Les Québécois ont un rapport avec leur identité plus claire que celle de leurs concitoyens du Canada anglais: ils sont ce qu’ils sont, sans être ce qu’ils ne sont pas. En bref, le Québecer est québécère, tandis que le Canadien anglais est … autre chose qu’un Américain. C’est ainsi que le Premier ministre Justin Trudeau a décrit l’identité canadienne lors de sa visite à CNN, au début de cette crise que nous ne savons pas encore nommer. Il a dit ceci: «L’une des façons dont nous sommes le plus facilement définis est de dire que nous ne sommes pas américains.» »
Chaque Québecier a sa propre idée de ce qui signifie en détail. Et grand Dieu que parfois les détails des autres peuvent nous horrifier. Le fait demeure que, dans l’ensemble, Nous sommes tous en mesure d’établir des contours relativement courants. C’est une richesse inestimable qui nous permet de subir collectivement.
C’est sur cette base que le gouvernement de François Legault s’engage à décrire la nation du Québec. Il y a eu l’astuce de la modification unilatérale de la loi constitutionnelle de 1867 pour inclure la reconnaissance de la nation Québec et la loi sur la laïcité de l’État.
Le projet de loi 84 sur l’intégration nationale, déposé par le ministre de la langue française, Jean-François Roberge, le 30 janvier, est une autre pièce maîtresse de l’affirmation du Québec comme ce gouvernement conçoit. Et ce projet de loi ne fait pas de cachettes: elle est destinée à être un geste de rupture avec le Canada comme il a été considéré dans les années 1970 et 1980. La loi proposée était textuellement opposée au multiculturalisme canadien pour promouvoir autre chose.
Mais quel “autre chose”? On croyait qu’il existait déjà et s’appelait l’interculturalisme. C’est En fait La doctrine sur laquelle notre vie a été érigée depuis la révolution tranquille, même si aucune loi ne la proclame. De la Charte des droits de l’homme et des libertés (la version du Québec a six ans l’aîné du Canadien) à la Charte de la langue française via d’autres mesures plus concrètes, telles que l’accord canada-quebec sur l’immigration en 1991 ou la déconfessionnalisation des écoles publiques en 2000, ce sont des exemples qui sont parfaitement écrits en intervalralisme. Tout est en partageant entre les différentes origines des citoyens.
Cependant, dans ce projet de loi Roberge, l’idée de partager est évacuée en faveur du concept de devoir et d’une prédication nationale. Le terme «interculturalisme» est même complètement absent du document. Mais il y a un sermon avec un centimètre carré! Comme: “Commandez la réception et la pleine participation, en français, des immigrants”.
Ce n’est pas tant sur l’intégration des immigrants qui semble compter le projet de loi, mais plutôt sur leur intégrité. Savent-ils qu’ils immigrent dans une démocratie? Ce type de question donne l’impression de sous-tendre le projet de loi, comme s’il y avait une suspicion quant aux valeurs des immigrants. Le réciproque de la société d’accueil se limite à leur offrir les moyens de ne pas nous importer et de coutumes qu’il pourrait trouver étrange. Les premiers peuples et la minorité anglophone n’apparaissent que dans les considérations du début, qui les coupe sur une voie de service plutôt que de les amener à être considérés comme une partie de nous-mêmes.
Tout cela ne peut avoir que l’effet inverse de celui recherché, c’est-à-dire susciter le soutien des nouveaux arrivants au projet québécois, que ce soit dans le contexte du fédéralisme canadien ou d’un autre régime constitutionnel.
Jean-François Roberge est une personne de bonne foi. J’espère qu’il sera attentif aux échos qui proviennent de la société civile, entre autres. Cette perception d’une distance du modèle interculturel du Québec est également partagée en particulier par les anciens ministres libéraux Kathleen Weil et Christine St-Pierre et par les ex-ministers Pouquistes Louise Harel et Louise Beaudoin, qui ont fait la publication, avec 27 autres co-signes de haut calibre, une lettre dans Le devoir où ils contactent le ministre. J’espère qu’il le prendra et mieux décrire ce que nous sommes vraiment.