Ce texte rassemble les capsules contenues dans notre newsletter politique, publiée le jeudi à 17h00. Vous y trouverez un regard en quatre points sur les événements politiques de la semaine. Vous pouvez vous inscrire ici.
Tout le dilemme de Justin Trudeau est résumé dans deux chansons aux esthétiques très différentes, mais animées par les mêmes questionnements : Dois-je rester ou dois-je partirun hymne du groupe britannique The Clash du début des années 1980, et La chambrede Jean Leloup, dans lequel l’artiste québécois s’interroge : « Dois-je partir ou rester ? Dois-je enfin tout abandonner ? » Les deux options du premier ministre sont là.
Mais si Justin Trudeau cherche une bande sonore à sa réflexion sur son avenir politique, il faudrait peut-être éviter la chanson de Leloup – le narrateur se retrouvant seul dans une pièce sombre, entouré d’une étrange faune. Une perspective assez déprimante… même s’il y a peut-être un lien à faire avec la situation générale du gouvernement Trudeau.
Les derniers jours ont été épiques à tous points de vue. Selon les différentes informations qui circulent, la chronologie débute par un appel de Justin Trudeau à Chrystia Freeland vendredi pour lui annoncer qu’il allait confier le poste de ministre des Finances à Mark Carney (également parrain d’un des enfants de l’ancien numéro deux au gouvernement). Sauf que Mark Carney ne voulait pas du poste, que Chrystia Freeland n’a pas accepté d’être écartée sans rien dire, et que le plan de Justin Trudeau s’est retourné contre lui. Lundi, la bombe métaphorique a explosé : démission de la ministre Freeland, lettre punchée destinée à ébranler le leadership de Justin Trudeau, torpillage en direct de l’énoncé économique du gouvernement… Depuis, on a l’impression d’assister à l’implosion métaphorique d’un gouvernement qui était en tout cas arrivé à la fin de son mandat – et probablement à la fin de son règne.
Au moment d’écrire ces lignes, toutes les options demeurent : Justin Trudeau essaie de conserver son emploi, ou il démissionne pendant les vacances et demande une prolongation pour donner aux libéraux le temps de s’organiser. (scénarios de base qui n’excluent pas des ramifications plus complexes). Le remaniement prévu vendredi donnera une idée des intentions à court terme de Justin Trudeau. Mais il est peu probable qu’il réponde immédiatement à la grande question fin 2024 : pourra-t-il rester en fonction ? Avec autant de députés réclamant son départ ? Avec autant de ministres évitant de lui apporter leur soutien ? Avec des sondages aussi difficiles ?
Il y a peut-être un élément de réponse dans la chanson de The Clash : si je pars, dit le héros, il y aura des problèmes. Mais si je reste, ce sera deux fois plus grave.
Le numéro
1,3 milliard
L’énoncé économique du gouvernement Trudeau déposé (laborieusement) lundi prévoit un total de 1,3 milliard de dollars sur six ans pour sécuriser les frontières — et démontrer au président élu Donald Trump que le Canada prend au sérieux ses préoccupations à cet égard. Les nouveaux fonds serviront notamment à renforcer la détection et l’interception du fentanyl, ainsi qu’à accroître la surveillance aérienne par drone ou hélicoptère. La majeure partie de l’argent sera dépensée à partir de 2026.
Le baromêtre
👍 Soulèvement
Le Bloc Québécois termine une séance chaotique à Ottawa avec un niveau d’appui qui rend plausible l’hypothèse que le parti forme l’opposition officielle après les prochaines élections… À moins d’un changement radical dans la situation actuelle, tout dépendra de la performance (ou, plus précisément, la contre-performance) des libéraux. La moyenne des derniers sondages donne au Bloc une avance d’une douzaine de points sur les conservateurs et les libéraux au Québec, ce qui pourrait donner quelque 45 sièges aux troupes d’Yves-François Blanchet, selon le modèle de projection de 338Canada. Ces bons résultats ne sont peut-être pas étrangers à la demande pressante d’élections en janvier de la part du chef Blanchet…
👎 En déclin
Est-ce un prélude à ce qui attend plusieurs secteurs après le prochain budget et la présentation du plan de retour à l’équilibre budgétaire ? Les centres de services scolaires (CSS) du Québec devront trouver 200 millions d’économies d’ici la fin de l’exercice financier, le 31 mars. La somme ne représente pas une coupe à proprement parler – plutôt un « respect des budgets du ministère »… mais l’effet risque étant pareil, craignez plusieurs intervenants. Québec assure que les services aux étudiants ne seront pas affectés, l’argent devant être économisé dans les budgets de fonctionnement (en plus d’une somme de 70 millions qui correspond à des dépenses non engagées qui finalement ne peuvent être engagées…). Mais là aussi, les acteurs de terrain doutent fortement qu’il soit possible de respecter la directive sans que les étudiants, quelque part, en paient le prix.