A la fois écoles de langues et centres culturels, les Alliances françaises constituent un réseau de 830 établissements répartis dans 135 pays. Sans que l’on le sache, Montréal a accueilli la sienne en 2023, année qui marquait le 140e anniversaire de la création de l’Alliance française, à Paris. Il s’agit en fait d’un retour en sol québécois après une longue absence, comme je vous l’expliquerai plus tard.
Si je vous en parle aujourd’hui, c’est à cause de la question de la francisation, qui est revenue au premier plan des préoccupations il y a quelques temps, le Québec semblant avoir du mal à répondre aux besoins en la matière. Je me réjouis de l’ouverture de l’Alliance Française de Montréal, car ce n’est pas une école de langues comme les autres. Depuis plus de 20 ans, j’ai toujours pensé que le Québec avait autant besoin de l’Alliance française que l’Alliance française avait besoin du Québec. Les Alliances françaises constituent un canal de transmission très solide du français dans le monde, en plus d’être souvent de précieux alliés de la diplomatie québécoise partout où elle est implantée. L’existence d’une Alliance française à Montréal crée un nouveau relais pour la culture québécoise dans cet important réseau.
En plus d’enseigner la langue, l’Alliance basée à Montréal propose des ateliers de conversation, des rencontres littéraires et des jeux de société, mais aussi des visites de musées et des projections de films mettant en valeur notre culture auprès de nouvelles personnes. arrivants et Québécois non francophones.
Cette vocation culturelle de l’Alliance Française remonte à ses origines, en 1883 à Paris. La France est alors diplomatiquement isolée et un groupe de personnalités invente cette formule originale de diplomatie culturelle. Au départ, il s’agissait de promouvoir la France, mais cette idée a évolué depuis les années 1960 vers la francophonie. « Même si la Fondation des Alliances françaises de Paris nous a accordé la marque Alliance française, notre nom officiel à but non lucratif est Centre de la francophonie de Montréal », souligne son directeur, Christophe Brayet, un Français établi au Québec depuis 32 ans qui a fait une carrière dans les technologies de l’information avant de me passionner pour la francisation. « Notre intention est donc de proposer une offre culturelle francophone tournée vers le territoire. »
Il est encore trop tôt pour dire à quoi ressemblera cette offre culturelle, mais les Alliances ont l’habitude de proposer des activités d’un niveau assez élevé et distinct. Par exemple, le premier rendez-vous de l’année, qui aura lieu le 21 janvier, sera le récital de piano dans la main gauche de Maxime Zecchini, un pianiste français en tournée avec les Alliances françaises canadiennes, suivi d’une rencontre avec l’artiste. Il s’agit de la deuxième soirée du genre, la première ayant été, en mars 2024, la projection d’un film du cinéaste acadien Phil Comeau, L’ordre secretsur une société secrète canadienne-française, l’Ordre de Jacques-Cartier, qui était active au milieu du siècle dernier.
L’Alliance Montréal a débuté très modestement, en louant un espace de travail partagé sur le Plateau-Mont-Royal, mais en novembre dernier, elle a emménagé dans de nouveaux locaux de 80 m2Place D’Youville, dans le Vieux-Montréal. La greffe montréalaise fait son chemin.
Avant même de fêter ses deux ans, l’asbl compte 400 étudiants, 10 salariés et 15 enseignants contractuels.
L’Alliance française de Montréal est également l’un des 14 centres québécois accrédités offrant les examens de français requis par les autorités pour évaluer le niveau de maîtrise du français des nouveaux arrivants afin de répondre aux exigences d’emploi et d’immigration. En 2024, 3 000 personnes ont payé 390 dollars chacune pour subir ces tests, qui durent en moyenne trois heures. « Ces revenus nous ont permis d’investir dans l’enseignement, dans nos nouveaux locaux et dans le mobilier », explique Christophe Brayet, qui travaille désormais à élargir l’offre pédagogique et culturelle.
Un réseau très réputé
Comme la plupart des Québécois, je ne connaissais rien de l’Alliance Française au début. Je l’ai découvert un peu par hasard, il y a une vingtaine d’années, en publiant une série d’ouvrages sur le français, la langue et la francophonie. Ces travaux m’ont valu une cinquantaine d’invitations à donner des conférences dans les Alliances situées au Canada et aux États-Unis, mais aussi jusqu’à Porto, Tokyo et Dublin, dont San Francisco.
Les Alliances françaises sont très différentes des Instituts français, grands centres culturels à caractère semi-diplomatique, comparables aux Instituts Goethe (allemand), au British Council ou aux Instituts Cervantes (espagnol). Les Alliances françaises sont plutôt des organisations à but non lucratif de droit local.
Ce sont donc les résidents du pays d’accueil qui déterminent le nombre de bureaux implantés, en fonction de leur motivation. Aux États-Unis, il y en a 104. Au Mexique, 48. Au Brésil, 61. En Chine, seulement 3, mais en Inde, 37. L’Alliance de Montréal est la 10e.e du réseau canadien : deux en Colombie-Britannique, deux en Alberta, un au Manitoba, deux en Ontario, un à Moncton et un à Halifax. Celui de Toronto est si grand qu’il a ouvert quatre annexes à Mississauga, North York, Markham et Oakville.
Si chacun est incité à développer sa couleur locale, chacun doit respecter un cahier des charges établi par la Fondation des Alliances françaises à Paris, centrée sur l’enseignement du français et de la culture francophone. « En contrepartie, cela nous a permis de partir avec une méthode pédagogique toute faite, incluant des manuels », explique Christophe Brayet.
Année après année, dans le monde, plus de 400 000 personnes — c’était 500 000 avant le COVID — suivent des cours dans les établissements de l’Alliance française. C’est donc, parmi toutes les écoles de langues, une marque connue dans le monde. « À tel point que je reçois beaucoup de candidatures spontanées de personnes qualifiées dans l’enseignement du français », raconte Christophe Brayet. «Je n’ai eu besoin de publier aucun des postes vacants. »
La première version de l’Alliance
L’ancienne Alliance de Montréal a été fermée en 2002, après dix ans de démolition. Elle a été fondée en 1902 par Honoré Beaugrand, qui, avant d’être le nom d’une station de métro, était un célèbre journaliste, propriétaire de journal et maire de Montréal.
Au départ, cette Alliance se voulait avant tout être un club culturel francophile. Dès l’après-guerre, la figure dominante pendant plus de 30 ans fut son président, le journaliste de Devoir Geneviève de la Tour Fondue-Smith (ça ne s’invente pas). Mais à partir des années 1980, l’organisation stagne peu à peu avant d’être fermée par le bureau de Paris en 2002. Selon Christophe Brayet, c’est l’Alliance française d’Ottawa qui reprend plusieurs cartons des archives de Montréal. Une chose est sûre, il y aurait suffisamment de matière pour une ou deux thèses.
La renaissance de l’Alliance au Québec ouvre de nouvelles possibilités de séjours linguistiques en immersion, car c’est pour ainsi dire le seul endroit qui peut offrir l’expérience de l’Amérique en français.
Sa nouvelle équipe pédagogique développe une offre de séjours linguistiques intensifs d’une, deux ou quatre semaines. « L’Alliance française de Lima, au Pérou, qui est l’une des plus importantes du réseau, souhaite déjà nous envoyer des groupes », se réjouit Christophe Brayet. À mon avis, la demande sera si forte qu’il y aurait place pour ouvrir une autre Alliance au Québec et une autre à Sherbrooke, ou ailleurs au Québec. »