Nouvelles et Éducaloi unissent leurs forces pour clarifier les questions juridiques de votre quotidien. Julianne Chu est avocate, vulgarisatrice juridique et traductrice chez Éducaloi. La loi évolue constamment. Les informations légales contenues dans ce texte étaient valables au 12 octobre 2024. Ce texte est informatif ; cela ne constitue pas un avis juridique. Éducaloi est un organisme à but non lucratif dont la mission est de vulgariser le droit et de développer les compétences juridiques de la population québécoise.
Vous faites appel à une entreprise pour déneiger votre entrée et constatez qu’un muret a été gravement endommagé durant l’hiver. Face au refus du chasse-neige de payer pour des dégâts qu’il estime ne pas avoir causés, vous refusez à votre tour de payer sa facture. Et vous menacez de le poursuivre en justice. Le chasse-neige ne tarde pas à vous rappeler que votre contrat stipule qu’en cas de litige, vous acceptez de vous adresser à l’arbitrage.
Vous avez le droit de vous demander si le prestataire de services peut vous imposer cette démarche, qui vous prive de la possibilité de recourir plutôt au tribunal.
Réponse courte : non, car la loi interdit les clauses de ce type dans les contrats lorsqu’un consommateur achète un bien ou un service – et uniquement dans de tels contrats.
Qu’est-ce que l’arbitrage ?
L’arbitrage est comme un procès dans le sens où une seule personne, l’arbitre, tranche le différend et détermine qui a droit à quoi. Bien que ce processus présente certains avantages, comme la confidentialité et des délais plus courts qu’un procès, il présente également des inconvénients.
En effet, lorsqu’elles optent pour l’arbitrage, les parties perdent le droit de saisir les tribunaux pour le même conflit, sauf exception. Ils ont également rarement la possibilité de faire réviser une sentence arbitrale par un tribunal, sauf par exemple lorsque la décision de l’arbitre contrevient à une règle d’ordre public. De plus, la décision de l’arbitre n’est pas automatiquement contraignante. Cela signifie que si une partie ne le respecte pas, l’autre devra s’adresser au tribunal et payer les frais nécessaires pour forcer son application.
Une meilleure protection des consommateurs
Depuis le 14 décembre 2006, date à laquelle le gouvernement du Québec a modifié la loi pour mieux protéger les consommateurs, toute clause exigeant l’arbitrage dans un contrat de consommation est sans effet. Et cette règle est impérative : même si toutes les parties au contrat voulaient explicitement inclure cette obligation dans leur accord, elle ne tiendrait pas.
Ainsi, votre chasse-neige ne peut pas vous obliger à recourir à l’arbitrage, peu importe ce que dit le contrat. En revanche, la loi permet aux parties de soumettre leur conflit à l’arbitrage de manière consensuelle si elles y consentent une fois que le conflit est déjà connu. Par exemple, il n’y avait aucune clause d’arbitrage dans votre contrat avec votre chasse-neige, mais une fois le mur endommagé, vous convenez tous les deux que c’est une bonne avenue pour régler le différend. Cela garantit que le choix de l’arbitrage se fait en toute connaissance de cause.
La nullité de la clause d’arbitrage obligatoire, un homme de Longueuil a appris à ses dépens en 2023. Il avait fait appel à une société d’évaluation immobilière pour identifier la source de contaminants fongiques dans son sous-sol. Insatisfait des conclusions, l’homme a refusé de payer la facture. L’entreprise l’a alors poursuivi devant la Cour du Québec.
Dans cette affaire, c’est le client qui a tenté de faire respecter la clause d’arbitrage obligatoire incluse dans le contrat. Cependant, le tribunal a rejeté cet argument, précisant que la loi ne permet pas plus au consommateur qu’à l’entreprise d’invoquer cet argument.
Autrement dit, la signature d’un contrat ne vous obligera pas (sauf rares exceptions) à soumettre vos conflits à l’arbitrage. Même si vous avez coché « oui » aux conditions d’utilisation d’un produit en ligne. C’est le cas par exemple lorsque vous souscrivez à un service de visualisation en ligne.
Un contrat de consommation est…
Ce n’est que lorsqu’elle est contenue dans un contrat de consommation qu’une clause d’arbitrage obligatoire est inefficace lorsque vous achetez un bien ou un service. Cette règle ne s’applique pas aux autres types de contrats.
Un contrat de consommation lie un consommateur et un commerçant. Le premier achète un bien ou recherche un service pour ses besoins personnels. Le commerçant (personne ou entreprise), quant à lui, propose des produits ou des services dans le cadre de ses activités commerciales.
Cette règle s’applique donc par exemple lorsque vous achetez un nouveau frigo en ligne ou en magasin, ou encore lorsque vous faites appel à une entreprise pour tailler vos grands arbres. De plus, à quelques exceptions près, cette règle s’applique aux contrats conclus hors du Québec si le consommateur réside dans la province.
Et s’il ne s’agit pas d’un contrat de consommation ?
Une clause compromissoire obligatoire est valable si elle figure dans un contrat de vente ou de service autre qu’un contrat de consommation. C’est le cas, par exemple, si une entreprise fait appel à une autre entreprise, ou si un travailleur indépendant achète un bien pour les besoins de son travail.
Dans une affaire jugée à Montréal en février 2024, une femme poursuivait les entreprises Rogers et Fido pour interruption du service cellulaire. Cependant, son contrat de service prévoyait que tout conflit serait soumis à l’arbitrage.
Le tribunal a expliqué qu’il ressortait clairement des faits que la femme utilisait son téléphone portable pour son travail de courtier immobilier. Le contrat de service n’était donc pas un contrat de consommation, puisque le service ne répondait pas à un besoin personnel. Le tribunal a expliqué que la clause était valable pour les clients des entreprises qui ne sont pas protégés par la loi sur la protection du consommateur. Et que l’affaire devrait donc être entendue par un arbitre.
Dans ce type de contrat, la loi impose aux tribunaux de soumettre le litige à l’arbitrage si l’une des parties le demande dans les 45 jours suivant la saisine des tribunaux du litige.
La leçon à retenir : soyez prudent avant d’accepter ou de signer quoi que ce soit. Si les tribunaux concluent que votre contrat n’est pas un contrat de consommation, les entreprises peuvent vous obliger à recourir à l’arbitrage !
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