Le premier ministre fédéral Justin Trudeau n’avait plus le choix.
Sans même inclure dans l’équation les multiples révoltes de son caucus et la démission choc de sa ministre des Finances, Chrystia Freeland, juste avant les vacances de Noël, son départ de la tête du pays et du Parti libéral du Canada (PLC) a constitué le première étape d’un long chemin vers la reconstruction de cette formation, aux yeux des électeurs canadiens. C’est exactement ce que leur état d’esprit, traduit en chiffres dans les sondages, nous dit depuis près de 16 mois maintenant.
Le seul qui refusait de voir la réalité s’est finalement résigné lundi matin. Et comme pour confirmer une fois de plus ce qu’ils pensaient de leur Premier ministre, les Canadiens étaient particulièrement satisfaits de cette démission prochaine.
Le sondage Pallas Data réalisé dans les heures qui ont suivi l’annonce de lundi était sans équivoque. Pas besoin d’un finition photoc’est trois pour un.
À la question : « Dans quelle mesure êtes-vous satisfait de la décision de Justin Trudeau de démissionner de son poste de premier ministre et chef du Parti libéral du Canada ? » », 59 % des personnes interrogées se disent satisfaites de la décision, contre seulement 19 % insatisfaites.
Toutes catégories confondues, les résultats montrent une rare uniformité. Les majorités dans chacune des régions de vote du pays, ainsi que dans tous les groupes d’âge, expriment leur satisfaction suite au départ annoncé de Justin Trudeau. Même au Québec, où le CPL a remporté plus de voix et plus de sièges que ses adversaires lors des trois dernières élections, 63 % des sondés sont satisfaits de son départ. Il s’agit du deuxième niveau à l’échelle nationale.
Lorsqu’on ventile les résultats selon les intentions de vote, on constate que, même parmi les électeurs libéraux (du moins, ce qu’il en reste), le départ de Justin Trudeau est accueilli positivement : 47 % de ceux qui soutiennent encore le PLC se disent satisfaits du résultat annoncé. départ de leur leader au cours des 12 dernières années, contre 32% qui sont insatisfaits de la décision.
Parmi les électeurs des partis d’opposition, la nouvelle est également bien accueillie (évidemment). Chez les conservateurs, 73 % sont satisfaits du départ de celui qui est la cible de la campagne permanente du parti depuis que Pierre Poilievre a pris les rênes du Parti conservateur du Canada (PCC). Les électeurs du Bloc québécois (BQ), dans une proportion de 5 contre 1, sont satisfaits du départ de Justin Trudeau. Les chiffres sont plus modérés chez les électeurs néo-démocrates, mais toujours sans équivoque : 47 % de satisfaits, 19 % d’insatisfaits.
Bref, c’est l’expression d’un bon débarras, mais sans doute trop tard…
Seize mois perdus
À la mi-juillet 2023, la projection de Qc125 plaçait le PLC au coude à coude avec les conservateurs de Pierre Poilievre : 139 sièges chacun, ce qui aurait presque assurément conduit à (un autre) gouvernement minoritaire si des élections avaient eu lieu. à ce moment-là.
Ensuite, le plancher s’est effondré sous les pieds des libéraux. Fin août 2023, les chiffres plaçaient déjà le PCC en territoire majoritaire et le PLC loin derrière, dans la poussière.
« Mais les libéraux ont le luxe du temps », rappelaient alors plusieurs observateurs et militants. Cependant, le « luxe du temps » en politique peut être une arme à double tranchant : du temps pour réparer les morceaux cassés, certes, mais aussi du temps pour briser toutes les assiettes et soucoupes qui restent dans la commode.
C’est la deuxième option qui s’est présentée.
La dernière mise à jour fédérale Qc125 (5 janvier) mesure le soutien au PCC à 45 % en moyenne, soit 25 points (!) d’avance sur le PLC. Dans la projection des sièges, les conservateurs ont atteint une moyenne stupéfiante de 236 sièges, soit 54 sièges au-dessus du seuil de 172 pour une majorité à la Chambre des communes (si cette récolte de sièges se matérialisait, elle constituerait la plus grande caucus dans l’histoire du pays). Quant au PLC, la projection place le parti à 35 sièges en moyenne au pays – 10 sièges de moins que la moyenne… du Bloc Québécois, bien que cantonné au seul territoire du Québec.
Un changement de chef libéral est loin d’être la panacée des panacées. Il n’en reste pas moins que des données récentes de Pallas Data semblent indiquer que le départ de Trudeau pourrait apporter un certain coup de pouce au PLC, aussi modeste soit-il. L’écart entre conservateurs et libéraux par rapport au précédent sondage Pallas Data s’est réduit de cinq points. Cela reste une mesure dans la marge d’erreur, mais au moins cela indique la bonne direction pour le successeur de Trudeau.
Soyons toutefois clairs : aucune donnée actuelle ne permet de croire à un retour en force du PLC au point de pouvoir inverser la lourde tendance en faveur du Parti conservateur. Cependant, un scénario dans lequel le CLP subirait une « défaite normale » au lieu d’un « passage à tabac historique » est désormais plausible. Évidemment, tout dépendra de qui prendra les commandes du parti d’ici le retour à la Chambre au printemps…
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Ce sondage Pallas a été réalisé le 6 janvier 2024, après l’annonce du départ de Justin Trudeau. La marge d’erreur du sondage sur l’échantillon complet est de ±3 %, 19 fois sur 20. Vous pouvez trouver les détails de l’enquête ici.