Qui l’aurait cru ? Une jeune entreprise d’un petit pays nordique, rebaptisée Northvolt en 2017, serait capable en quelques années de construire des infrastructures avec des milliards de dollars. Le gouvernement de François Legault et de son ancien superministre Pierre Fitzgibbon l’a assumé. À tel point que le premier ministre a même ravalé sa fierté et a marché bras dessus bras dessous avec son homologue fédéral, Justin Trudeau, pour le convaincre de participer à cette aventure impliquant sept milliards de dollars de fonds publics.
Or, il se pourrait que le projet Northvolt au Québec, qui se veut l’héritage du fondateur de la CAQ aux générations futures, soit tombé à plat au moment où vous lisez ces lignes, soit exactement deux ans après l’échéance actuelle. mandat du gouvernement de François Legault.
Certes, la structure de l’aide des gouvernements du Québec et du Canada à Northvolt fait que seulement un dixième du trésor national promis a été engagé à ce jour.
Cela fait quand même 710 millions en 12 mois ! Et pour l’instant, on ne trouve que des traces de graines sur les talus des zones humides qui recouvraient autrefois le site de l’usine projetée. C’est presque l’équivalent de ce qu’a coûté la construction de la première phase du proverbial Stade olympique, la référence par excellence pour mesurer la taille des éléphants blancs.
Loin de moi l’idée de vouloir jouer le quarterback du lundi matin, car ce n’est pas tant la prise de risque dans cette histoire qui pose problème. Au contraire, l’audace des hommes d’État, lorsqu’il s’agit de voir grand pour leur peuple, est un puissant moteur de progrès national.
C’est plutôt que toute la problématique du secteur des batteries, et plus largement celle de l’électrification des transports, rappelle à quel point les gouvernements doivent s’inspirer des Premièrement, ne faites pas de mal professions médicales avant de se lancer dans de grandes réformes ou de grands projets : d’abord, ne pas nuire. Cela devrait être la première mission des États. Car jusqu’à présent, tout l’intérêt d’électrifier nos moyens de transport a été détourné vers d’autres considérations bien plus prosaïques. Comme : augmenter vos chances de réélection. Laissez votre marque dans l’histoire. Des objectifs tout à fait légitimes en démocratie, mais qui menacent l’idée générale de ce virage technologique majeur, c’est-à-dire réduire nos émissions de GES et, ce faisant, participer au salut de l’humanité. Il y avait pourtant de quoi constituer le projet de société d’une génération.
François Legault a longtemps cherché le projet économique et identitaire qui lui permettrait de marquer son époque, à l’instar de la Baie James pour Robert Bourassa. Au début de son aventure caquiste, il y a le « projet Saint-Laurent », sorte de stratégie industrielle développée sur l’épine dorsale du grand fleuve qui coulait comme leImpératrice d’Irlande. La transition énergétique offrirait à Legault quelque chose d’encore plus prometteur, le projet qui assurerait sa place dans l’histoire.
Sauf qu’il a bousculé l’ordre des choses dans son empressement à concrétiser son héritage économique avec le secteur des batteries. Ainsi, pas un seul bloc de mégawatts n’est disponible puisque son gouvernement les a accordés à tout le monde, et pas seulement à Northvolt, à qui il serait injuste de leur faire porter le bonnet d’âne. Des milliers de mégawatts d’ailleurs dont on ne sait toujours pas aujourd’hui d’où ils proviendront, comment ils seront produits et par qui.
Il a vendu la peau de l’ours sans même savoir chasser. Pour éviter l’embarras actuel, il aurait fallu adopter le projet de loi 69 et déployer la stratégie québécoise de transition énergétique avant de dérouler le tapis vert aux grands industriels du monde entier.
Tout cela parce que nous avons affaire à un gouvernement désordonné et précipité. Ce qui nuira considérablement à la décarbonation du Québec.