Et si on lui offrait un gros chèque? Les compensations offertes par les laboratoires pharmaceutiques pour tester des médicaments peuvent être alléchantes. Plusieurs études cliniques en cours au Québec versent des milliers de dollars en compensation aux personnes qui acceptent d’y participer. Certaines études concernent des personnes en bonne santé et d’autres visent des personnes qui correspondent à un profil précis, comme celles qui souffrent de diabète de type 2 ou de cirrhose, par exemple.
Le montant de l’indemnisation proposée est généralement proportionnel à l’implication du patient. En règle générale, plus vous aurez de consultations, de médicaments et d’analyses sanguines, plus vous gagnerez d’argent au final.
À l’heure actuelle, Altasciences, à Montréal, annonce sur son site Internet qu’elle recherche des participants à des études dont la rémunération varie entre 300 $ et 14 800 $. Si vous êtes un patient atteint d’insuffisance hépatique, il vous suffit de passer un seul examen médical pour obtenir 300 $. Une rémunération de plus de 14 800 $ exige un engagement plus important : deux visites de laboratoire de trois jours et demi pour tester un médicament contre les maladies inflammatoires de l’intestin et 15 visites de suivi sur une période de 10 mois. Altasciences recherche également des patients obèses, qui devront faire deux visites à la clinique et assister à six rendez-vous de suivi, en plus de subir 60 prises de sang. Rémunération : 12 175 $.
Innovaderm, également à Montréal, offre de 525 $ à 4 395 $ aux personnes souffrant de maladies de peau pour tester différents traitements. La même logique est suivie : 4 visites en 32 semaines pour l’étude la moins rentable, et 22 visites en 24 mois pour la plus lucrative.
Syneos Health, un laboratoire ayant des installations à Montréal et à Québec, recherche des patients en bonne santé, notamment des femmes ménopausées, qui peuvent recevoir jusqu’à 10 000 $ après avoir passé cinq nuits au laboratoire et assisté à 10 rendez-vous de suivi sur une période de deux mois.
Les études menées dans ces laboratoires impliquent presque toujours des tests sur des médicaments. Certaines portent sur des molécules génériques, c’est-à-dire des copies d’un médicament de marque ; ces copies contiennent les mêmes ingrédients médicinaux que l’original, mais peuvent contenir des ingrédients non médicinaux différents.
Lorsqu’il s’agit de nouveaux médicaments, il s’agit d’études de phase 1. « On appelle ça l’évaluation de la toxicité. Ce sont les premiers essais sur des humains. À ce stade, il y a déjà suffisamment de données pour que Santé Canada ait approuvé la recherche », explique Guillaume Paré, spécialiste en éthique médicale et conseiller auprès du directeur de la recherche et de l’innovation à Polytechnique Montréal.
Les trois laboratoires ont refusé nos demandes d’entretien ou n’ont pas répondu lorsque nous avons tenté d’en savoir plus.
Comment ça marche
« Participer à un essai clinique est très contraignant, tient à préciser Guillaume Paré. Les heures de coucher et de lever sont contrôlées, tout comme ce que les sujets mangent et boivent, et ils sont surveillés en permanence. »
Les participants peuvent recevoir des médicaments par voie orale ou par injection, subir une prise de sang et subir divers tests médicaux.
Un volontaire qui ne respecte pas le protocole peut se voir retirer une partie de sa rémunération, observe Guillaume Paré. « Quand ils se lancent dans des essais, les gens ne se rendent pas toujours compte de l’ampleur de la tâche. »
L’une des études de Syneos nécessite par exemple trois séjours de trois nuits en clinique, avec des examens médicaux en journée. Il est assez fréquent de devoir dormir sur place, même lorsque celle-ci est plus courte : « La majorité de nos études sont de courte durée et impliquent généralement deux ou trois séjours de 36 heures », précise le site du laboratoire.
Le Dl Benoit Heppel, médecin de famille au CIUSSS de l’Estrie-CHUS, dont plusieurs patients participent à des essais, insiste néanmoins sur leur importance : « Si on n’avait pas d’essais cliniques, on n’aurait pas de pilules. On n’aurait rien à offrir aux gens », dit-il.
Et pour votre santé ?
Avant de signer le formulaire d’inscription à une étude, il est toutefois préférable de bien comprendre les risques. Les tests sur les médicaments peuvent entraîner des effets secondaires, et les laboratoires ne s’en cachent pas.
« Les effets secondaires tels que maux de tête, étourdissements, frissons et nausées sont les plus fréquemment observés au cours de nos études », souligne Altasciences sur son site Internet.
Les effets secondaires graves sont toutefois rares, selon Guillaume Paré. « En milieu universitaire, j’ai supervisé 1700 projets depuis 2006. Je n’ai jamais constaté d’effets secondaires majeurs, et les chercheurs ont l’obligation de nous les signaler », explique-t-il.
L’aspect juridique
Les rémunérations versées par les laboratoires constituent une forme de revenu, mais ce n’est pas un salaire, insiste M.et Patrick Martin-Ménard, spécialiste en responsabilité médicale, du cabinet Ménard, Martin Avocats.
L’article 25 du Code civil du Québec précise que la participation d’une personne à une recherche « ne peut donner lieu à aucune compensation financière autre que le versement d’une indemnité pour les pertes et les sujétions subies ».
L’argent qui vous sera versé représente donc une compensation pour votre déplacement, les jours de travail manqués et les éventuels effets secondaires – qui doivent également vous être présentés par le laboratoire avant l’étude.
Selon Met Martin-Ménard, d’un point de vue juridique, le « consentement libre et éclairé » du participant à l’étude clinique est l’élément le plus important. Ce consentement peut être révoqué à tout moment par le sujet, insiste-t-il.
Autre chose à garder à l’esprit : si, « à terme, le participant souffre de complications qui font partie des risques identifiés et acceptés, il n’y a aucun recours juridique possible », précise l’avocat.
Pour avoir recours, il faudrait qu’il y ait « une faute, un dommage et un lien de causalité entre la faute et le dommage », comme dans un cas de risque non divulgué.
Attention aux impôts
Quant à la dimension fiscale, «toute rémunération reçue en échange d’une participation à un essai clinique doit être déclarée», précise Mylène Gagnon, de la direction des relations publiques de Revenu Québec.
Les premiers 1 500 $ gagnés en participant à des études cliniques sont exonérés d’impôt, précise-t-elle. Si vous gagnez plus que ce montant, toute rémunération supplémentaire constitue un revenu imposable.
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