Selon certains commentateurs, il n’y a pas de surprise dans la réélection de Donald Trump à la présidence des États-Unis : il suffisait d’écouter le peuple et le tour était joué ! Eux-mêmes avaient tout vu venir – une prescience qui ne s’était pas autant manifestée avant le soir des élections…
Les chiffres dressent un tableau plus nuancé, montrant que la victoire républicaine est due au fait que de nombreux démocrates sont restés chez eux. Le Donald Trump vainqueur en 2024 a en effet obtenu le même nombre de voix, soit quelque 75 millions, que lors de sa défaite en 2020.
Quant aux gens… Elon Musk, grand partisan de M. Trump, en fait-il partie ? Et les femmes noires qui ont massivement opté pour Kamala Harris sont-elles toutes du côté de l’élite ?
Alors je persiste et je signe : je ne comprends pas les Américains qui ont choisi de faire confiance à un homme qui la mérite si peu et qui ne l’inspire pas du tout. Pour preuve, les dirigeants du monde entier sont aux aguets depuis une semaine et le resteront pendant quatre ans.
“Sortez de votre bulle !” » On m’a dit quand j’ai signalé cette incompréhension sur le réseau X il y a quelques jours. Voilà enfin le résumé court… et poli des commentaires que j’ai suscités !
Pourtant, je fréquente depuis longtemps les médias dits conservateurs, ainsi que les comptes du même type sur les réseaux sociaux. Et dans ma vie personnelle, le cercle de mes connaissances est suffisamment large pour inclure des personnes de toutes orientations politiques.
Même si je me considère comme étant au centre gauche de l’échiquier, je comprends donc parfaitement qu’un électeur vote à droite, voire très à droite, parce qu’il estime y obtenir des réponses à des enjeux réels et majeurs.
Mais quand j’entends que Trump a gagné parce que l’économie était la première préoccupation des Américains, je ne vois rien d’original là-dedans. Les Canadiens, les Français et les Britanniques sont touchés de la même manière par l’inflation, qui se manifeste aussi bien dans le panier d’épicerie que dans le coût du loyer. Il n’existe cependant nulle part d’équivalent à l’imprévisible Donald Trump, dont les promesses économiques risquent d’attiser cette inflation tant détestée.
L’immigration et le contrôle des frontières constituent l’autre raison invoquée pour justifier sa victoire. Là non plus, rien d’original : toute l’Europe en est obsédée, et le Canada fait désormais partie du lot alors que le nombre de nouveaux arrivants a explosé ces dernières années.
Mais même au Royaume-Uni, où le gouvernement conservateur au pouvoir a adopté au printemps dernier une loi pour renvoyer les migrants illégaux au Rwanda ; même en Italie, où la Première ministre de droite Giorgia Meloni a considérablement durci sa politique migratoire ; même en France, où la question est au cœur du discours du Rassemblement national de Marine Le Pen… on n’a pas entendu autant d’outrages que ceux prononcés par Donald Trump.
Avec lui, il ne s’agit pas de repousser des masses qui rongent des ressources limitées, mais plutôt des hordes qui attaquent la population et se comportent comme des bêtes sauvages. Nous sommes au plus bas de la déshumanisation.
Je décroche. Et je me demande à quoi auraient pu penser les Américains qui ont fait le choix trumpien – un terme plus précis que le mot « républicain », puisque ce parti a été englouti par son chef.
Que les Américains qui étaient démunis, inquiets ou déçus par le gouvernement en place (également connu dans tout l’Occident) voulaient du changement, qu’il en soit ainsi. Mais qu’ils aient accepté que ce changement soit incarné par un homme aussi narcissique au comportement aussi discutable est très inquiétant.
M. Trump a son tribunal, très vaste, qui le défendra contre tous : l’adulation est un phénomène qui me dépasse, mais telle est la nature humaine.
Le calcul de ceux qui se sont bouché le nez pour voter pour lui me déconcerte davantage, même si je sais que, pris un à un, les électeurs concernés sauraient me faire comprendre leur raisonnement, malgré nos divergences sur des sujets comme l’avortement ou l’environnement. .
L’abstention démocrate me paraît encore plus inexplicable compte tenu du contexte de cette élection, même en prenant en compte les déceptions de chacun face à l’administration de Joe Biden, à laquelle Kamala Harris est associée.
Car au final, à quoi aboutissent cet aveuglement et ces petits calculs électoraux ? La réélection d’un homme poursuivi, qui insulte et insulte les gens, qui déforme les faits, qui défie les institutions au point de n’avoir pas reconnu sa défaite en 2020 (et l’aurait encore fait s’il avait encore perdu), qui doit être contrôlé pour l’empêcher de prendre des décisions aux conséquences incommensurables. Un homme qui ne voit que lui-même, qui n’accepte aucune critique et qui a peu de respect pour son entourage.
Nous ne sommes plus dans le monde politique, mais dans celui de la personnalisation extrême du pouvoir – et Trump sera encore plus difficile à contrôler que lors de son premier mandat, d’autant que les Républicains auront la majorité au Sénat et dans les représentants de la Chambre.
Il s’agit en fait d’un royaume qui repose sur les fondations d’une démocratie en ruine.
Certains sont heureux de voir le « système » (pour ce que ce mot signifie réellement) attaqué. Je fais partie de ceux qui se demandent dans quel état un tel mélange va nous laisser collectivement, alors que les troubles américains finissent par éclabousser le monde entier.
Donc, que nous choisissions sciemment un tel bourbier, je ne comprends vraiment pas. Et je trouve mon incompréhension plus légitime que la normalisation du phénomène Trump, et ses descendants masculinistes ou négationnistes du changement climatique, dont nous commençons déjà à être témoins.