Ce texte rassemble les capsules contenues dans notre newsletter politique, publiée le jeudi à 17h00. Vous y trouverez un regard en quatre points sur les événements politiques de la semaine.
Immédiatement élue en 2018, Marwah Rizqy a provoqué un certain émoi au sein du Parti libéral du Québec en ridiculisant deux des promesses libérales de la campagne qui venait de se terminer. “Ce n’est pas vrai qu’on va se présenter [lors des prochaines élections] devant les Québécois avec des pailles de bambou et une deuxième carte d’assurance maladie», a-t-elle déclaré pour illustrer ce qu’elle considère comme un grand manque de vision.
Quelques mois plus tard, elle secoue encore la cage en suggérant que le PLQ s’excuse pour les années de rigueur (ou d’austérité) budgétaire imposée lors du mandat de Philippe Couillard. Ou en proposant la création d’un département éthique et conformité au sein d’un parti qui ne s’était pas encore remis de certaines polémiques en la matière…
Cela illustre à quel point Marwah Rizqy, qui a annoncé cette semaine qu’elle ne se représenterait pas aux élections en 2026, n’a jamais peur de partager ses réflexions. Il n’en demeure pas moins que c’est avant tout le gouvernement qui fait les frais des attaques incisives – et documentées – d’un député extraordinaire. Investie corps et âme dans un rôle qu’elle conçoit et exerce avec autant de sérieux que de passion, Marwah Rizqy a par exemple multiplié au fil des années les demandes d’accès à l’information (sur les violences à l’école ou la sous-scolarisation des garçons, notamment) pour alimenter ses interventions. Souvent indignée, mais jamais à court de solutions, elle incarne le mieux ce que peut être un élu de l’opposition : quelqu’un qui oblige le gouvernement à rendre des comptes, mais qui ne s’arrête pas à ce premier pas.
Son éclat de rire lorsqu’on lui a demandé de parler du bilan de Denis Coderre à l’hôtel de ville de Montréal démontre aussi une grande franchise. Elle est également audacieuse dans ses propositions et possède un sens de la répartie bien au-dessus de la moyenne. Elle ne manquera pas seulement aux libéraux dans deux ans, mais à tous ceux qui s’intéressent à la politique. Et si les raisons qui expliquent sa décision sont compréhensibles et lui appartiennent entièrement, on peut quand même espérer que cela contribue à la réflexion sur la manière de mieux aligner les contraintes de la vie politique avec celles de la vie familiale.
Le numéro
181
La motion du Bloc québécois demandant au gouvernement Trudeau d’accorder la recommandation royale au projet de loi C-319, qui bonifierait le régime de pensions de la Sécurité de la vieillesse, a été adoptée mercredi par 181 voix pour et 143 contre. Le problème est que les votes contre sont venus des bancs libéraux, notamment du Conseil des ministres. Toutefois, puisqu’il s’agit d’un projet de loi d’un parti d’opposition (le Bloc québécois en l’occurrence) qui engage des dépenses gouvernementales — en l’occurrence, près de 16 milliards sur cinq ans —, ce dernier devra accorder ladite recommandation pour que le projet avance. Il risque donc de rester lettre morte. Cela n’exclut pas que le gouvernement propose ultérieurement autre chose dans le même sens. L’affaire n’est pas sans importance, puisque l’adoption de ce projet de loi d’ici le 29 octobre est l’une des deux conditions posées par le Bloc pour qu’il accorde — pour un temps — son appui au gouvernement Trudeau lors des votes de confiance. Le refus du gouvernement d’adopter la motion ne signifie pas nécessairement que les élections se rapprochent… mais disons qu’elles ne s’éloignent pas.
Le baromêtre
Soulèvement
Déposé jeudi matin par le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, le projet de loi 73 viendra « contrer le partage d’images intimes sans consentement » en instaurant « une procédure simple et efficace, qui sera rapide » pour empêcher la diffusion de telles images — ou pour les arrêter. Le Code criminel interdit déjà ce type de partage, mais la ministre Jolin-Barrette a souligné en conférence de presse que cela n’a pas empêché la montée d’un fléau qui détruit des vies. Le processus actuellement en vigueur pour faire valoir ses droits est trop long, a-t-il dit, d’où ce changement qui semble répondre à des préoccupations importantes. Si le projet de loi est adopté, une victime pourra remplir un formulaire en ligne pour signaler la situation ; la demande sera traitée « en urgence » par un juge, qui pourra ordonner la destruction de l’image ; des amendes sont prévues pour les contrevenants. D’autres mesures complètent le projet de loi, notamment en matière d’accompagnement des victimes de violences sexuelles et de violences conjugales.
En déclin
Le débat sur l’immigration temporaire – et plus particulièrement la question des demandeurs d’asile – a pris cette semaine une tournure surprenante et malheureuse. Visiblement exaspéré par la lenteur du gouvernement fédéral à agir dans ce dossier, François Legault a proposé coup sur coup la création de « zones d’attente » comme on en trouve en France ou en Suisse, puis la relocalisation obligatoire de la moitié des demandeurs d’asile présents au Québec (là sont environ 160 000 au total). L’idée a suscité de vives réactions, tant à Ottawa (le gouvernement Trudeau trouve tout cela « inhumain » ; le chef du Bloc québécois s’y oppose totalement) qu’au Québec, où tous les partis d’opposition ont dénoncé la proposition. Un document fédéral réalisé dans le cadre des travaux du Groupe de travail fédéral-provincial sur le droit d’asile rappelait, le 4 juillet, que la réinstallation des demandeurs d’asile dans une autre province devait nécessairement se faire sur une base volontaire, « parce qu’il n’y a pas de pouvoir législatif pour forcer le transfert des demandeurs d’asile. Ces derniers pourraient, si nécessaire, contester en s’appuyant sur l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés. Lorsque François Legault a été interrogé sur ces éléments lors d’un point de presse à Paris jeudi, sa réaction a été de dire qu’il n’avait pas lu le document et qu’il n’avait « aucune intention de l’analyser ». «Je ne me lancerai pas dans la recherche de solutions pour le gouvernement fédéral», a-t-il plaidé… même s’il a passé la semaine à faire le contraire.