Au sud-ouest d’Ibiza, à 3 kilomètres au large, le rocher Es Vedrà attire tous les regards. Le photographe Henry Roy, 61 ans, pense à cet îlot inhabité depuis qu’il l’a découvert à la fin de son adolescence, alors qu’il était en vacances aux Baléares avec la famille d’un ami. “Je le vois comme un totem de mon travail, la métaphore d’une île perdue.” Une insularité mentale et abstraite, qui représente la part d’émotions que l’artiste cherche à transmettre dans ses images. Mais c’est aussi autobiographique.
Roy est né à Port-au-Prince, en Haïti. Il a 3 ans lorsque sa famille émigre en France, d’abord dans le Midi, puis à Montreuil, en banlieue parisienne, et enfin à Paris, où il est inscrit au prestigieux Collège Henri IV. Là, il découvre la photographie grâce à un camarade de classe. Il en a fait son métier, parcourant le monde en mission pour divers magazines ou pour des projets personnels : Sénégal, Cameroun, Maroc, Thaïlande, Tunisie, République Démocratique du Congo… toujours avec Haïti en tête.
“C’est un pays qui n’a jamais été réalisé. Plus de deux siècles après son indépendance, il est toujours en gestation.” Le nom de la vaste exposition que lui consacre l’Art Gallery of Western Australia à Perth, accompagné d’un livre publié chez l’éditeur franco-britannique Loose Joints, est également révélateur : « Impossible Island ».
Les quelque 75 images du livre montrent un coucher de soleil, des crocodiles entourant une pirogue sèche, des portraits de jeunes, l’actrice Ludivine Sagnier… Autant de photographies prises entre 1983 et 2023, aux quatre coins du monde. Et autant de mystères. “J’aime les images qui réservent leurs secrets, l’idée d’onirisme.” Il se dit influencé par le penseur postcolonial Edouard Glissant et sa conception de la créolisation, la manière dont plusieurs cultures entremêlées en forment une nouvelle.
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