Au volant de sa camionnette, l’hygiéniste dentaire Mélissa Gervais sillonne l’Outaouais pour prodiguer des soins dentaires dans son véhicule transformé en clinique mobile ou directement au domicile de ses patients. «Pour moi, c’est la meilleure façon de répondre aux besoins des personnes qui n’ont pas accès aux cliniques traditionnelles, comme les personnes âgées, les personnes à mobilité réduite ou les malades», affirme le fondateur de ChezSoi Dentaire. Certaines populations, par exemple les enfants atteints d’un trouble du spectre autistique, reçoivent des soins avec moins de peur dans le confort de leur foyer.
Cette petite révolution roulante existe grâce à la détermination de Mélissa Gervais, mais n’aurait pas été possible sans la Loi 15, qui accorde une autonomie professionnelle sans précédent aux hygiénistes dentaires. Depuis septembre 2020, ils sont autorisés à réaliser certains actes sans la supervision d’un dentiste. «Cette loi nous a permis d’avoir notre propre champ d’exercice et la reconnaissance de nos compétences», explique Jean-François Lortie, président de l’Ordre des hygiénistes dentaires du Québec (OHDQ). Ce fut un grand tournant. »
L’un des effets de cette nouvelle autonomie fut la création de cliniques d’hygiène dentaire indépendantes, sans dentiste.
Que peuvent-ils faire ?
Aujourd’hui, les plus de 7 000 hygiénistes membres de l’Ordre — dont 98 % sont des femmes — se voient réserver 15 activités visant à prévenir, restaurer et maintenir une bonne santé bucco-dentaire. Sept peuvent être réalisés en toute autonomie, dont le nettoyage (détartrage), le polissage et l’application préventive de scellement dentaire, un produit utilisé pour prévenir les caries ou l’accumulation de plaque dentaire. Lorsque la dent est endommagée, les hygiénistes peuvent également appliquer un matériau provisoire pour la protéger et soulager la douleur en attendant un rendez-vous chez le dentiste. Ils ont également le pouvoir d’appliquer un agent anesthésique, désensibilisant ou anticariogène, sans surveillance. Les hygiénistes sont également habilitées à évaluer elles-mêmes l’état bucco-dentaire du patient, ce qui permet de détecter des anomalies ou des signes cliniques de cancer, et de l’orienter vers un spécialiste si nécessaire. Enfin, les hygiénistes sont également autorisées à concevoir, fabriquer et vendre des protège-dents, c’est-à-dire des protège-dents utilisés lors d’activités sportives.
Cynthia N. Wilcott, présidente de la Fédération des hygiénistes dentaires du Québec (FHDQ), souligne l’importance de cette évaluation bucco-dentaire, parfois mal comprise. « Si l’hygiéniste constate une inflammation causée par des dépôts de tartre, elle peut commencer elle-même le traitement », explique-t-elle. Elle peut donc procéder au détartrage sans attendre. Ce type d’intervention prévient non seulement les problèmes bucco-dentaires plus graves, mais permet également d’accéder aux soins à une population plus large. « Enseigner et vulgariser les soins personnels, comme une bonne hygiène dentaire, est un aspect très important de notre profession », ajoute-t-elle.
Une huitième activité, le débridement parodontal, peut également être réalisée de manière autonome par l’hygiéniste sous certaines conditions. Cette procédure consiste à éliminer les bactéries sous les gencives sans recourir à la chirurgie, pour stopper les infections et permettre aux tissus de se rattacher aux dents.
D’autres activités nécessitent encore une prescription d’un dentiste, comme la réalisation d’examens diagnostiques (y compris la prise de radiographies), la pose de matériaux d’obturation pour réparer une dent cariée ou endommagée, ou encore le blanchiment des dents. Cela comprend également la pose et le retrait d’un pansement parodontal, un matériau flexible appliqué sur les gencives et les dents pour favoriser la cicatrisation et prévenir les infections.
Où les trouver ?
Il existe aujourd’hui une soixantaine de cliniques d’hygiène dentaire au Québec, qui offrent une large gamme de soins tout en respectant les mêmes normes que les cliniques dentaires traditionnelles. Ils sont principalement présents dans le grand Montréal, mais quelques-uns ont ouvert leurs portes dans des régions comme l’Abitibi et la Gaspésie. Pour les trouver, l’annuaire sur le site de la FHDQ est idéal.
Très souvent, ces établissements accueillent des patients dont la santé bucco-dentaire est bonne, qui recherchent uniquement des soins de routine, mais ils attirent aussi ceux qui sont dépourvus de dentiste. «Certains n’ont pas vu de dentiste depuis 10, 12, voire 15 ans», déclare Jean-François Lortie. Actuellement, la province fait face à une pénurie de dentistes et d’hygiénistes, surtout dans les zones rurales.
La grande majorité des hygiénistes dentaires continuent cependant d’exercer leur profession dans des cliniques dentaires traditionnelles, en collaboration avec des dentistes.
Dix cégeps offrent le diplôme d’études collégiales (DEC) en techniques d’hygiène dentaire. Pour exercer, les hygiénistes dentaires doivent obtenir un permis d’exercice délivré par l’Ordre, puis suivre régulièrement une formation.
Combien ça coûte?
La Fédération des hygiénistes dentaires du Québec produit chaque année un guide de prix, comme référence pour les praticiens. Une première évaluation avec un examen complet d’hygiène dentaire devrait coûter environ 75 $, tandis qu’une consultation d’urgence coûte environ 40 $. Le détartrage varie généralement entre 60 $ et 160 $, selon le temps nécessaire (cela peut aller jusqu’à 200 $ si le détartrage prend beaucoup de temps car il n’a pas été fait depuis très longtemps).
Lancé en 2023 par le gouvernement fédéral, le nouveau Régime canadien de soins dentaires permet aux personnes admissibles (citoyens à revenus modérés et sans assurance dentaire) de se faire rembourser une partie des frais. Les bénéficiaires de programmes d’aide sociale ou de solidarité sociale pendant au moins 12 mois, sans interruption, peuvent bénéficier de soins dentaires gratuits. De plus, la plupart des compagnies d’assurance privées reconnaissent les hygiénistes dentaires comme prestataires de soins admissibles, selon la FHDQ.
L’Occident comme modèle
Pour l’Ordre des dentistes du Québec (ODQ), l’autonomie des hygiénistes dentaires permet un continuum de soins, notamment par l’évaluation de l’état bucco-dentaire, mais celle-ci ne remplace pas l’examen du dentiste. « Vous devez consulter votre dentiste régulièrement afin d’avoir une évaluation complète de votre santé bucco-dentaire », souligne Cynthia Tremblay, directrice des affaires publiques de l’ODQ. Seul un dentiste peut poser un diagnostic, rappelle-t-elle.
Toutefois, des discussions sont en cours pour élargir les compétences des hygiénistes dentaires, notamment en matière de diagnostic. En Alberta, ils peuvent commander des radiographies et des médicaments et nommer certains problèmes, comme les caries et la gingivite. La Colombie-Britannique autorise également les hygiénistes à effectuer certains diagnostics.
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