L’Anses s’est vu confier par le gouvernement une mission visant à évaluer « les risques d’exposition aux pesticides et résidus de pesticides des travailleurs » du secteur.
Une situation alarmante. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) s’est vu confier début décembre une mission par les ministères chargés du travail et de l’agriculture pour évaluer « les risques d’exposition aux pesticides et résidus de pesticides des travailleurs du secteur horticole ». secteur des plantes ornementales (fleurs coupées et en pot) et leurs enfants.”
Cette information, initialement relayée par Radio France et Le Monde, a été confirmée par un porte-parole de l’agence ce lundi 20 janvier.
« Des choses pas visibles »
Cette mission intervient après que la cour d’appel de Rennes a rejeté, début décembre, la demande d’indemnisation des dommages et intérêts des parents d’une petite fille décédée d’une leucémie liée à l’exposition. in utero aux pesticides de sa mère, alors fleuriste, pendant sa grossesse.
Fleuriste et grossiste en fleurs depuis l’âge de 20 ans, Laure Marivain a été exposée à de nombreux herbicides alors qu’elle nettoyait des taches bleues et jaunes sur des plantes importées couvertes de pesticides, qu’elle recevait en quantité.
En mars 2022, sa fille Emmy décède d’une leucémie, à l’âge de 11 ans. Contactée par les parents, la Fonds d’indemnisation des victimes des pesticides (FIVP) reconnaît en juillet 2023 le lien entre exposition aux pesticides et leucémie, et propose 25 000 euros d’indemnisation à chacun, conformément au barème légal.
« Ce ne sont pas des choses visibles sur une fleur, c’est assez ambigu de savoir qu’on est en danger. J’ai reçu de nombreux messages de fleuristes qui ont malheureusement contracté des pathologies ou ont vu leur enfant tomber gravement malade”, assure Laure Marivain à BFMTV.
Lundi, l’Association interprofessionnelle française de l’horticulture, de la fleuristerie et de l’aménagement paysager (Valhor) a indiqué à l’AFP n’avoir “pas connaissance d’autres cas”, précisant que ses adhérents “agissent pour protéger leurs salariés avec un rappel régulier des bonnes pratiques”. …) qui permettent de limiter l’exposition aux produits phytosanitaires”, comme le port de gants et de tabliers.
Moins de contrôles en dehors de l’UE
L’Anses a été contactée à ce sujet par l’association Robin des Bois, représentée au sein de son conseil d’administration.
“Ces fleurs contiennent une certaine quantité de résidus qui peuvent se déposer sur la peau des personnes qui les manipulent tout au long de la chaîne d’approvisionnement, depuis l’importation jusqu’aux grossistes, qui les manipulent puis les acheminent vers les camions, jusqu’aux fleuristes eux-mêmes qui vont ensuite composer les bouquets», explique à l’AFP Henri Bastos, directeur scientifique santé et travail à l’Anses.
Actuellement, environ 85 % des fleurs coupées vendues en France sont importées – le plus souvent via les Pays-Bas –, dont « une partie importante est cultivée hors d’Europe » avec potentiellement « des traitements avec des pesticides non autorisés dans l’Union européenne », ajoute-t-il.
Interrogé par BFMTV, Jacky Bonnemains, porte-parole de l’association Robin des Bois et administrateur de l’Anses, pointe également les différentes réglementations hors Union européenne.
« Dans tous les produits alimentaires, les résidus chimiques sont contrôlés. En revanche, dans les productions non alimentaires, comme les fleurs et les plantes ornementales, il n’y a aucun contrôle », insiste-t-il.
Encore plusieurs mois de travail
Une étude belge, menée par la chercheuse Khaola Toumi (Université de Liège), a montré que les fleuristes étaient exposés quotidiennement à des résidus de pesticides ayant un effet potentiel sur leur santé.
“Nous examinerons s’il y a une éventuelle contamination par voie cutanée, liée à la manipulation directe de ces fleurs, et par l’air respiré”, a indiqué le directeur scientifique de l’Anses, précisant qu’un comité d’experts devrait être nommé en avril.
L’inventaire des connaissances et l’établissement du protocole d’étude prendront “15 à 18 mois”, avant le début de l’étude de terrain : les résultats de l’expertise sont attendus “fin 2026 ou début 2027”, prévient-il.
L’Anses pourrait préconiser des évolutions réglementaires pour mieux protéger les travailleurs de la filière des fleurs coupées, puis les relayer au niveau européen.
L’UE fixe des limites maximales de résidus de pesticides pour l’alimentation humaine et animale, et “la question se pose de les mettre pour les fleurs coupées”, conclut Henri Bastos.
Le ministère du Travail a justifié la saisine de l’Anses auprès de l’AFP : pour que les employeurs puissent “mettre en œuvre les mesures de prévention imposées par le code du travail, ils doivent connaître les agents chimiques auxquels les fleuristes peuvent être exposés”. Interrogé, le ministère de l’Agriculture n’a pas réagi.