Il n’est pas nécessaire d’attendre de pouvoir s’offrir une Tesla pour participer à l’effort de décarbonisation du Québec. Les « vieilles » technologies peuvent nous sortir du pétrin dès maintenant, affirme le professeur Pierre-Olivier Pineau dans Bilan énergétique : comprendre notre consommation énergétique et agir pour la maintenir (Robert Laffont, 2023).
Un exemple : le train pollue beaucoup moins que le camion pour le transport de marchandises. Et pour le transport de personnes, il consomme deux fois et demi moins d’énergie par passager qu’une voiture électrique !
Les politiques d’aménagement du territoire devraient donc favoriser les déplacements à pied, à vélo, en train et en bateau. Quant aux bâtiments, ils devraient être mieux isolés et conçus pour profiter de l’énergie passive du soleil. « Toutes les données montrent que les plus grands gains à réaliser sont là », explique le chercheur, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie à HEC Montréal, qui publie la synthèse annuelle État de l’énergie au Québec.
Qu’en est-il de la pile à combustible à hydrogène et de la capture du CO ?2 et d’autres technologies qui semblent prometteuses ? Ces idées ont leur mérite, mais toutes n’ont pas fait leurs preuves. Plusieurs innovations technologiques ont un effet paradoxal, souligne Pierre-Olivier Pineau. L’amélioration de 30 % de l’efficacité énergétique des voitures, par exemple, a conduit les constructeurs à augmenter le poids des véhicules… de 30 % ! Effet net sur la consommation d’essence : nul. Et c’est pareil pour l’habitat : des maisons toujours plus grandes annulent tous les gains d’efficacité.
« Je ne rejette pas les nouvelles technologies, mais la véritable innovation consiste à trouver ce qui fonctionne. Lorsque l’on examine le panier d’options, ce sont les vieilles recettes qui sont les plus susceptibles de nous donner les résultats les plus tangibles et les plus rapides », dit-il.
Les Québécois en ont besoin parce qu’ils comptent parmi les peuples les plus énergivores. Chaque Québécois consomme quatre fois plus qu’un Chinois et 33 % plus qu’un Norvégien. Pays aussi nordique que le Québec, la Norvège offre à ses habitants un niveau de vie et des services publics comparables. La différence : elle a fait de meilleurs choix collectifs.
« Il faut arrêter de tout mettre sur les épaules des individus. Oui, chaque citoyen doit être informé et sensibilisé, mais il faut des politiques publiques cohérentes. Nous l’avons fait pour lutter contre le tabagisme, nous pouvons le faire contre la destruction de la planète », affirme Pierre-Olivier Pineau.
Il n’est pas nécessaire de rejeter le capitalisme – et son corollaire, la surconsommation – pour atteindre nos objectifs, selon le chercheur. Il faut simplement cesser de tricher avec le système.
« La tricherie, dit-il, c’est qu’on laisse tout le monde détruire la planète gratuitement. On subventionne même les pollueurs. » Et la taxe carbone est encore beaucoup trop timide, écrit Pierre-Olivier Pineau. Le prix est trop bas et certains secteurs, comme l’agriculture, la gestion des déchets ou le transport aérien international, en sont exemptés. Il est donc impératif de durcir ce système en faisant payer les pollueurs.
Le professeur voudrait aussi faire payer les usagers de la route, avec une taxe kilométrique proportionnelle au profil du véhicule. “Nous avons besoin de routes, mais au nom de la liberté de circulation, nous avons complètement collectivisé les coûts. L’irresponsabilité individuelle est quasi totale.”
Cet article a été publié dans le numéro de décembre 2023 de Les nouvellessous le titre « Décarbonisation facile ».