Le sud du Québec peut s’attendre à connaître moins de gel en raison du réchauffement climatique, suggère un récent rapport d’Ouranos, un consortium spécialisé dans la recherche sur l’adaptation aux changements climatiques. Mais au nord de 50e Parallèlement – donc au-delà de Sept-Îles et Chibougamau – où la glace noire est actuellement rare, elle pourrait devenir plus fréquente, explique le climatologue Christopher McCray, associé à Ouranos et co-auteur du rapport.
Cette pluie verglaçante aura des conséquences sur les villes et villages du Nord québécois. Et cela pourrait avoir un impact sur l’approvisionnement électrique de toute la province, puisque les grandes centrales hydroélectriques ainsi que les principales lignes de transport y sont situées.
Pour que la pluie verglaçante se forme, les précipitations doivent d’abord traverser une masse d’air chaud et humide, puis une masse d’air froid en dessous de zéro. Les gouttes de pluie gèlent lorsqu’elles heurtent une surface froide, qu’il s’agisse des branches d’un arbre, d’une voiture ou d’un fil électrique.
C’est surtout sur la Côte-Nord, à l’intérieur des terres et le long de la frontière avec le Labrador, à Fermont et Schefferville notamment, que cette augmentation sera observée. La région devrait connaître 5 à 10 heures supplémentaires de pluie verglaçante par an.
À l’inverse, la vallée du Saint-Laurent, actuellement l’un des endroits du continent les plus propices à la formation de glace en raison des masses d’air froid qui y restent emprisonnées, sera moins sujette à ce phénomène avec le réchauffement climatique. Les épisodes de pluie verglaçante diminueront donc probablement le long du fleuve, de Gatineau jusqu’à La Pocatière, dans le Bas-Saint-Laurent, selon Christopher McCray.
Pour arriver à ces conclusions, les chercheurs signataires du rapport Ouranos se sont basés sur des simulations du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Les calculs présentent des résultats pour un réchauffement climatique de 2°C, 3°C et 4°C, avec des changements « incertains » à 2°C et « plus clairs » à 3°C et 4°C.
« L’effet altitude » n’est cependant pas beaucoup pris en compte dans le rapport, commente Philippe Gachon, professeur d’hydroclimatologie à l’Université du Québec à Montréal, qui n’a pas participé aux recherches. «Dans les endroits où il y a du relief, comme les Appalaches, l’Estrie, certains secteurs des Laurentides, Charlevoix et la Gaspésie, les conditions topographiques favorisent le verglas», explique-t-il. Ces régions pourraient donc rester propices à la formation de glace malgré le réchauffement, selon lui.
Depuis la crise des glaces de 1998, durant laquelle 1 000 pylônes et 30 000 poteaux électriques sont tombés sous le poids des glaces, Hydro-Québec a revu la robustesse de ses infrastructures, mais la société d’État tarde à enfouir les fils électriques. C’était pourtant l’une des principales recommandations de la commission Nicolet en 1999, rappelle Philippe Gachon. Cela demeure d’actualité, surtout dans les villes, affirme le chercheur, car même si la fréquence des pluies verglaçantes diminue dans le sud de la province, elles continueront de se produire. Cela protégerait également les fils électriques des vents violents de plus en plus fréquents.
Malgré le réchauffement climatique, le sud du Québec n’est pas à l’abri d’une nouvelle crise des glaces. « Les épisodes extrêmes sont particulièrement compliqués à analyser, car les conditions sont assez rares », souligne Christopher McCray. Cela pourrait donc encore arriver.
Cet article a été publié dans le numéro de novembre 2024 de Nouvellessous le titre « Péril à l’horizon ».