Le Sommet de la Francophonie, qui se tient tous les deux ans dans un pays francophone de la planète, tend à faire de l’ombre à plusieurs organisations francophones méritoires mais peu connues. C’est le cas de la Fédération internationale des professeurs de français (FIPF), qui regroupe 299 associations regroupant quelque 80 000 enseignants de 140 pays. Il s’agit d’enseignants de français langue maternelle ou langue seconde, à tous les niveaux d’enseignement.
Quand on considère que le Québec compte 100 000 enseignants du primaire et du secondaire, et 80 000 enseignants dans le monde, cela ne paraît pas si terrible – sauf que ce sont des membres bénévoles, ce qui ne rassemble pas le corps enseignant. total.
Le FIPF est d’autant plus important que l’avenir de la francophonie mondiale se jouera à travers l’éducation. En raison des 343 millions de francophones, les trois quarts l’ont appris à l’école plutôt qu’à la maison. Cela donne toute la mesure du rôle essentiel d’une telle organisation.
Cynthia Eid, présidente de la Fédération depuis 2021, est d’origine libanaise qui a enseigné pendant sept ans entre Montréal et Ottawa avant de devoir rentrer en France. Elle a adopté cette très belle image du romancier et dramaturge martiniquais Édouard Glissant pour qui la langue française est une « langue mondiale ».
« Notre siège social est en France, mais la FIPF n’est pas une association française », précise-t-elle. Mon combat, c’est la représentation des francophonies dans le monde. Je suis pour une francophonie plurielle. C’est notre richesse. La fierté des enseignants locaux est notre plus grand atout. Qui mieux qu’eux pourra illustrer cette richesse. »
Comprendre le FIPF
« Les enseignants sont souvent isolés, dans des conditions parfois précaires, et ils ont besoin d’associations pour les structurer, parler aux médias, démarcher, organiser des événements, les informer », explique Cynthia Eid, deuxième femme à présider l’organisation fondée en 1969. « En plus Au travail d’information sur le métier d’enseignant et à la transmission des savoirs, une mission majeure de la FIPF est d’aider nos associations membres à s’organiser. »
Résumer ce qu’est une organisation comme la FIPF est assez complexe. Les 299 associations membres sont réparties en sept grandes zones géographiques appelées « commissions » (Amérique du Nord, Amérique latine et Caraïbes, Europe occidentale, Europe centrale et orientale, Asie-Pacifique, Afrique-Océan Indien et monde arabe). Une huitième commission, « Français langue première », regroupe les territoires à majorité de langue maternelle française. Le Québec apparaît donc dans deux commissions : dans cette dernière par l’intermédiaire de l’Association québécoise des professeurs de français (AQPF) et dans la commission Amérique du Nord par l’Association québécoise pour l’enseignement de la langue française seconde (AQEFLS).
Si le soleil ne se couche jamais sur la FIPF, puisque ses associations membres sont dispersées aux quatre coins du globe, elle doit néanmoins composer avec une répartition quelque peu inégale. Par exemple, la fédération brésilienne regroupe 25 associations d’enseignants, ce qui est considérable. En revanche, l’Amérique du Nord est sous-représentée en raison de l’absence notable des Américains et des Mexicains.
Heureusement, la FIPF est en train de renouer ses liens avec l’influente American Association of French Teachers (AATF), une organisation centenaire qui compte près de 10 000 membres. Avec le Mexique, où il y a encore beaucoup de professeurs de français, il faut tout recommencer, car les associations existantes se sont dissoutes. « Nous essayons de le reconstruire, mais c’est compliqué », explique Cynthia Eid.
Outre ses nombreux congrès régionaux et mondiaux, la FIPF compte trois publications : l’excellente revue Les Français dans le monde, Francophonies du monde Et Recherche et applications. L’ONG mène des activités organisées localement ou régionalement, ainsi qu’une douzaine d’activités majeures, dont la Journée internationale des professeurs de français, qui en est à sa sixième édition et que chaque association est libre d’organiser comme elle le souhaite. Depuis plusieurs années, l’événement est officiellement parrainé par une personnalité, comme les auteurs Eric-Emmanuel Schmitt et Dany Laferrière. «Mais nous aimerions avoir des personnalités sportives ou scientifiques», précise Cynthia Eid.
La Fédération a également mis sur pied un grand concours d’art oratoire (dont la finale a eu lieu au Sommet de la Francophonie) et propose des ressources pédagogiques comme Olymp’Kit (pour améliorer les compétences linguistiques et culturelles des apprenants sur la thématique du sport).
La FIPF mènera une enquête mondiale en partenariat avec l’Université d’Ottawa pour connaître ses membres, connaître leurs défis et déterminer ce qu’ils pensent de leur association.
Forte des informations dont elle dispose déjà, la FIPF a lancé un projet de mentorat à destination des jeunes enseignants. « Le métier vieillit. Cependant, 30 à 35 % des nouveaux arrivants abandonnent leurs études avant leur sixième année d’enseignement », explique Cynthia Eid. La FIPF recrute donc des vétérans et des retraités pour aider les plus jeunes à franchir cette étape.
Assurer l’avenir
Cynthia Eid se bat cependant une main dans le dos, car ses moyens ne sont pas ceux de ses prédécesseurs. La réorganisation de la diplomatie française dans les années 2010 a privé l’organisation d’une grande partie de ses soutiens : elle fonctionne désormais avec un salarié et demi, au lieu de dix auparavant.
« Mon prédécesseur craignait de devoir fermer son entreprise. J’ai relevé le défi parce qu’on ne pouvait pas lâcher la FIPF », explique Cynthia Eid, qui a réussi à faire passer le nombre d’associations membres de moins de 200 à 299 en trois ans. « Chaque jour, je vois sur le terrain ce que nos associations réalisent. La force du réseau ne doit pas être sous-estimée. Nos professeurs en demandent plus. »
L’une des tâches les plus complexes des présidents de la FIPF consiste à trouver l’équilibre entre une vision franco-française du français (centrée sur la France) et une autre beaucoup plus francophone, c’est-à-dire d’une langue et d’une culture décentralisées.
L’organisation, qui a connu 13 présidents depuis 1969, a également eu à sa tête deux Québécois, Émile Bessette (1981-1985) et Jean-Claude Gagnon (1988-1992). Mais l’absence du gouvernement québécois complique les efforts de décentralisation du président actuel. Ce problème n’est pas spécifique à la FIPF : depuis une dizaine d’années, le gouvernement québécois joue mal son rôle traditionnel de contrepoids à la France dans les organisations francophones (dont l’OIF).
Le Québec compte certes 32 délégations et bureaux à l’étranger, mais le gouvernement Legault a résolument orienté son action vers l’activité économique. Depuis 2008, il existe une agence, le Centre de la Francophonie dans les Amériques, qui fait un travail apprécié des enseignants, mais son activité est limitée au continent. « Le Québec ne fait plus partie de nos partenaires officiels depuis de trop nombreuses années et je me bats pour changer cela. Le Québec est loin des enseignants et cela nuit à ses efforts de rayonnement. Négliger les enseignants, c’est comme avoir un trou dans le racket. »