Un nouveau décret impose aux médecins de justifier auprès de l’Assurance maladie la prescription de certains médicaments, notamment antidiabétiques. Les médecins dénoncent entre autres une surcharge administrative quand l’Assurance maladie assure que ce système sera “rapide” et “limité”.
“Ce sera extrêmement rapide.” Le directeur général de l’Assurance maladie, Thomas Fatôme, tente de rassurer les médecins après la publication d’un arrêté décrié le 30 octobre, demandant aux professionnels de santé de justifier la prescription de certains médicaments. Une justification qui vise à permettre à l’Assurance maladie de vérifier que cette prescription correspond aux indications thérapeutiques établies par la Haute autorité de santé (HAS). Et donc éligible au remboursement pour le patient.
De nombreux syndicats et médecins dénoncent une charge administrative supplémentaire. “Ce n’est pas le moment de nous rajouter de la paperasse dans le contexte démographique actuel”, a déclaré Jean-Christophe Nogrette, président du syndicat MG France, sur BFMTV.com.
L’Union française pour une médecine libre (UFMLS) a également déploré dans un communiqué une “surcharge de travail administratif” alors que “les médecins ont les plus grandes difficultés à faire face aux demandes de soins” et que “sept millions de Français ne disposent pas d’un centre de soins”. médecin.
“Cela prendra moins d’une minute.”
Le directeur général de l’Assurance maladie, Thomas Fatôme, assure sur BFMTV que le système sera “très simple” tout en admettant que la “mise en place opérationnelle” est encore en discussion.
“Le médecin accédera au portail Améli pro, qu’il fréquente presque tous les jours, il cochera quelques cases afin de répondre à trois ou quatre questions, cela lui prendra vraiment moins d’une minute”, assure-t-il.
Avant d’ajouter : “Ensuite, il remettra au patient un document le rétablissant (ou l’indiquera sur l’ordonnance, NDLR), avec lequel le patient pourra se faire rembourser par le pharmacien.”
Thomas Fatôme tient à préciser que le champ d’application de la réglementation concernée sera « extrêmement limité ». « Il ne s’agit pas d’obtenir la prescription quotidienne des médecins », souligne-t-il. « De manière très concrète, les classes de médicaments que nous ciblons concernent trois prescriptions par an par le médecin généraliste. Attention, la liste concernée n’a pas encore été publiée au Journal Officiel.
Médicaments antidiabétiques dans le viseur
Dans le viseur se trouvent surtout les médicaments antidiabétiques, comme Ozempic ou Trulicity, parfois détournés à des fins de perte de poids. Le décret vise ainsi à éviter les « abus ». Pour ce type de médicaments, le médecin devra préciser par exemple si la personne a plus de 18 ans, si elle souffre de diabète de type 2 ou si elle prend d’autres médicaments liés à cette maladie.
“Aujourd’hui les mésusages restent limités mais vu l’effet de ces médicaments sur la perte de poids, on sait que si demain on ne régule pas, ces mésusages peuvent augmenter extrêmement facilement”, justifie Thomas Fatôme.
Autre exemple : Versatis, un patch analgésique qui n’est couvert qu’en cas de zona. Lorsque l’ordonnance n’est pas délivrée en raison d’un zona, le médecin est déjà censé indiquer sur l’ordonnance que le médicament « n’est pas remboursable ». “C’est effectivement un problème quand les médecins ne le font pas”, souligne la présidente du syndicat libéral des médecins, Sophie Bauer, auprès de BFMTV.com.
Des « besoins des patients » « réduits » à de « simples recommandations »
Autre mécontentement des médecins : que ce décret ait été signé par le Premier ministre sans concertation préalable avec les syndicats. Ou encore que ce décret les empêche d’adapter les prescriptions aux besoins de leurs patients. “Il est révoltant et anti-éthique de réduire les besoins de soins de nos patients à de simples recommandations d’experts de la HAS, même si certains ne sont pas d’accord avec les sociétés savantes”, indique le communiqué de l’UFMLS.
On s’inquiète également du fait que les médecins refusent d’utiliser certains médicaments pour éviter des charges administratives, même s’ils sont nécessaires à la santé de certains patients.
“Mais c’est peut-être finalement le but recherché : compliquer la vie des prescripteurs à tel point qu’ils abandonnent les molécules “dangereuses””, estime Richard Talbot, trésorier de la Fédération des médecins de France (FMF). sur le site de la Fédération. Ce dernier considère que ce décret vise avant tout à « faire des économies ». Ce que Thomas Fatôme avoue sans enthousiasme à notre micro, soulignant que ces prescriptions sont « des enjeux économiques mais aussi de santé publique ».
Le secret médical en danger ?
Les médecins pointent également le risque de violation du secret médical. Le président de l’UFML, Jérôme Marty, s’exprime dans les colonnes du quotidien régional La dépêche, de « la fin du secret médical » puisqu’il faut « prouver le motif d’une prescription ».
“Les médecins auront désormais l’obligation de divulguer les informations médicales à l’administration”, regrette le médecin marseillais Amine Ayari sur X.
Ce que réfute le directeur de l’Assurance maladie : « il n’y a absolument aucun problème de secret médical », déclare-t-il. Le décret précise que “Seul le service de contrôle médical de la caisse (Assurance Maladie, NDLR) peut avoir connaissance des informations couvertes par le secret médical.”
Si Thomas Fatôme assure que ce système “n’a pas vocation à se généraliser”, le projet de budget de la Sécurité sociale pour 2025 (PLFSS), actuellement examiné au Parlement, prévoit d’étendre cette procédure aux besoins de transport des patients et aux analyses médicales. “Il se peut aussi qu’il y ait encore des sujets extrêmement ciblés”, défend-il, appelant à “attendre l’issue des débats”. «Nous aurons l’occasion de discuter avec les médecins», précise-t-il. “Rendez-vous au début de l’année prochaine pour essayer de travailler à la mise en place de ce système.”