Pour la Montréalaise Johanne Belzile, c’était une évidence : il n’était pas question de se ruiner en achetant des appareils auditifs au Québec. Au lieu de cela, elle s’est rendue chez Costco à Ottawa, où elle a obtenu ses appareils pour la moitié du prix qui lui avait été facturé par son audioprothésiste local. « Conduire quelques heures pour économiser 2 000 $, je pense que ça vaut le coup », affirme cette infirmière à la retraite de 68 ans.
Dans les centres auditifs Costco en Ontario, les prix des aides auditives varient de 2 000 $ à 3 500 $ la paire. Et le test audiologique, qui permet de déterminer le degré de surdité, est gratuit. Au Québec, Costco n’est pas autorisé à vendre des appareils auditifs. Vous devriez plutôt vous adresser à un audioprothésiste bien établi et vous attendre à payer entre 3 000 et 8 000 dollars par paire. Et il faut généralement compter environ 80 $ pour l’évaluation audiologique si vous la faites faire par un audiologiste du secteur privé.
La loi encadrant la profession d’audioprothésiste et la vente d’appareils auditifs étant moins stricte en Ontario qu’au Québec, le prix des appareils y est généralement plus bas. Et chez Costco, les prix sont encore plus bas. Comment cela s’explique-t-il ? Le géant de la distribution refuse de discuter de ses stratégies de marché. Ceci dit, comme on peut le lire sur le site de l’entreprise, les prix des produits qui y sont proposés sont inférieurs à ceux de la concurrence, notamment en raison des frais d’adhésion facturés aux clients, source de revenus importante pour la chaîne. Car, il faut le rappeler, n’allez pas chez Costco qui en a envie. Vous devez avoir votre carte de membre, et cela s’applique également aux cliniques d’audiologie qui s’y trouvent.
De plus, Costco ne fait affaire qu’avec trois fabricants — Philips, ReSound et Rexton — une exclusivité qui assure à ces entreprises un certain volume de ventes et leur permet de réduire leurs coûts.
La formule séduit. «Environ 70 % de nos clients viennent du Québec», explique Ari Calderon, employé au Costco Hearing Aid Centre de Gloucester, en banlieue d’Ottawa.
Épargner, oui, mais ce n’est pas tout…
Avant de vous rendre à Ottawa, il y a quelques éléments à considérer. On n’achète pas une aide auditive comme on achète une miche de pain… Vous devrez donc vous rendre plusieurs fois chez Costco : une fois pour le test auditif, une autre fois pour récupérer votre appareil et le faire installer, puis, en la plupart du temps, une troisième fois pour faire de petits ajustements après quelques mois. Si vous habitez près de la frontière, ce n’est pas un problème. Sinon, il faut y réfléchir.
Autre détail, et non des moindres : les marques de prothèses proposées par Costco ne sont pas nécessairement les mêmes que celles vendues par la plupart des audioprothésistes au Québec. Bref, « vous ne pourrez pas aller voir l’audioprothésiste de votre quartier pour recevoir de l’accompagnement dans votre rééducation auditive, faire effectuer des ajustements ultérieurs ou entretenir vos prothèses », prévient David Gélinas, président de l’Ordre des audioprothésistes. au Québec.
Un argument qui ne convainc pas Johanne Belzile, qui entretient elle-même ses appareils. « Par exemple, l’audiologiste de Costco, francophone, m’a montré comment les nettoyer et changer les embouts », raconte-t-elle.
Pourquoi est-ce si cher au Québec?
Au Québec, la vente d’appareils auditifs est un acte réservé aux professionnels de l’audition. Ailleurs au Canada, les audiologistes — des professionnels dont le domaine d’expertise est l’évaluation auditive — peuvent également les vendre. «Le fait que les audioprothésistes aient ce monopole ici fait grimper les prix», soutient Paul-André Gallant, président de l’Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec (OOAQ).
David Gélinas, président de l’Ordre des audioprothésistes, ne voit pas les choses du même oeil. «Notre ordre professionnel considère qu’il n’est pas souhaitable pour le prescripteur [l’audiologiste] soyez aussi le vendeur, dit-il. Cela ouvre la porte à des conflits d’intérêts. »
Pour le moment, rien n’indique que les centres d’audioprothèses seront intégrés à aucun des 23 Costcos du Québec. En effet, selon la loi sur les prothèses auditives, adoptée en 1973, « nul ne peut exercer la profession d’audioprothésiste sous un autre nom que le sien ». Autrement dit, ces professionnels de la santé auditive ne peuvent travailler pour aucune entreprise autre que la leur.
Une chose est sûre, si les Costcos du Québec vendaient des appareils auditifs, Johanne Belzile s’épargnerait volontiers ces déplacements à Ottawa. Même si elle trouve que c’est une très jolie ville…
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