Les premiers symptômes dépressifs du père de Manon, une Montréalaise de 58 ans, sont apparus au printemps, il y a près de cinq ans. Des crises d’angoisse à répétition puis des pulsions suicidaires ont conduit l’homme à plusieurs reprises aux urgences. La mère de Manon (nous taisons son nom de famille pour des raisons de confidentialité) était de plus en plus stressée par la situation. « Elle était constamment préoccupée par les humeurs fluctuantes de mon père », raconte sa fille. Elle craignait toujours qu’il mette à exécution ses menaces de suicide. » Manon et son frère ont dû prendre la relève, afin de vérifier quotidiennement si leur père prenait ses médicaments et si son humeur était stable.
Au Québec, 11,8 % des femmes et 5,2 % des hommes ont reçu un diagnostic de trouble anxieux-dépressif (comme la dépression, l’anxiété généralisée ou le trouble bipolaire) en 2021-2022, selon l’Institut de le tourisme du Québec. Si les femmes sont deux fois plus susceptibles d’être touchées par ce trouble, le taux de suicide est trois fois plus élevé chez les hommes. Le pourcentage de jeunes âgés de 15 à 29 ans diagnostiqués a également augmenté ces dernières années. Cependant, un récent rapport de l’Association canadienne pour la santé mentale (ACSM) conclut que les gouvernements provincial et fédéral n’accordent pas un budget suffisant à la santé mentale. Bien souvent, ce sont des proches, comme Manon, son frère et sa mère, qui se retrouvent à porter sur leurs épaules le lourd fardeau des soins.
Comment repérer les symptômes de la dépression ?
La dépression peut se manifester physiquement et psychologiquement. Les signes les plus courants sont une grande tristesse, de la fatigue, un manque d’énergie ou une forte agitation ainsi que des problèmes de sommeil, d’appétit et une perte d’intérêt pour les activités habituellement pratiquées. Cela peut également entraîner une réduction de l’estime de soi, des difficultés à se concentrer et à prendre des décisions. Les symptômes doivent durer plus de deux semaines et varient considérablement d’une personne à l’autre. «Par exemple, une personne va commencer à dormir beaucoup, tandis qu’une autre va perdre complètement le sommeil», explique Geneviève Beaulieu-Pelletier, psychologue et collaboratrice de Nouvelles.
« Vous devez particulièrement vous inquiéter si vous remarquez un changement important dans votre comportement ou vos habitudes », ajoute-t-elle. Même saisonnière, la dépression n’est pas à prendre à la légère.
Comment aider ?
Dans la dépression, la fatigue et l’inaction ne sont pas simplement dues à la volonté. Dire à son proche « quand tu veux, tu peux » est contre-productif dans ce contexte. La première chose à faire est de se renseigner sur la maladie, pour être sûr de ne pas avoir de fausses croyances, précise la psychologue.
On essaie alors d’entretenir le dialogue avec la personne concernée, tout en pratiquant l’écoute active et en évitant de minimiser les émotions de l’autre. Si votre proche répète des commentaires très négatifs et se dévalorise, il est important d’essayer de recadrer la discussion pour qu’il soit plus tolérant et indulgent avec lui-même. «On peut parler de progrès et rappeler qu’ils sont lents, parfois, que les objectifs ne peuvent pas être atteints immédiatement», poursuit Geneviève Beaulieu-Pelletier.
Julie Bickerstaff, directrice du service d’écoute Info-Aidant à l’organisme L’Appui, conseille de parler au « je » pour amorcer la conversation, peu importe le type de relation. Elle suggère également de communiquer les changements observés. Par exemple : « Je remarque que tu as moins d’appétit » ou « Je m’inquiète pour ta santé ». «Cette approche bienveillante et beaucoup moins conflictuelle nous permet de montrer aux autres que nous leur accordons de l’importance, que nous les voyons», dit-elle. En plus d’aider la personne affectée à se sentir mieux, cela pourrait également l’amener à agir, en prenant davantage conscience de ses symptômes.
Vous pouvez proposer à la personne de consulter son médecin qui pourra poser un diagnostic, s’il n’est pas déjà établi, et lui proposer des outils et un traitement adapté. Certaines personnes considèrent que demander de l’aide est un signe de faiblesse. Dans ce cas, vous pouvez tenter de convaincre votre proche en la comparant à une blessure physique : de la même manière que vous consultez un médecin pour soigner une fracture, soutenez qu’il est tout aussi naturel de se tourner vers un psychologue pour soigner des blessures psychologiques. .
Si la personne reste complètement fermée à la discussion, rappelez-lui régulièrement que vous êtes disponible pour l’écouter lorsqu’elle se sent prête, sans lui mettre de pression et sans lui laisser d’espace. Il faut cependant faire attention aux signes qui pourraient indiquer qu’elle pense au suicide et qu’elle pourrait se mettre en danger. Par exemple, si la personne dit des choses inquiétantes comme « tu vas bientôt te débarrasser de moi », ou si elle te demande si tu as toi-même pensé au suicide, tu dois lui demander directement quelles sont ses intentions. Si elle est en danger, vous pouvez lui proposer de l’accompagner aux urgences ou appeler le 911. Si la personne n’est pas en danger immédiat, il peut être avantageux de contacter un centre de prévention du suicide et de prendre contact (à condition que vous et votre proche) avec un intervenant formé pour faire face à ces situations.
La situation est différente dans le contexte de la parentalité, puisqu’il y a une question de responsabilité et un rôle un peu plus éducatif à jouer quant aux symptômes et au bénéfice du suivi médical. Avec un enfant en dépression légère à modérée, « il faut maintenir le lien, avec des activités simples comme cuisiner en famille, en mettant des petites sources de plaisir dans l’horaire », conseille Geneviève Beaulieu-Pelletier. Il faut rappeler qu’il est normal de se sentir déprimé, lever les tabous à ce sujet et favoriser la consultation d’un professionnel avec qui il est parfois plus facile d’aborder certains sujets. » Dans les cas plus graves, prenez rendez-vous pour lui avec un professionnel pour discuter de sujets précis, en expliquant à l’enfant l’avantage de disposer d’un espace plus neutre pour s’exprimer.
Comment soutenir tout en se protégeant ?
L’auto-préservation est essentielle, car les aidants informels courent plus de risques que les non-aidants de développer des symptômes de stress, d’anxiété et de dépression. « C’est comme le masque à oxygène dans l’avion, il faut mettre le sien avant celui des autres », illustre Julie Bickerstaff. Cela n’a rien d’égoïste, bien au contraire, c’est une clé pour éviter l’épuisement. »
Il est donc essentiel de fixer des limites claires pour réduire les attentes de la personne en dépression et les lui communiquer. Pensez à une routine d’activités à faire avec la personne et déterminez la fréquence et l’intensité, selon vos capacités. Si vous vivez avec la personne, cela peut inclure de préparer au moins un repas ensemble chaque jour ou de sortir se promener. Si vous n’habitez pas sous le même toit, il peut s’agir d’un rendez-vous hebdomadaire au téléphone ou en personne pour discuter ou pratiquer une activité sportive. «La culpabilité est souvent très présente chez les proches, mais il faut veiller à équilibrer son temps et son énergie», suggère Geneviève Beaulieu-Pelletier. Cela implique également de rendre l’être cher responsable de son processus de rétablissement. Par exemple, suggérez-lui de dormir suffisamment d’heures, de s’exposer à la lumière naturelle et de faire des exercices cardiovasculaires au moins trois fois par semaine.
Que faire si vous vous sentez dépassé ?
Avoir un réseau de soutien est essentiel. « Il faut apprendre à aider, car notre instinct n’est pas toujours bon », estime Sophie (ce n’est pas son prénom), qui a passé son enfance et son adolescence à soutenir une mère dépressive — au point de s’oublier. se. Elle recommande de contacter l’organisme Arborescence, qui propose une ligne d’assistance, un accompagnement individuel et des groupes de soutien. La Confédération des associations de proches en santé mentale (CAP) propose également un outil numérique d’autogestion en ligne contenant des ressources et des stratégies pratiques.
Pour la psychologue Geneviève Beaulieu-Pelletier, mettre de la distance peut s’avérer bénéfique lorsqu’on a déjà tenté beaucoup de choses, sans succès, ou lorsque les limites établies ne sont plus respectées. «Quand on est trop affecté, dépassé émotionnellement, ou quand la situation crée tellement d’anxiété qu’elle nous empêche d’être disponible pour nous-mêmes ou pour les autres personnes de la famille, cela peut être la meilleure décision», explique-t-elle.
C’est ce qu’a fait Sophie la deuxième fois qu’un de ses proches souffrait de dépression. Face à l’impossibilité d’aider, elle a dû se résoudre à prendre ses distances. « Ma sœur souffrait aussi de dépression, elle ne voulait pas se faire soigner. J’ai décidé de m’en aller en lui expliquant que je l’aimais et que j’avais confiance qu’elle s’en sortirait”, ajoute-t-elle. Malgré la culpabilité, elle n’a pas regretté cette décision qui lui a permis de se sauver.
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