Une plainte pénale déposée vise les délits d’administration d’une substance nocive, d’atteinte involontaire à l’intégrité de la personne, de mise en danger d’autrui, de non-déclaration d’un effet indésirable et de tromperie aggravée.
Vers un nouveau scandale sanitaire ? Jeudi 7 novembre, Amavea, une association de victimes de l’Androcur, un médicament provoquant des tumeurs, a annoncé avoir déposé une plainte pénale à Paris contre X pour dénoncer la “faillite” des acteurs en charge de la sécurité de ce médicament.
La plainte pénale, déposée mardi et dont l’AFP a eu connaissance, vise les délits d’administration d’une substance nocive, d’atteinte involontaire à l’intégrité de la personne, de mise en danger d’autrui, de non-déclaration d’un effet indésirable et de tromperie aggravée.
Dégradation sanitaire
Théoriquement indiqué contre la pilosité excessive, mais prescrit depuis des décennies par de nombreux médecins bien au-delà de ces indications – par exemple contre l’endométriose – le lien du médicament Androcur (acétate de cyprotérone) avec les méningiomes a été clairement établi en 2018.
Sur BFMTV, Emmanuelle Huet-Mignaton, présidente d’Amavea et elle-même atteinte de méningiomes, explique les raisons de cette plainte. « Je dois comprendre pourquoi, dans un système de santé avancé, nous nous retrouvons avec de telles tragédies », explique-t-elle.
Cette dernière a également évoqué les différents problèmes de santé qu’elle a vécus avec la consommation de ce médicament.
«J’avais de graves maux de tête, des problèmes d’élocution et une main droite paralysée», dit-elle.
Dans un entretien à France Bleu, la victime raconte comment les symptômes se sont aggravés, et comment son état de santé s’est globalement dégradé.
“Le méningiome m’avait rendu hémiplégique du côté droit. J’avais perdu la parole. Les mots étaient mal formés, au point que cela me causait beaucoup de difficultés dans mon travail. Cela me plongeait dans une véritable dépression.” dit-elle.
Les méningiomes sont des tumeurs des membranes qui entourent le cerveau. Ces tumeurs sont parfois qualifiées de « bénignes » car elles ne risquent pas de se transformer en cancers mortels, mais elles peuvent provoquer de graves troubles neurologiques.
Excédent de risque identifié en 2004
Et les recours judiciaires devraient se multiplier. Dans les prochains jours, cinq autres patients porteront également plainte au pénal, à titre individuel. Pour Me Charles Joseph-Oudin, avocat de l’association, “il y a beaucoup de victimes qui l’ignorent, qui souffrent de méningiomes et ne savent pas que le lien avec Androcur peut être fait”, assure-t-il sur BFMTV.
D’autant qu’au fil des investigations, il s’est progressivement avéré que la chaîne des responsabilités était en réalité large.
« Il est désormais évident que les acteurs en charge de la sécurité d’Androcur – Agence de santé, laboratoires, médecins – ont échoué dans la gestion des effets secondaires de ce médicament », co-écrivent Me Charles Joseph-Oudin et Emmanuelle Huet-Mignaton, dans un communiqué publié jeudi par Le Monde.
Selon la plainte, “à partir de 1998, des cas de méningiomes étaient régulièrement signalés aux laboratoires commercialisant Androcur”.
Pour Me Joseph-Oudin et Emmanuelle Huet-Mignaton, « cet excès de risque, identifié par le laboratoire en 2004, a ensuite été reconnu par le cabinet et l’ANSM (agence de sécurité du médicament, NDLR) en 2008/2009. Cependant, aucune information n’a été non communiqué aux professionnels de santé prescripteurs ou aux patients avant 2019. »
L’ANSM pointée du doigt
Cette année-là seulement, “l’Autorité de Santé et le Laboratoire ont mis en place un plan de gestion des risques qui comprenait, entre autres, la diffusion d’informations ciblées aux patients prenant Androcur”, ont-ils critiqué.
L’ANSM n’a pas souhaité faire de commentaire “dans ce contexte”. Le policier antidrogue est visé depuis le printemps par des requêtes enregistrées au tribunal administratif de Montreuil, en banlieue parisienne. Cette action en justice intentée par des patients français atteints de tumeurs cérébrales après avoir pris le progestatif Androcur vise à rendre l’État responsable.
Les prescriptions d’Androcur ont chuté de près de 90 % entre janvier 2018 et décembre 2023, selon l’ANSM. Fin novembre 2023, moins de 10 000 patients étaient traités par Androcur contre environ 90 000 fin 2017.