers les plus marquants de la riche histoire du magazine. Vous pourrez replonger au cœur de certains sujets du passé, avec le regard d’aujourd’hui.
« Si on réduisait de moitié la consommation des Canadiens, ça ne nous ramènerait pas à l’époque des calèches, mais plutôt à ce qu’elle était en 1975. » C’est ce qu’affirmait d’emblée Karel Mayrand, alors directeur général de la section Québec et Atlantique de la Fondation David Suzuki, un organisme environnemental, à notre journaliste Catherine Dubé en 2019.
Cette impulsion de mise en perspective répondait aux inquiétudes que partageait Catherine avec un grand nombre de personnes à l’égard de son objet d’enquête, le mouvement révolutionnaire des adeptes de la décroissance économique. Elle s’y est même infiltrée – à visage découvert, il faut le dire : elle-même était alors en train de réduire son train de vie, non pas tant par conviction, mais par obligation, à la suite d’une séparation. « Une décroissance forcée », écrit-elle dans « Prêts pour la décroissance ? », le dossier retenu pour le Rétroviseur de cette semaine, paru dans le numéro de mars 2020 (oui, oui, juste avant notre grande décroissance collective forcée par un virus).
Catherine se considérait déjà comme une personne très écolo : elle utilisait les transports en commun et avait l’habitude de composter bien avant la vague des poubelles brunes, entre autres. De plus, elle et ses fils s’interrogeaient déjà sur l’impact de leur consommation sur la planète.
Notre reporter et sa famille ont donc entrepris une quête « à la fois personnelle et journalistique, de plusieurs mois, pour comprendre la proposition audacieuse des défenseurs de la décroissance. Et aussi pour comprendre pourquoi certains y voient un projet irréalisable. »
Juste avant la publication de son rapport, 11 000 scientifiques de 153 pays ont signé une lettre ouverte dans la revue Biosciences pour réclamer un changement de régime économique, sans lequel notre civilisation risque de s’effondrer. Le même discours apocalyptique qu’elle avait entendu à maintes reprises au cours de son enquête. À ceux qui les accusent d’être catastrophistes, ces citoyens, entrepreneurs ou militants répondent qu’il vaut mieux organiser notre atterrissage forcé pour que le choc soit moins brutal. D’autres Québécois qu’elle a rencontrés préfèrent faire confiance au progrès pour permettre à l’humanité de consommer moins des ressources de la Terre, sans retourner vivre dans des cavernes.
L’ironie de l’histoire a voulu que quatre semaines à peine après la publication de l’article, l’humanité entière (mais surtout les pays développés) se soit vue contrainte d’expérimenter une forme de décroissance. Pendant quelques mois, l’économie mondiale a subi une chute aussi brutale qu’historique, pendant laquelle elle est restée en apesanteur. Et elle s’est relevée.
Ah oui, au fait, comment vivait-on en 1975 ? On construisait des stades olympiques, on célébrait la Saint-Jean sur le Mont-Royal pendant cinq jours, et les téléviseurs couleur occupaient l’espace d’un réfrigérateur dans le salon — sauf que leur style victorien donnait de la grâce à la De beaux dimanches aimerait Tannants. Mais le plus important, c’est que nos maisons unifamiliales étaient plus petites. En 1975, elles mesuraient environ 1 000 pieds carrés.2Aujourd’hui, il mesure 2 000 pieds.2Il y avait en moyenne une voiture par famille en 1975, alors qu’aujourd’hui c’est presque une voiture par Québécois adulte.
Bonne lecture,
Eric Grenier, Rédacteur en chef adjoint
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