Votre kinésithérapeute vous propose-t-il d’essayer un traitement basé sur l’utilisation de fines aiguilles, plantées dans les zones nerveuses ? Ne soyez pas surpris : il n’est pas devenu acupuncteur. La ponction physiothérapeutique avec aiguilles sèches (PPAS) est pratiquée par de plus en plus de physiothérapeutes au Québec, pour soulager la douleur et faciliter la guérison.
Qu’est-ce que la ponction physiothérapeutique à l’aiguille sèche (PPAS) ?
Le PPAS est réalisé en clinique. De très fines aiguilles sont piquées à des points précis des muscles, à travers la peau et les fascias (l’enveloppe musculaire), décrit la physiothérapeute Edith Castonguay, qui exerce chez PCN Physio, à Québec. Ils sont généralement insérés à quelques millimètres de profondeur.
Les aiguilles utilisées pour le PPAS sont les mêmes que celles utilisées par les acupuncteurs : elles sont dites « sèches » car elles ne sont pas utilisées pour injecter des médicaments. Au-delà de cette similitude, les principes qui sous-tendent les deux disciplines ne sont pas les mêmes. «Nous avons des lunettes très différentes», illustre Edith Castonguay. L’acupuncture, explique le kinésithérapeute, est un traitement plutôt systémique, qui va cibler les organes ou les problèmes de sommeil par exemple. Elle s’appuie sur les connaissances de la médecine orientale et cherche à rééquilibrer les « flux énergétiques ». Au lieu de cela, le PPAS se concentre sur les troubles musculo-squelettiques, sur la base de la compréhension anatomique de la médecine occidentale.
Le muscle répond à « l’attaque » de l’aiguille en se contractant. “La piqûre en elle-même n’est pas douloureuse, mais sur le moment, la réaction musculaire peut s’apparenter à un spasme ou à une petite crampe”, poursuit le spécialiste. Généralement, l’aiguille est retirée après quelques secondes, parfois après quelques minutes. Le site de ponction peut rester un peu douloureux pendant 24 à 48 heures. La fréquence des séances et la durée du plan de traitement varient d’un patient à l’autre. L’utilisation d’aiguilles s’accompagne également généralement d’un plan de traitement plus large, comprenant par exemple des exercices. « Le PPAS est un outil parmi d’autres dans notre boîte à outils. »
Il est à noter que, de la même manière que l’acupuncture est réglementée par l’Ordre des acupuncteurs, le PPAS est réglementé par l’Ordre professionnel de la physiothérapie du Québec (OPPQ). Pour avoir le droit de le pratiquer, il faut avoir suivi une formation d’une durée de 102 heures. Depuis 2011, lorsque l’OPPQ puis l’Université de Sherbrooke ont commencé à offrir cette formation, elle a été complétée avec succès par 17 % des physiothérapeutes québécois. La fonction de recherche avancée de l’annuaire des Commandes permet de les identifier.
Dans quels cas le PPAS est-il pertinent ?
L’utilisation d’aiguilles sèches en physiothérapie sera privilégiée notamment pour les douleurs chroniques, les douleurs persistantes au bas du dos ou aux cervicales ou encore les tendinopathies, explique Edith Castonguay. On l’utilisera moins pour les douleurs récentes et aiguës, une entorse par exemple.
Entre autres choses, le PPAS est utile lorsque la douleur interfère avec les traitements physiothérapeutiques. Edith Castonguay donne l’exemple de la capsulite à l’épaule : le PPAS va détendre la musculature entourant l’articulation douloureuse, et ainsi restaurer l’amplitude des mouvements, ce qui facilitera les exercices, les étirements et le renforcement.
En revanche, il est contre-indiqué dans certains cas, notamment pour ceux qui ont peur des aiguilles ou pour les femmes enceintes, ou encore pour les personnes qui ont des problèmes de sensibilité qui les empêchent de sentir les aiguilles.
Que dit la recherche sur son efficacité ?
Le PPAS fait maintenant partie de l’arsenal de la physiothérapie et s’appuie sur des données probantes, affirme Guillaume Léonard, professeur-chercheur spécialisé en douleur à l’Université de Sherbrooke et physiothérapeute. « Certaines études montrent que ce n’est pas de la magie, que quelque chose se passe dans le système nerveux, au niveau neurophysiologique. »
En revanche, la science n’a pas toutes les réponses pour le moment, poursuit-il. « Nous commençons à mieux comprendre les mécanismes d’action, mais des recherches supplémentaires sont nécessaires, notamment avec un placebo. » En gros, résume Edith Castonguay, une revue récente des études existantes montre que le PPAS est pertinent pour gérer la douleur à court terme, mais que pour qu’il produise des effets à long terme, il vaut mieux le lier à d’autres outils, la rééducation musculaire pour exemple.
Une méta-analyse des travaux sur le sujet l’a trouvé significativement plus efficace que le placebo, dans les études qui l’ont utilisé, mais il semble quand même prouvé que l’effet placebo joue un rôle dans son efficacité, explique le kinésithérapeute. . A partir de là, il est tout à fait possible de profiter de ce biais favorable lorsqu’il est présent, argumente Guillaume Léonard. La disposition initiale du patient envers ce type de traitement peut donc améliorer les chances de succès.
Comment fonctionne le PPAS ?
« Le PPAS agit un peu comme une réinitialisation du système nerveux », illustre la physiothérapeute Edith Castonguay. Le mécanisme à l’œuvre revient, en quelque sorte, à combattre le mal par le mal. « C’est comme si notre système nerveux était doté d’un système de freinage, d’un système de réduction de la douleur. Une des façons d’activer ce mécanisme est de créer une autre stimulation douloureuse », explique le chercheur Guillaume Léonard. Ce processus, appelé contre-irritation, stimule la libération de neurotransmetteurs comme les endorphines ou la sérotonine, ce qui réduit la sensation de douleur.
Les aiguilles peuvent être insérées autour de la zone où se situe la douleur, mais elles peuvent également être positionnées pour agir indirectement, via des « points déclencheurs » (points de déclenchement). Ces points de tension au niveau des muscles peuvent provoquer des douleurs localement, ou plus loin dans la chaîne musculaire. Par exemple, illustre Edith Castonguay, les douleurs au bras ou sur le dessus de la main peuvent provenir d’un muscle lié à l’omoplate. C’est donc là que se déroulera le traitement. Les praticiens du PPAS connaissent par cœur tout ce réseau anatomique.
Le PPAS peut également être utilisé pour stimuler la guérison d’une tendinopathie. « Dans ce cas, explique Guillaume Léonard, on veut relancer la machine inflammatoire, afin de favoriser la cicatrisation. » Le tendon va alors relancer la production de collagène, nécessaire à sa reconstruction.
Que ce soit pour traiter des muscles ou des tendons, la technique donne parfois des résultats remarquables, souligne Edith Castonguay, qui est également présidente de la Fédération des cliniques de physiothérapie du Québec. C’est sans doute ce qui explique pourquoi les patients sont plus nombreux qu’avant à en faire la demande, a-t-elle observé parmi ses membres.
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