Début octobre, nous avons enlevé nos chaussures – comme c’est la coutume – pour entrer dans le salon privé au parquet blanc et rencontrer Shinji Fukuyo, maître assembleur des whiskies Suntory. Devant un parterre de journalistes internationaux, l’élégant maître-assembleur de la maison centenaire s’apprêtait à dévoiler pour la première fois son Hibiki 40 Years Old, le plus ancien blend jamais produit par cette marque appartenant à Beam Suntory. Le lancement mondial n’a pas eu lieu dans la préfecture d’Osaka, où se trouve l’une des principales distilleries du groupe, mais à Paris, chez Ogata, un restaurant-épicerie-galerie dédié à l’art de vivre japonais.
“Il est tout à fait naturel qu’un whisky aussi rare soit lancé à Paris, une ville emblématique du luxe”, a déclaré Taki Nakatani, directeur mondial de Suntory Whisky. “Le Japon et la France partagent une passion pour l’artisanat, la gastronomie et les boissons haut de gamme. Votre pays a été l’un des premiers à reconnaître la qualité de nos whiskies”, a-t-il souligné, avant que Fukuyo ne présente son prestigieux blend de 40 ans aux arômes délicats. de miel et de clou de girofle. Un exemple par excellence de l’art de l’assemblage japonais, avec seulement 400 bouteilles produites et vendues pour… 38 250 €.
Un joyau inaccessible pour la grande majorité des Français amateurs de whisky japonais, même si le nombre de convertis ne cesse de croître. Certes, la catégorie ne représente que 3 % des ventes de whisky en France, mais c’est l’une des rares catégories en croissance (d’environ 8 % par an) dans un secteur des spiritueux en déclin. Cette tendance française ne se dément pas depuis ses débuts il y a plus de 20 ans, au point que la France est devenue l’un des premiers importateurs mondiaux.
Hiromi Ozaki, maître assembleur des whiskies Nikka, l’autre institution japonaise, était dans la capitale française fin septembre à l’occasion du salon Whisky Live Paris, lorsqu’il a souligné que « la France a été le premier pays à découvrir le potentiel de Nikka et à s’ouvrir le marché européen pour nous.” Pour être plus précis, La Maison du Whisky (LMDW). Créée en 1956 par les frères Simon, Félix et Georges Bénitah, l’entreprise s’est d’abord fait connaître en important des purs malts écossais. Dirigée depuis la fin des années 1990 par le fils de Georges, Thierry Bénitah, la société est devenue l’un des principaux distributeurs français de spiritueux premium et un pionnier dans la distribution de whiskies japonais.
“En 1994, mon père s’est lancé dans l’importation de quelques bouteilles de Suntory, via la marque de cognac Louis Royer, que les Japonais avaient rachetée en 1989”, se souvient Thierry Bénitah. “Mais ni nous ni nos clients n’ont compris à l’époque ces produits que nous trouvions trop chers.” Même si les premières distilleries japonaises, Yamazaki (propriété de Suntory) et Yoichi (propriété de Nikka), furent lancées respectivement en 1923 et 1934, leur production resta longtemps un secret bien gardé. En cause : la Seconde Guerre mondiale, les aléas économiques et la volonté de ces entreprises de se concentrer sur leur immense marché intérieur, avant de se lancer à l’exportation à la fin des années 1990.
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